Le cardinal Barbarin est venu animer une retraite spirituelle dans le diocèse de Blois ce week-end du 17 et 18 juin 2023. Au grand dam de l'association Be Brave, qui lutte contre les violences sexuelles contre les enfants.
L'Église prend-elle la pédocriminalité au sérieux ? C'est la question que pose l'association Be Brave -qui soutient les victimes de violences pédo-criminelles- par la voix de son cofondateur Arnaud Gallais après la venue en Loir-et-Cher de Philippe Barbarin. Le cardinal animait un "temps fort" sur l'invitation de l'abbaye de Saint-Georges sur le thème "Les Béatitudes : un autoportrait de Jésus".
"Au programme : causeries, questions, échanges, eucharisties, vêpres, temps personnels, veillée", indique le site web du diocèse de Blois.
Le silence de Barbarin, une "violence" pour les victimes
Or, dans un communiqué, l'association Be Brave estime que "cette mise à l’honneur de Barbarin est d’une grande violence pour les victimes de pédocriminalité".
En effet, le cardinal Barbarin avait été condamné en première instance le 7 mars 2019 et à six mois de prison avec sursis pour ne pas avoir dénoncé les abus sexuels du prêtre Bernard Preynat à Lyon. Il avait cependant été relaxé en appel en janvier 2020, relaxe confirmée par la Cour de cassation l'année suivante.
Le père Preynat avait quant à lui été jugé en janvier 2020 par le tribunal correctionnel de Lyon pour des agressions sexuelles sur d'anciens scouts de Sainte-Foy-lès-Lyon, en banlieue lyonnaise. Il a reconnu les faits et a été condamné à cinq ans de prison en 2020 pour des agressions sexuelles commises entre 1971 et 1991.
"Le diocèse de Blois nous rit au nez"
"On n'a pas de justice, 90% des faits contre les victimes de pédocriminalité dans l'église sont prescrits [...] Le diocèse de Blois nous rit au nez", s'agace Arnaud Gallais, co-fondateur de Be Brave et lui-même victime de pédocriminalité par un prêtre lorsqu'il était enfant.
Barbarin, c'est du passé, on peut le ressortir, il n'y a pas de soucis, on s'en moque !
Arnaud Gallais à propos de l'église.
"En choisissant de convier Barbarin à cette retraite et de communiquer dessus, l'Église catholique montre qu'elle ne prend pas au sérieux les demandes des victimes", considère Be France dans son communiqué. "Au-delà de ça, cette invitation de Barbarin révèle à quel point l'Église catholique refuse de faire de la question de la dénonciation des faits de pédocriminalité, une priorité".
Joint par France 3, le diocèse de Blois estime pour sa part que, le cardinal Barbarin ayant été relaxé en appel, la situation ne présente guère de caractère problématique. Le diocèse rappelle par ailleurs qu'il n'a fait que relayer l'événement sur son site, et précise que la venue du cardinal était une initiative de l'abbaye Saint-Georges. Cette dernière n'a pas pour le moment pas donné suite aux sollicitations de France 3.
Droit de réponse du cardinal Barbarin
Un article, publié le 20 juin 2023, remet en cause la participation du cardinal Barbarin à une retraite spirituelle au motif que cette participation serait "d'une grande violence pour les victimes de pédocriminalité".
Le cardinal Barbarin n'était pas à Lyon lorsque le père Preynat a commis les faits pour lesquels il a été condamné, puisqu'il n'a été nommé archevêque de la ville qu'une dizaine d'années après les derniers de ceux-ci.
Le 30 janvier 2020, la cour d'appel de Lyon a relaxé le cardinal Barbarin des accusations qui avaient été portées contre lui.
La Cour de cassation ayant confirmé cette relaxe, la Justice a définitivement retenu que le délit de non-dénonciation n'était constitué ni dans son élément moral ni dans son élément matériel.
L'enquête a au contraire démontré que le cardinal avait encouragé l'un des fondateurs de l'association des victimes de ce prêtre, dont l'action était prescrite, à retrouver d'autres victimes dont l'action ne le serait pas et à déposer plainte.
La cour d'appel de Lyon le souligne, en citant un e-mail de remerciement adressé par l'intéressé au cardinal le 9 novembre 2015 :
"Mes enfants en juin et moi-même vous avaient prévenu de notre démarche judiciaire et je sais que vous étiez supporter de ma démarche (je vous en remercie)."
Il n'est plus question que l'innocence du cardinal Barbarin, judiciairement et définitivement consacrée, continue à être remise en cause.