À Tours, un lieu a ouvert ses portes depuis un an en marge de l’hôpital : on y accueille, écoute et soigne des personnes aux prises avec le mal-être d’une expérience traumatisante. Le documentaire "La mémoire réparée" a suivi les histoires de femmes et hommes dans cette situation.
Comment se reconstruire après une expérience particulièrement traumatisante ? C'est la question à laquelle François-Xavier Noulens a répondu lors d'une immersion de six mois parmi les soignants et les victimes dans le centre régional de psychotraumatologie de Tours.
En effet la nouveauté c’est la prise en charge d’un mal bien particulier qui est enfin reconnu : l’état de stress post-traumatique. Somme de souffrances, d’obsessions et d’obstacles à vivre résultant d’une agression, d’un événement grave, d’une catastrophe. Cela peut aussi être la mort d’un proche ou l’exposition prolongée à des situations dramatiques.
Voir le film à la demande :
Différentes voies thérapeutiques
Au centre le premier échange se fait toujours avec un psychiatre. Il va évaluer la personne et diagnostiquer un éventuel état post-traumatique pour lui apporter un premier soin avec une stabilisation psychique. Vient ensuite l’orientation vers la méthode la plus adaptée.
Il en existe plusieurs :
- Les thérapies dites "de reconsolidation"
Les psychiatres mènent eux-mêmes les thérapies dites “de reconsolidation” où le patient s’expose à son traumatisme par le récit. Un récit couché par lui sur le papier qu’il lit au cours des séances.
Vous verrez dans le film comment ce souvenir traumatique est “dégradé” et comment il est neutralisé chaque fois un peu plus. Y compris par une forme de thérapie expérimentale qui donne des résultats étonnants.
- L'EMDR et l'hypnose thérapeutique
Les psychologues du centre pratiquent principalement deux thérapies : l’EMDR et l’hypnose thérapeutique.
L'EMDR pour Eye Movement Desentitization and Reprocessing, Désensibilisation et Retraitement par les Mouvements Oculaires, travaille via ces fameux mouvements des yeux. Mais ce sont l’échange et l’introspection par le patient qui font le job ! C’est une thérapie qui est loin de n’être que mécanique et qui intègre les bienfaits de plusieurs approches reconnues en psychologie.
L’Hypnose Ericksonienne, pratiquée au centre, accompagne le patient pour trouver en lui des ressources, dans l’apaisement, en passant par une forme d’état modifié de conscience.
3 questions au réalisateur
- Pourquoi avoir choisi de réaliser ce film au Centre Régional de Psychotraumatologie de la Région Centre Val De Loire ?
J’éprouve un intérêt pour tout ce qui touche la santé mentale en passant par la rencontre, l’échange, entre ceux qui souffrent et les soignants.
Il y avait là un sujet neuf avec ce centre dédié au psychotraumatisme. Avec surtout une équipe consacrée à soigner ce Trouble du stress post-traumatique, un mal dont on mesure de plus en plus l’ampleur dans notre société. Avec des personnes dont la vie est ravagée par des symptômes envahissants, très invalidants et un souvenir traumatique qui les met en souffrance.
Le Professeur Wissam El-Hage, créateur et responsable du Centre, m’a tout de suite accueilli et a souhaité accompagner ce projet. Le point de vue était de filmer le soin par l’échange.
- Concernant les conditions de tournage, comment avez-vous pu convaincre les témoins ?
Le projet consistait, ce qui est rarissime, à filmer des séances de thérapies. Cela me paraissait important dans ce cas précis du psychotraumatisme où tout l’enjeu est de libérer la parole. Il a donc fallu prendre le temps pour rencontrer des témoins qui m’étaient adressés par l’équipe.
Cela peut être difficile pour eux et je ne les remercierai jamais assez. Certains souhaitaient témoigner, s’inscrire dans ce mouvement de libération de la parole. Particulièrement dans l’optique des violences sexuelles.
J’ai observé une volonté de témoigner de la qualité des soins du centre qui leur a permis de “revivre”. Certains avaient choisi d’être anonymes et ont choisi d’apparaître à visage découvert au cours de la réalisation.
- Combien il y en a en France ?
Il existe aujourd’hui une quinzaine de centres en France pour traiter le psycho-trauma... Il faut des mois d’attente pour pouvoir y accéder et les centres ne peuvent proposer qu’une quinzaine de séances de soins à chaque patient. Les besoins sont tels qu’il en faudrait un par département.
Le CPR du Centre-Val de Loire a été pionnier, le premier à ouvrir, car Wissam El-Hage préparait déjà un projet en ce sens.
Pourquoi regarder ce documentaire ?
Nombre d'entre nous ignorent qu'il existe un tel lieu accessible à tout un chacun, en dehors de l'hôpital dédié aux souffrances post-traumatiques. Une prise en charge humaine et chaleureuse pour apaiser ces douleurs invalidantes au quotidien. Un partage pour agir, pour sortir du silence, du déni et mettre des mots sur les maux.
Écouter ces témoignages jusqu'au bout sans l'interrompre comme nous pourrions le faire lors d'une conversation quand les mots deviennent pesants, laisser aller, libérer la parole et ressentir l'émotion intacte.
Regarder ce documentaire pour découvrir des méthodes dont nous connaissons parfois le nom, mais pas l'application en images. Prendre conscience qu'il est possible de se faire aider, de s'aider soi-même, de ne pas s'enfermer, se verrouiller dans sa souffrance si nous avons vécu un traumatisme qui nous empêche d'avancer.
Un documentaire qui touche là où ça fait mal, mais qui donne des solutions pour avancer pas à pas, gérer et ne plus se laisser envahir.
► "La mémoire réparée" jeudi 8 septembre à 22h45 ou en replay sur france.tv