L'arbre de pluie est une solution fondée sur la nature qui présente de nombreux bénéfices, notamment en matière d'adaptation au changement climatique. Une technique qui utilise presque exclusivement l'eau de pluie pour alimenter l'arbre, favoriser sa croissance et son développement. Et permet d'améliorer le cadre de vie tout en favorisant la biodiversité en ville.
C’est sur le territoire de la Métropole de Lyon qu'a d'abord été testée, depuis 2021, la technique des arbres de pluie. Un espace végétalisé plus vaste et une tranchée d’infiltration qui permet à la pluie d’être absorbée directement par la terre, au pied de l’arbre, au lieu de ruisseler dans la rue, puis de se déverser par les caniveaux dans les égouts et les réseaux d’assainissement.
Du tout-tuyau à la ville-éponge
Ainsi l'eau de pluie est-elle considérée comme une ressource et non plus comme un déchet. Un changement radical dans notre vision du modèle urbain, devenu impératif avec le changement climatique (sécheresses prolongées, orages très violents...).
Responsable du patrimoine arboré et forestier à la Ville de Tours, Hervé Mifsud explique ce bouleversement dans notre rapport à l'eau :
"On s'était vite rendu compte dans les villes que l'eau stagnante présentait de gros risques sanitaires pour la population. Alors dès le XIXème, on a placé des tuyaux partout dans la terre pour l'évacuer le plus rapidement possible. Aujourd'hui, avec le changement climatique, c'est au contraire l'eau qui part qui nous pose un gros problème, car on a besoin de recharger les nappes, de rafraîchir la ville."
Au lieu d'être évacuée, l'eau doit aujourd'hui rester en ville. Il nous faut passer de la ville entonnoir, composée de tubes, à la ville éponge, qui absorbe l'eau
Hervé Mifsud, direction du patrimoine végétal et de la biodiversité Ville de Tours
De nombreuses techniques sont mises en place pour parvenir à retenir l'eau en ville : tranchées drainantes, toitures végétalisées, revêtements perméables, noues, citernes ou puits d'infiltration...et, désormais, les arbres de pluie.
Des arbres de neige en arbres de pluie
Après avoir constaté de nombreux bénéfices, la Métropole de Lyon a généralisé cette technique dans le cadre d'une stratégie "ville perméable", pour les arbres existants comme pour les nouvelles plantations. La Ville de Tours aujourd'hui, lui emboîte le pas.
En février, 16 arbres de pluie ont ainsi été plantés dans la rue Richelieu, un secteur entièrement minéralisé du centre-ville, situé entre le Vieux-Tours et la rue Nationale. Des érables (de Freeman, de Montpellier ou champêtres) et des arbres de neige (arbustes originaires d'Amérique du Nord, très odorants et attractifs pour les pollinisateurs).
"À Lyon, les fosses des arbres ont été développées, et connectées aux caniveaux, reprend Hervé Mifsud. Au lieu de rejoindre directement les tuyaux, via les grilles d'évacuation, l'eau de pluie passe d'abord par les fosses, grâce à une tranchée d'infiltration. À Tours, nous avons repris ce principe, mais avec une autre technique, et en y ajoutant les eaux de toitures et des pentes de trottoirs, afin d'en récupérer le plus possible."
La technique utilisée à Tours, en effet, est celle de réservoirs qui peuvent récolter jusqu'à 250 litres d'eau de pluie. Celle-ci remontera par capillarité dans les racines des arbres, favorisant leur croissance et leur développement.
Des arbres qui n'ont plus besoin d'être arrosés et dont le pouvoir rafraîchissant augmente, grâce à l'évapotranspiration :
"L'objectif est de développer des îlots de fraîcheur, dans des endroits très minéralisés, en créant une canopée avec des végétaux qui produisent de l'ombre et rejettent de l'oxygène, mais vaporisent également de l'eau, poursuit le responsable du patrimoine arboré. L'arbre qui souffre trop de la chaleur en été va fermer ses stomates. Avec le réservoir, il peut continuer à rejeter de l'eau et aura cet effet climatiseur beaucoup plus longtemps dans l'année."
En sélectionnant aussi de nouvelles essences à planter, Tours en reste, pour le moment au stade de l'expérimentation :
"Non seulement on installe des arbres de pluie, mais on choisit aussi des végétaux qui ont besoin de moins d'eau. Et on va installer des sondes tensiométriques pour évaluer les différences entre deux arbres d'une même essence, l'un planté en arbre de pluie, l'autre non. Aujourd'hui, quand on plante un arbre, il faut l'arroser régulièrement pendant 3 ans. On verra à l'usage si l'arbre de pluie nécessite moins ou plus du tout d'arrosage. Pour le moment, cela reste une hypothèse."
Prudence de la Ville de Tours avant de crier au miracle, mais en fait l'hypothèse a déjà été sérieusement validée par les études menées à Lyon. Les arbres de pluie grandissent presque deux fois plus vite et augmentent leur pouvoir rafraîchissant, même en situation de fortes chaleurs ou de canicule, quand les arbres "classiques" se retrouvent en situation de stress hydrique.
Aux nombreux bénéfices déjà cités (réduction du ruissellement, de la saturation des réseaux et, donc, du risque d'inondation, recharge des nappes phréatiques et développement des îlots de fraîcheur), on peut ajouter, bien sûr, l'amélioration du cadre de vie et de la biodiversité en ville.
Tours n'en est peut-être qu'à son coup d'essai avec la rue Richelieu, mais les arbres de pluie, à n'en pas douter, sont promis à un bel avenir. Et, sur les arbres déjà existants comme sur les plantations futures, cet aménagement risque bien de se multiplier.