Violences contre les élus : les maires ruraux de l'Indre se forment avec des négociateurs de la gendarmerie

Pour faire face aux comportements violents dans leurs circonscription, des maires ruraux de l'Indre ont pris des cours auprès de professionnels : des négociateurs régionaux de la gendarmerie formés par le GIGN.

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"Il faut la laisser vider son sac". Au Centre d'étude supérieures de Châteauroux, qui accueille d'habitude des étudiants, des maires de petites communes de l'Indre ont pris place sur les bancs face à des profs qui portent arme et uniforme. Leur but: apprendre à gérer les conflits. Dans une petite salle aux rideaux tirés, deux négociateurs régionaux de la gendarmerie, formés eux-mêmes par le GIGN, mettent en pratique les leçons enseignées un peu plus tôt en amphi.

Calme, un officier rappelle les consignes de l'exercice en plaçant deux maires: "Vous êtes quand même le maire, il faut que l'on respecte votre statut. Mais, il faut le laisser s'exprimer". L'autre militaire entraîne l'une des maires dans un coin: il jouera un administré énervé par une histoire de chien trop bruyant. La confrontation intervient, l'élu commet des erreurs face à la "citoyenne" en colère. Le gendarme corrige: "Il aurait fallu lui apporter une solution. Il faut la recevoir à la mairie, sur votre territoire. Dans votre bureau, vous partez gagnant."

Gérer une violence qui augmente contre les maires ruraux

"Il faut la laisser vider son sac. Il faut qu'elle arrive à la phase d'épuisement. Vous pourrez alors prendre le dessus", lance le négociateur aguerri. "Il faut savoir écouter l'autre et reformuler", renchérit son camarade. "Si la personne voit qu'il y a une écoute, cela peut la faire redescendre." Retour en amphi pour un débrief avec tout le monde. Cette fois, c'est le lieutenant Vincent qui prend la parole devant les élus. Ce commandant d'une communauté de brigade du Loiret est l'un des négociateurs régionaux du Centre-Val de Loire. Charge à lui de décliner localement la formation imaginée par le GIGN.

En 2020, le ministère de l'Intérieur a recensé 1 276 menaces ou agressions contre les élus, soit trois fois plus que l'année précédente. Le 5 août 2019, la mort brutale du maire de Signes, dans le Var, avait rappelé la vulnérabilité des élus ruraux et le risque auquel ils sont parfois exposés. Dans l'Indre, plusieurs élus avaient également déploré des agressions verbales. En août 2020, la maison du maire d'Issoudun a été taggée avec des inscriptions insultantes et un élu d'opposition agressé physiquement, sans que les deux événements n'aient de lien.

Pour aider les édiles à faire face, le ministère a conclu un partenariat avec l'Association des maires de France (AMF). Mesure phare: une formation développée par la cellule négociation du GIGN. "Il fallait qu'on trouve une solution pour donner des clés à nos élus pour éviter qu'ils se mettent en danger", explique le lieutenant, qui arbore sur son épaule droite le sphinx, symbole de réflexion, de prudence et emblème des négociateurs de la gendarmerie nationale. En 2009, il a été l'un des premiers gendarmes de la région à se former avec le GIGN.

"Des réactions inattendues, ça peut arriver à tout moment."

"Nos élus sont souvent parachutés comme maire d'une commune sans avoir de formation", constate le lieutenant. "Ils ne sont, pour la plupart, pas préparés." Jeune maire de Levroux (2900 habitants), Alexis Rousseau-Jouhannet n'a pas hésité à suivre la formation. Élu au printemps 2020, ce grand gaillard a déjà été "désarçonné" face à certaines situations. "On reste sur un territoire assez tranquille mais quand vous êtes appelé à 23h à la piscine municipale parce que vous avez un groupe d'une dizaine de jeunes un peu alcoolisés", se rappelle-t-il. "Ça danse, ça se baigne, ce n'est pas toujours évident d'arriver pour mettre le holà et dire: 'Maintenant vous sortez!' Le ton peut monter. (...) J'ai besoin des conseils de la gendarmerie pour faire en sorte que le ton baisse."

S'il n'a jamais été agressé, Jean Aufrère, qui entame son deuxième mandat de maire d'Ecueillé (1300 habitants), veut se préparer. Au cas où. "Des différends, c'est inévitable dans nos fonctions, on a toujours un jour ou l'autre des moments où on dit non et l'administré n'est pas content", raconte-t-il. "Des réactions inattendues, ça peut arriver à tout moment." Élu à Crozon-sur-Vauvre (360 habitants) Axel Wolter apprécie que les négociateurs régionaux, issus des brigades locales, "connaissent bien le milieu rural": "Ils ont des astuces qui peuvent servir un jour ou un autre... en espérant que ce soit le moins possible".
 

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