La droite présente quasiment partout au second tour malgré des duels internes, un léger recul du Rassemblement national, une petite percée des écologistes, et l’élimination de la gauche… Voici les enseignements de ce premier tour des départementales en Eure-et-Loir.
L’enseignement n°1 est comme partout l’abstention record au premier tour de ces élections départementales. 68% des électeurs ne se sont pas rendus aux urnes. C'est 16 points de plus par rapport aux élections régionales et départementales de 2015 où l'abstention s'élevait à 52%.
Dans un dossier d'analyse, Ipsos/Sopra Steria évoquent les raisons de l'abstention. 39% des abstentionnistes déclarés ont dit ne pas aller voter "parce qu'[ils] pensent que ces élections ne changeront rien à leur vie quotidienne". Un résultat qui témoigne d'un manque de pédagogie sur les compétences attribuées aux régions et départements.
Le président sortant du Conseil départemental Claude Térouinard partage cet avis, puisqu’il a déclaré au micro de France 3 Centre-Val de Loire que cette élection "a été confisquée aux électeurs". Pour lui, "ce ne sont les électeurs qui sont responsables de l’abstention, ce sont les candidats qui se sont laissés emmener sur une thèse où l’on confond l’immigration, la sécurité, tous les thèmes à la mode… Alors qu’il s’agit de leur vie quotidienne, de leurs collèges, de leurs routes, de leurs parents, de leurs enfants en difficulté, qui tiennent à la solidarité."
Cependant, les deuxième et troisième raisons les plus fréquemment citées attestent du caractère très politique, voire revendicatif de l'abstention. 23% des abstentionnistes estiment en effet par ce biais "manifester leur mécontentement à l'égard des hommes politiques en général". Enfin, 22% disent ne pas être allés voter "parce qu'aucune liste ou aucun candidat ne leur plaît".
La droite quasi omniprésente
A l’issue de ce premier tour, sur les 15 cantons d’Eure-et-Loir, aucun binôme ne passe dès le premier tour, pas même Claude Térouinard malgré ses 59,7% de suffrages obtenus à Brou (voir encadré pour comprendre les ballottages). 15 duels auront lieu le dimanche 27 juin.
La droite sera présente au second tour dans 14 cantons sur 15. Rémi Martial est l’un des candidats en ballottage favorable, dans le canton de Chartres-3. Conseiller départemental sortant, il est aussi le président de la liste de la majorité départementale "Territoires d’Eure-et-Loir". Il explique cette quasi-omniprésence par le fait que "la droite fonctionne bien en Eure-et-Loir".
"Nous sommes élus dans nos cantons sur le terrain en proximité avec les habitants qui nous connaissent et peut-être que c’est le message qu’ils ont voulu envoyer." "L’élection n’est pas finie, temporise-t-il. La dynamique est de notre côté et on doit la renforcer."
Sur la question des cantons où deux listes de droite s’affrontaient, l’élu dément toute lutte fratricide : "On voit que cela a peut-être davantage mobilisé les électeurs de droite qui ont eu deux offres au premier tour dans certains cantons." Pour lui la majorité départementale se voit surtout "renforcée" par ce premier tour.
Léger recul du RN
Si elle a la possibilité d’obtenir encore une fois 28 sièges sur 30, comme en 2015, la droite est en ballottage défavorable dans un canton : celui de Dreux-1, où le Rassemblement national (RN) est arrivé en tête, avec 26,36% des voix.
Pour le scrutin régional aussi, le département a voté pour l’extrême droite : Aleksandar Nikolic, candidat RN aux régionales ainsi que sur le canton de Saint-Lubin des Joncherets, a obtenu 25,46% des voix euréliennes.
Mais si l'on compare les données, on assiste en fait à un léger recul du parti de Marine Le Pen dans le département. Présent au second tour dans 11 cantons en 2015, le parti n’est en ballottage que dans neuf cantons pour ce scrutin : Anet, Auneau, Brou, Dreux-1, Epernon, Illiers-Combray, Lucé, Saint-Lubin-des-Joncherets et les Villages-Vovéens.
