Depuis quelques années, l'Urbex gagne de plus en plus de passionnés dans la région Centre-Val de Loire. Ces derniers explorent et capturent en image des lieux isolés ou abandonnés sous un angle insolite. Dans l'Indre, le youtubeur Fear en profite même pour réaliser des court-métrages horrifiques.
"Je peux pas parler très fort, parce que nous sommes en centre-ville." A l'écran, un trentenaire pixellisé s'adresse en chuchotant à une caméra qui tremblote. Derrière lui, on devine plusieurs autres personnes occupées à explorer une large salle. "Je filme avec mon téléphone. La qualité elle est pourrie, on m'entend mal, j'ai oublié la caméra dans la voiture", poursuit-il, avant que l'un de ses compère ne fasse tomber un objet qui s'écrase avec fracas dans la pénombre. "Nickel la discrétion !"
Explorations interdites
Ils chuchotent car leur loisir, même inoffensif, n'est pas tout à fait légal. Sans l'accord du propriétaire des lieux, il est même franchement interdit et peut constituer une violation de propriété privée. Depuis quelques années, l'urbex continue pourtant de faire des adeptes à travers la France, comme le Lorrain Mamytwink dont la carrière avait culminé avec un la réalisation en 2019 d'un documentaire sur la ville fantôme de Pripyat et la centrale voisine de Tchernobyl.En pratique, il s'agit donc d'explorer un bâtiment abandonné, comme un château en ruine, une ancienne usine ou un hôpital désaffecté, où les passionnés prennent des photos ou réalisent des vidéos, en essayant d'avoir le moins d'impact possible sur les lieux. Certains ont même fait de cette exploration urbaine (ou rurale) une spécialité, et les photographies du Néérlandais Nikki Feijen, par exemple, inspirent la mélancolie et la contemplation.
Entre patrimoine et petits films d'horreur
Cet amour de l'abandon, Guillaume (alias Fear) le partage avec ses quelque 26 000 abonnés sur Youtube, où il enchaîne pêle-mêle des court-métrages mettant en scène des lieux abandonnés et inquiétants, des explorations entre amis et des histoires de fantômes. Et de fait, beaucoup des lieux visités ont l'aura inquiétante du manoir hanté ou de l'hôpital psychatrique de la série American Horror Story. Et la plupart se trouvent certainement tout près de chez vous, puisque "80% des vidéos à peu près ont été réalisées en Centre-Val de Loire" d'après le vidéaste, qui les tourne et les monte sur son temps libre.Mais qu'il s'agisse d'un court-métrage d'horreur ou d'une simple exploration, chaque vidéo fait du lieu visité un personnage à part entière. "A chaque fois, j'essaie de donner des infos sur le bâtiment", explique-t-il, considérant que les trois quart de son travail sont consacrés à la recherche, au repérage et à la récolte d'informations. "Ensuite on visite l'endroit en essayant d'immerger le public, en essayant d'imaginer à quoi pouvait servir les objets qui ont été laissés sur place, comment vivaient les gens qui ont travaillé ou habité là..."
Certaines de ces explorations ont aussi leur lot de mauvaises expériences, qu'il n'hésite pas à partager pour décourager les plus inconscients. Car outre l'illégalité de la pratique, et loin des histoires de fantômes à se raconter au coin du feu, l'urbex est une passion qui comporte son lot de dangers. "Certains bâtiments sont fragiles, et sinon il y a toujours le risque de tomber sur des squatteurs agressifs. C'est vraiment pas quelque chose dans lequel il faut se lancer à la légère."A chaque fois on se dit que c'est dommage de laisser des bâtiments comme des châteaux à l'abandon. C'est du patrimoine, c'est des morceaux de l'histoire de France qui se perdent !
Une de nos équipes a suivi le youtubeur au cours d'une exploration dans l'Indre : un bâtiment abandonné, quasiment en ruines, rempli de gravats. L'occasion pour le vidéaste de nous expliquer comment il réalise ses vidéos.
Lui n'a encore jamais eu d'accident, mais reste choqué de la nuit où, à deux heures du matin dans une caserne désaffectée du centre-ville de Châteauroux, il a dû appeler les pompiers pour porter secours à un sans-abri dans le coma. D'autres ont déjà eu moins de chance. En 2017, un jeune Lyonnais de 18 ans avait perdu la vie après une chute lors d'un repérage.