Les chercheurs de l'Institut de Recherche sur la Biologie de l'Insecte (IRBI) ont testé des plateformes, situées dans les cimes du bois de Grandmont, en Indre-et-Loire. L'enjeu est d'étudier le comportement des insectes qui y vivent et d’aider la forêt à s'adapter aux 1,5 à 2 degrés de réchauffement climatique annoncés.
En période de sécheresse, il fait bon flâner dans les bois. L'observateur attentif notera pourtant que de plus en plus d'arbres perdent leur feuillage et ce, même en été.
Ce dépérissement forestier s'opère à l'échelle planétaire. Il y a des effets cumulatifs. Avec la sécheresse et le réchauffement climatique, nos forêts sont fragilisées. Elles sont plus sensibles aux infections d'agents pathogènes et aux attaques d'insectes nuisibles. Certains arbres ont déjà disparu. Selon Global Forest Watch, la France a perdu, en dix ans, 7.9% de la couverture arborée.
Les causes sont diverses, l'homme et ses comportements, mais aussi certains insectes. Pointé du doigt, l'Agrilus biguttatus, l’Agrile du chêne, qui est considéré comme l’un des plus importants ravageurs secondaires des arbres. Les larves creusent des galeries dans les tissus de l'écorce et coupent la circulation des éléments nutritifs au sein du chêne. De la même manière, Lymantria dispar, le bombyx disparate, avait défolié toutes les chênaies en région Centre, en 1993. Disparu depuis, on surveille sa résurgence.
Afin de protéger l'écosystème forestier, les scientifiques veulent observer la cime des arbres. La canopée en milieu tempéré est très peu étudiée. Les chercheurs de l'IRBI ont décidé d'y remédier grâce à l'utilisation de plateformes. Il sera ainsi plus facile de comprendre les influences de l'urbanisation sur le milieu. David Giron, directeur de recherche de l'IRBI, explique : "On a opté pour deux structures : une à 18 mètres où l'on peut tester du matériel, une sorte de camp de base et une autre plus légère. Notre but sera de comparer les forêts des villes et celles plus naturelles."
Jusqu'ici toutes les études avaient été réalisées au sol. Avec ce nouveau matériel, les différents étages de la forêt seront étudiés. La canopée est un eldorado de biodiversité. Elle suscite l'intérêt des chercheurs du monde entier. Dans les forêts tropicales, les insectes entraînant la mortalité des arbres vivent à la cime. Qu’en est-il dans nos contrées ?"On veut voir ce qu'on trouve comme insectes et comment cela évoluera pendant six ans. Nous l'étudierons sur cent parcelles, dans des régions différentes du globe. Cette étude est initiée par la Finlande, mais des Canadiens y participent aussi ", précise David Giron.
Selon divers scenarii, l’augmentation de la température moyenne annuelle pourrait varier entre + 1,5° et +5°, d’ici la fin du siècle. Les chercheurs se demandent comment l'insecte nous aidera à y faire face.
Favoriser certains insectes, en défavoriser d'autres pour protéger l'écosystème forestier
David Giron indique que "dans la forêt, on doit trouver des moyens pour favoriser les insectes utiles et minimiser les insectes nuisibles pour qu’elle se régénère."
Selon lui, l'insecte pourrait être une solution à des enjeux de société dans trois domaines, le contrôle biologique, la bio-inspiration et l'alimentation. "Tout le monde connaît l'exemple de la coccinelle qui mange les pucerons mais qui sait que la locomotion des insectes est utile à la robotique et à l'aéronautique ? On regarde comment un insecte évolue sur l'eau ou sur le sable. Les technologies inspirées du vivant sont fascinantes. Enfin, les insectes sont sources d'alimentation."
Ce sera une force de frappe unique sur la question des ravageurs de la forêt.
se félicite David Giron.
Étudier les insectes de la canopée est unique au monde. L'idée émane de l'IRBI. À terme, une vingtaine de dispositifs, comme ceux testés à Tours, seront déployés y compris en Guyane française.