Dans ces cantons, le RN sera face à la droite, sauf à Lucé, où il affrontera la liste du centre arrivé en tête.
La gauche éliminée
La prime au sortant n’a pas fait effet ici, et la gauche perd le seul canton qu’elle détenait en Eure-et-Loir. Pire, elle est éliminée de tous les cantons dès le premier tour, malgré l’union historique entre PS, PCF, Génération.S, et la gauche républicaine et socialiste.
Du côté des socialistes, "on savait bien que dans beaucoup de cantons, on ne serait pas au second tour, mais on espérait l’être au moins sur quelques cantons", reconnaît Michèle Lasne, n°2 de la fédération du PS d’Eure-et-Loir.
Comment expliquer cet échec ? L’Eure-et-Loir est fortement ancré à droite d’une part. Depuis 1986, le Conseil départemental est dans le giron du RPR, puis de l'UMP et de LR jusqu'à aujourd'hui. "Entre le Rassemblement national et la droite traditionnelle, c’est un département très à droite et donc c’est très difficile", admet-elle.
L’autre explication est bien évidemment la très faible participation, dont le mouvement a pâti. "C’est difficile et dans les forces populaires qui votent pour nous, il y a beaucoup d’abstention. Quand il y a si peu de participation, tout le monde est concerné."
Michèle Lasne appelle par ailleurs à faire barrage à l’extrême droite dans le canton de Lucé. "Au-delà, s’il n’y a pas d’enjeu par rapport au Rassemblement national, il n’y aura pas de consigne particulière. Chaque électeur est libre de sa voix." Le groupe n’exclut cependant pas de voter pour les écologistes à Chartres-1 et Chartres-3.
La percée écologiste
Le groupe Eure-et-Loir Ecologie est en effet arrivé deuxième dans ces deux cantons. Pour Sandra Renda, candidate avec Gérard Leray sur Chartres-1, obtenir 22,35% des suffrages est une "grande satisfaction". Face à l’abstention générale "catastrophique pour la démocratie", "on peut mobiliser, plus largement qu’on ne l’a fait au premier tour, et pas uniquement les forces de gauche."
Le mouvement avait par ailleurs présenté des binômes dans 11 cantons sur 15. Être au second tour dans deux seulement est "toujours une déception pour le collectif", admet-elle.
Mais elle rappelle que le mouvement a été créé il y a quelques mois seulement : "On est une jeune force en progression, et on se satisfait déjà de ce résultat pas évident, d’autant que historiquement sur le département, il n’y a jamais eu aucun élu ni conseiller départemental écologiste dans l’hémicycle."
Pourquoi des candidats avec plus de 50% des voix ne sont pas élus ?Vous l'avez peut-être constaté, certains candidats ont obtenu plus de 10% voire plus de 20% des voix, et sont malgré tout éliminés de ces élections départementales dès le premier tour. D'autres ont obtenu quasiment 60% de voix mais ne sont pas élus. Pourquoi ? A cause de la très faible participation. En effet, pour être élu au premier tour, un candidat doit recueillir plus de 50 % des suffrages exprimés représentant au minimum la quart des inscrits. Or avec l'abstention record, aucun binôme en Eure-et-Loir n'a réussi à gagner dès le premier tour. C'est la même idée pour le second tour : pour qu'un binôme puisse être ballottage, il doit avoir obtenu au premier tour un nombre de voix au moins égal à 12,5% du nombre des électeurs inscrits dans le canton. Cependant, si un seul binôme réunit les conditions pour se maintenir au second tour, le code électoral autorise le binôme qui a recueilli le plus de suffrages, après le binôme remplissant les conditions, à se maintenir. De même, si aucun binôme ne remplit les conditions, les deux binômes qui ont obtenu le plus de suffrages sont autorisés à se présenter au second tour. Pour être élu au second tour, la majorité relative (le plus grand nombre de voix) suffit. |