Créé en 1982, le réseau des Plus Beaux Villages de France regroupe aujourd'hui 172 communes classées sous ce label prestigieux et exigeant. De nouvelles labélisations seront peut-être prononcées au cours du week-end du 1er juillet dans le village tourangeau de Montrésor.
Charles Ceyrac était le maire de Collonges-la-Rouge lorsqu'il a découvert, en 1981, un ouvrage consacré aux plus beaux villages de France, affichant en couverture une photo de sa commune. L'élu corrézien a alors l'idée de créer une association pour protéger et promouvoir le patrimoine de ces villages remarquables, en leur offrant une alternative à la désertification rurale.
66 maires, pour l'essentiel des élus des autres communes présentées dans l'ouvrage, décident de le suivre dans cette aventure et officialisent, le 6 mars 1982, la naissance du réseau "Les Plus Beaux Villages de France", à Salers, dans le Cantal.
L'association, qui a fêté en octobre 2022 ses 40 ans à Collonges-la-Rouge, compte aujourd'hui 172 villages labélisés, issus d'une sélection rigoureuse et répartis sur 14 régions et 70 départements.
La région Centre-Val de Loire regroupe neuf des Plus Beaux Villages de France : trois en Indre-et-Loire (Candes-Saint-Martin, Crissay-sur-Manse et Montrésor), deux dans le Cher (Apremont-sur-Allier et Sancerre) et dans l'Indre (Gargilesse-Dampierre et Saint-Benoît-du-Sault), un dans le Loiret (Yèvre-le-Châtel) et dans le Loir-et-Cher (Lavardin).
Sancerre (par ailleurs élu "Village préféré des Français" dans l'émission de Stéphane Bern, en 2021) fait partie des quatre derniers villages à avoir intégré la liste, en octobre 2022, avec Le Castellet et Cotignac (Var) ainsi que Lavoûte-Chilhac (Haute-Loire).
Depuis octobre 2020, le réseau des Plus Beaux Villages de France est présidé par Alain Di Stefano, maire délégué de Yèvre-le-Châtel, le seul village loirétain labélisé.
Trois candidatures et quinze réexamens
Vendredi 30 juin et samedi 1er juillet à Montrésor, les membres de la commission "qualité et labélisation" vont se pencher sur le dossier de trois villages candidats, situés dans le Lot-et-Garonne et les Pyrénées-Orientales (les noms ne sont pas communiqués pour ne pas léser les villages qui se verront refuser le label).
Trois critères sont impératifs pour postuler : le village doit avoir une population inférieure ou égale à 2 000 habitants, disposer d'au moins deux sites ou monuments protégés, et attester de sa volonté d'adhésion par une délibération municipale.
Une fois sa candidature jugée recevable, le village va faire l'objet d'une expertise sur site. "Nous avons une charte de qualité et de mise en valeur qui comporte aujourd'hui 32 critères, explique le président Alain Di Stefano. Cela commence par l'analyse des documents d'urbanisme, pour savoir comment le village va évoluer dans le temps." Il assure qu'il n'est pas question de "figer les choses", simplement de rester "vigilants". L'évaluation se poursuit avec "la qualité du bâti, les façades, la compacité du village, la maîtrise du stationnement et de la circulation, l'accueil des visiteurs, etc."
La commission explique aussi faire "de plus en plus attention aux critères environnementaux", via notamment les abords du village, l'existence de liaisons douces et les plantations d'arbres. "Nous défendons une ruralité respectueuse du patrimoine et de ses habitants, poursuit Alain Di Stefano. L'idée est de donner une feuille de route à nos villages, quitte à émettre des réserves lors du classement."
Dernière étape, le compte rendu d'expertise est présenté devant la commission "qualité et labélisation" qui peut prononcer, aux deux tiers des membres votants, les décisions de classement.
Fréquentation touristique et retombées économiques
Pour les nouveaux entrants, devenir l'un des Plus Beaux Villages de France peut avoir de sérieuses retombées :
"Il est évident qu'il y a un impact, des camping-caristes, des visiteurs font le circuit des villages...Les Plus Beaux Villages de France est le plus célèbre des labels, 93% des Français le connaissent, rappelle Frédéric Gaultier, le maire de Montrésor. C'est difficile à quantifier, mais oui, c'est un moteur important, qui contribue aussi au maintien des commerces et des services, à l'activité économique. Nous venons par exemple d'ouvrir de nouveaux espaces pour accueillir des artisans."
Il n'en reste pas moins que, à l'instar de nombreuses petites communes rurales, Montrésor est depuis quelques mois en quête d'un médecin... Mais Frédéric Gaultier se veut optimiste car "cela reste un atout, quand on est en concurrence avec d'autres communes, de dire que l'on est dans un cadre très agréable, avec le label des Plus Beaux Villages de France. Forcément, on le met en avant..."
"On estime que, l'année de la labélisation d'un village, sa fréquentation peut augmenter de 40%, reprend le président des PBVF. Mais il faut relativiser cette donnée, car tous les villages n'ont pas la même notoriété. Quand on labélise Sancerre ou Rocamadour, par exemple, la fréquentation ne va pas exploser car ils sont déjà très connus." Mais Alain Di Stefano ne veut pas entendre parler de "surfréquentation" : "90% de nos villages attendent les visiteurs, sont prêts à les accueillir. Ce n'est peut-être pas une merveille du monde ou le patrimoine mondial de l'UNESCO, mais c'est très beau !"
Le label n'est pas définitif
Si la Commission de labélisation a le pouvoir d'intégrer de nouvelles communes dans la liste des Plus Beaux Villages de France, elle peut aussi en retirer : 15 villages vont ainsi faire l'objet d'une ré-expertise, systématique, tous les six à neuf ans, pour l'ensemble des communes de la liste. C'est un gage de qualité pour ce label qui ne peut être attribué de façon définitive.
"Au cours des 10 dernières années, six villages ont été déclassés, confirme Alain Di Stefano. C'est un traumatisme en général, car cela met en péril l'économie qui se développe autour de ce label, restaurants, hôtels, commerces...Mais nous ne le faisons pas de façon abrupte, il y a des alertes, une procédure est mise en place pour permettre au village de se ressaisir. Le déclassement potentiel ouvre une période de 18 mois pendant laquelle la municipalité peut présenter ses projets, expliquer les problématiques, les difficultés rencontrées."
Mais nous voulons des villages vivants et pas des villages musées, des décors à la Disneyland. Le village dont je suis le maire a encore des hangars agricoles et des tracteurs qui le traversent, on ne vit pas que du tourisme. Il ne faut pas oublier que Charles Ceyrac a créé ce réseau parce que son village, Collonges-la-Rouge, se vidait de ses habitants et qu'il voulait lutter contre la désertification rurale.
Alain Di Stefano, maire délégué de Yèvre-le-Châtel, président LPBVF
Ainsi, le réexamen périodique des villages classés est-il destiné à maintenir, sur le long terme la motivation des communes à tenir la promesse portée par l'appellation Les Plus Beaux Villages de France.