Centre-Val de Loire : les scieries locales en voie de disparition ? L'export du chêne vers l'Asie fait polémique

La mondialisation a ses avantages et ses inconvénients. L’exportation de nos chênes vers la Chine pourrait provoquer la disparition des scieries de la région. Celle également des charpentiers, menuisiers.

Pourquoi une telle inquiétude chez les scieurs de la région ? "De toute la France Madame !" nous reprennent même nos interlocuteurs.

"Parce que l’on est face à un phénomène qui s’amplifie, alarme Félicien Noël, représentant de l’Union régionale centre bois. L’envoi de chênes en Asie a commencé il y a une dizaine d’année mais depuis le début de l’année, 35 à 40 % des volumes de nos chênes filent là bas ce qui fait doubler voire tripler les prix".

Lien de cause à effet, il est compliqué voir impossible pour les scieries locales de s’aligner sur ces prix.

C’est simple, y’a deux options. Soit on achète mais on travaille à perte, soit on ne suit pas la hausse mais on n’a plus de matière pour travailler et on est obligé de fermer boutique.

C’est ce que craint Jean-Pierre Mandel, scieur depuis toujours.

"Aujourd’hui, il me reste un peu de stocks mais il sera bientôt épuisé car la dynamique est réelle pour la filière forestière. Bien-sûr que c’est une bonne nouvelle, mais si nous n’avons pas la matière première pour travailler, cette dynamique bénéficiera aux autres pays et détruira de nombreux métiers ici, dans la Région, mais également partout en France".

Un comble, quand on sait que la France est le pays du chêne.

Le chêne, un trésor français

Pour comprendre l’importance du chêne, il faut connaître son histoire.  

Au 17ème siècle, les chênes étaient coupés lorsqu’ils avaient 250 ou 300 ans. Aujourd’hui, c’est moitié moins ! Pour des raisons économiques, ils sont désormais abattus bien plus jeunes, entre 150 et 200 ans. Et cela tend à se réduire avec la sylviculture dynamique justement.

Le chêne représente 40% des essences forestières en France. Du point de vue commercial, c’est une essence qualitative, qui possède de bonnes propriétés mécaniques et une très belle esthétique de couleur moyenne. Son bois se finit bien, il est durable, et peut être utilisé en extérieur.

En France, 75% des forêts appartiennent à des propriétaires privés qui vendent à qui ils souhaitent, à une obligation près…

Pour les forêts de plus de 25 hectares, la loi oblige le propriétaire à réaliser un Plan Simple de Gestion et à le faire valider par le Centre Régional de la Propriété Forestière. Ce plan doit être cohérent avec le Schéma Régional de la Gestion Sylvicole (SRGS). Pour les forêts de moins de 25 hectares, le propriétaire doit simplement s’engager à respecter un règlement type de gestion ou un code de bonne pratique sylvicole (CBPS). 

Ce sont sur ces petites parcelles justement que les acheteurs chinois jettent leur dévolu...

La Chine : une histoire qui se répète ?

La demande mondiale de bois de chêne augmente depuis plusieurs dizaines d’années. En conséquence, les exportations françaises de chêne ont été multipliées par 10 en 10 ans : de quelque 50 000 m3 en 2007 à 500 000 m3 en 2017. La Chine absorbe à elle seule près de la moitié de ces exportations.

"Il y a dix ans, on retrouvait encore du parquet français avec du bois français mais transformé en Asie mais aujourd’hui plus du tout ! Les chinois gardent le bois pour leur propre consommation".

La deuxième économie du monde connaît en effet une très forte croissance de la consommation nationale de bois de qualité : il s’agit à la fois d’équiper les ménages chinois aisés en parquets et de contribuer aux exportations de produits finis de la Chine. Or la Chine ne dispose pas de ressources en Chêne : ses besoins doivent être couverts par de l’import.

"Nous avons déjà vécu ce phénomène il y a vingt ans avec le hêtre, explique Félicien Noël, représentant de l’Union régionale centre bois. Dans les années 90, les chinois en été très friands et la filière s’est quasiment arrêté en France puisqu’ils ont mis plus cher que les prix du marché francais.
Aujourd’hui, le constat est sans appel : il ne reste que deux grosses scieries de hetre sur l’Hexagone. Les pays d’Asie ont le monopole du hêtre et l’histoire se reproduit avec le chêne, il est donc urgent d’agir !".

Agir, mais comment ?

Etablir des quotas en évaluant la consommation française et exporter le surplus ? Taxer les matières premières ? Décider d’un embargo complet comme l’ont fait d’autres pays comme la Roumanie, la Pologne, l’Ukraine, la Russie ou les Etats-Unis ?

Les solutions sont multiples, mais les responsables politiques ont-il vraiment conscience de l’urgence de la situation ?...

  • Quelques chiffres

La profession bois représente 450 000 emplois en France dont plus de 2000 entreprises en Centre-Val de Loire.

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