En Eure-et-Loir, des pirates informatiques ont intercepté les mails d'un artisan, pour récolter les paiements de ses clients. Pour cette famille, cela veut dire la suspension des travaux engagés, et une maison ouverte sur l'extérieur, alors que les températures se rafraichissent.
Des dizaines de milliers d'euros évaporés, siphonnés lors d'une cyberattaque bien ficelée, ayant fait plusieurs victimes en Eure-et-Loir. Fin juillet, Guillaume Lefèvre, menuisier à Vernouillet, constate avec désarroi que les comptes de son entreprise sont dans le rouge. "Au départ, on pense juste à une erreur, pas qu'on s'est fait hacker."
Alors sa secrétaire et lui font le tour des clients. Tout a bien été payé ? Oui, les sommes sont versées, assurent-ils tous, il n'y a pas de raison qu'elles n'apparaissent pas. Ce n'est que plus tard, en vérifiant les factures reçues par les clients, que la vérité apparaît : plusieurs ont, en pensant payer l'artisan, envoyé leurs règlements vers un autre compte, à cause d'un numéro de compte frauduleux.
35 000 euros perdus pour Laetitia Salmon
Le mode opératoire est simple. Guillaume Lefèvre envoie ses factures par mail à ses clients, "les pirates les interceptent au vol, modifient le RIB dessus, et le renvoient au client en disant qu'il faut prendre en compte ce nouveau RIB". L'artisan ne reçoit aucune alerte, "on n'a qu'un antivirus classique, on n'est pas une multinationale". Et mes clients n'y voient que feu. L'argent est bien transféré, mais sur le compte des hackeurs. Quand l'arnaque est mise au jour, il est déjà trop tard : le compte frauduleux n'existe déjà plus.
Une perte sèche de presque 35 000 euros, dans le cas de Laetitia Salmon. Le couple et ses quatre enfants résident dans un pavillon situé au lieu-dit Bienfol, à Magny, au sud-ouest de Chartres. Un pavillon qui aurait dû se barder d'une importante extension en bois, réalisée par Guillaume Lefèvre.
Mais, sans paiement, impossible pour l'artisan d'engager les travaux. Alors que, du côté de la famille, tout était prêt. Des tuiles avaient été retirées, le garage réduit, une véranda détruite. Depuis trois mois, tout est à l'arrêt, et la maison est éventrée. Dans la chambre des grands, juste au-dessus du garage, "il fait la même température que dehors, sans le vent", souffle la mère de famille.
Dans le garage, le compteur électrique et les arrivées d'eau sont exposés à tous les vents, et aux risques d'intempéries. Si la situation n'est pas améliorée avant l'hiver, et de potentielles températures négatives, "je vous laisse imaginer". Et plusieurs pièces de l'habitation, comme la salle de bains et la cuisine, ne sont séparées du garage que par du placo. "Ce n'est pas une isolation !"
"Envie de tout envoyer péter"
Alors, depuis trois mois, la famille se démène pour trouver une solution. Notamment auprès de la banque. "Ils doivent avoir un fonds d'urgence, ils pourraient verser l'argent à l'artisan, et ensuite les assurances remboursent." Que nenni. "Ils nous ont proposé de faire un nouveau prêt, ce qui aurait amené notre taux d'endettement à 44%, souffle Laetitia Salmon. C'est absolument impossible."
Pourtant, c'est bien la banque qu'elle tient pour responsable. Car, si son agence a bien appelé l'artisan pour vérifier que le paiement était en règle, "ils n'ont pas vérifié le numéro de compte".
Je reçois régulièrement des mails qui me disent : "Attention aux mails frauduleux. Si vous avez un doute, contactez votre banque." Maintenant, quand je vois ça, j'ai envie de tout envoyer péter.
Laetitia Salmon
Du côté de son assurance, ce n'est pas beaucoup mieux. "On m'a dit que j'étais responsable parce que j'avais envoyé le mauvais RIB." Elle a bien déposé plainte, mais n'est "pas considérée comme victime, à part pour les travaux qui ne commencent pas". Bref, "tout le monde se renvoie la balle, c'est du foutage de gueule", lance-t-elle.
Depuis juillet, elle est donc sans solution. L'artisan, lui, espère une résolution du problème, moyennant un bon lot de patience. "Je dois me retourner contre mes clients, qui doivent se retourner contre leurs banques, qui doivent se retourner contre la banque des pirates", énumère Guillaume Lefèvre. Lui non plus n'est pas assuré sur ce cas précis. "Ma conseillère m'a dit que des contrats allaient bientôt couvrir contre les cyberattaques."
En attendant, il a renforcé la sécurité informatique de sa société. Mais reste "très vigilant". Car, comme tous les concernés de cette affaire ont pu le constater, ça n'arrive pas qu'aux autres.