"Je pense que je serais morte ou grillée dans ma voiture" : Huguette Guertin, chauffeuse de taxi à Tours, raconte son enlèvement par un client

Huguette, chauffeuse de taxi de 57 ans, a été enlevée et séquestrée par un client le dimanche 13 février. Trois jours après, sauvée par la suspicion d'un collègue taxi de Blois, elle raconte son calvaire.

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Le traumatisme est encore très récent, mais Huguette Guertin a bien l'intention "d'avancer, il faut bien". Ce dimanche 13 février, elle a été enlevée, séquestrée et frappée par un client qu'elle avait embarquée dans son taxi devant la gare de Tours. En tout, elle a passé 2h30 dans le coffre de sa propre voiture, avant que la police ne la libère à Blois. Son visage en porte les stigmates : un bleu énorme sous sa joue droite, des points de suture au-dessus de son œil droit, des marques importantes sous les yeux. Trois jours plus tard, elle raconte son enfer. 

Tout commence donc devant la gare de Tours, peu avant 11h dimanche. "Il voulait aller à Mont-près-Chambord, mais je lui a dit que c'était trop loin, donc il m'a dit de le déposer au bout du boulevard", raconte la chauffeuse de 57 ans. Elle s'arrête alors à un arrêt de bus. Là, le client de 26 ans lui montre que la sortie d'autoroute est juste à proximité, et la convainc de finalement accepter la course jusqu'en Loir-et-Cher. Une course à 250 euros, le prévient-elle. "Il m'a dit : "J'ai ma carte chez ma grand-mère, je vous réglerai en espèces là-bas.""

Du sang "coulait comme un robinet"

Selon la conductrice, "il était très poli, correct, il me vouvoyait", pas de quoi s'inquiéter a priori. Arrivée à Mont-près-Chambord, "je le dépose, et je fais demi-tour pendant qu'il va chercher sa carte chez sa grand-mère", poursuit-elle. Sauf que lorsque l'homme revient, il ouvre la portière arrière pour prendre son sac à dos, laissé là. "Et là, il se relève et il me gaze." Grâce à ses lunettes et son masque, Huguette est un peu protégée de l'attaque, et parvient à verrouiller sa porte avant de tenter de redémarrer. "Il a passé la main par la fenêtre pour l'ouvrir de l'intérieur, et il m'a tirée pour me sortir, continue-t-elle. Je suis tombée, je me suis fait mal au genou, et là il m'en a mis deux, quelque chose de carabiné, avec la bombe." C'est là qu'elle voit son "sang qui coulait comme un robinet" depuis sa tête.

L'agresseur ne devait pas s'attendre aux protestations vigoureuses de sa victime. "J'ai du caractère, [...] c'est pour ça que je me suis débattue, et je n'aurais pas dû." Elle lui demande de la laisser là, de partir, lui, avec la voiture : 

Il m'a répondu : "Certainement pas, vous avez vu mon visage." Et là je me suis dit que c'était fini, que la rigolade était terminée.

Huguette Guertin

Alors qu'elle crie et tente de lui mettre des coups de pied, il lui attache les mains, et l'enferme dans le coffre. "Je ne savais pas comment je pouvais faire pour m'en sortir", se souvient Huguette. Elle proteste, dit avoir faim, soif, envie de vomir. "Il me répondait "Ta gueule, ta gueule", c'est tout." Pendant 2h30, la voiture roule "très vite", "il prenait les ralentisseurs à vive allure, dans le coffre je sautais de gauche à droite, je ne sentais plus ma tête". Le temps est si long que la prisonnière est persuadée d'être allée jusqu'à Paris. Mais non, "apparemment il est resté dans le coin". Tant est si bien que, à cours de carburant, le ravisseur s'arrête dans une station service de Blois.

Les suspicions salutaires d'un collègue

Comme l'explique, dans un communiqué, le procureur de Blois, un chauffeur de taxi local est alors "intrigué par le fait que la carte professionnelle affichée sur le pare-brise de la 508 présentait la photographie d’une femme [...] et son attention était encore appelée par le fait qu’il entendait frapper à l’arrière du véhicule et qu’en réponse l’homme lui indiquait que c’était normal puisqu’un chien était dans le coffre". "J'ai gueulé, j'ai tapé... Vous avez vu la gueule du chien", ironise Huguette Guertin. 

Entre temps, une roue du taxi a explosé, et l'homme emmène le véhicule sur un parking. "Il a reculé la voiture et a ouvert le coffre pour que personne ne me voit." Il lui demande alors si elle a une roue de secours, elle répond que non. Informé par un passant que les roues disposent d'écrous anti-vol, l'homme entreprend de se rendre dans un garage pour la faire remplacer. "Et moi je tapais dans la voiture, raconte Huguette. Le problème, c'est que les voitures sont très insonorisées, et personne ne m'entendait."

Mais entre temps, le chauffeur blésois suspicieux a prévenu la police. 

Et là j'entends : "À terre, à terre !" Je pointe le bout du nez et je constate les habits, et là je me dis : "Ca c'est la police, je suis sauvée". Je m'étais dit : "Mon conjoint, mes nièces, ma maman âgée, je les reverrai plus". Je me disais qu'il n'y avait plus rien à penser, c'était fini. [...] Et là, le moment où la police arrive, je ne l'oublierai jamais.

Huguette Guertin

Une vague de soutien

Placé en garde à vue, l'homme de 26 ans prétend en premier lieu que le taxi est celui d'un de ses amis. Avant de reconnaître les faits, les justifiant par un "besoin d'argent". Il concède avoir envisagé de violer et de tuer sa victime, ou bien de la conduire à l'hôpital. Sans l'intervention, "je pense que je serais morte ou grillée dans la voiture", assure Huguette. "C'est à mon collègue de Blois que je dois la vie."

L'agresseur a été mis en examen à l'issue de sa garde à vue, pour les chefs d’enlèvement et séquestration sans libération volontaire, de vol avec arme et de violences aggravées. Des actes commis "en état de récidive légale", l'homme ayant déjà 19 mentions dans son casier judiciaire pour des faits notamment de vols et de violences aggravées. Suivi par un juge d'application des peines, il était sorti de prison il y a six mois.

La victime a, après sa visite à l'hôpital, bénéficié de huit jours d'ITT. "Mon médecin traitant a dit, pas question, ce sera 45 jours." Aujourd'hui, Huguette a le front et la pommette gauche fendus, et le nez cassé, ce pour quoi elle attend toujours de savoir si elle devra être opérée ou non. 

Fortement médiatisée, son histoire a déclenché une vague de soutien. "Ce matin, j'avais plein de mots dans ma boîte aux lettres, ça fait chaud au cœur", explique-t-elle. Elle reçoit aussi des messages de collègues taxis de toute la région, du Pays basque ou encore de Charente, ainsi que de clients de Tours qui contactent sa régie. 

Combattive, elle explique que "c'est pas ce qui va m'arrêter". Elle est bien décidée à reprendre son activité, avant sa retraite programmée dans deux ans.

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