Depuis trois ans, Antoine Truchard est en reconversion pour devenir maraîcher bio, dans le Loir-et-Cher. En février dernier, ses rêves tombent à l'eau. Il lui est interdit de construire 1000 m2 de serres sur une zone naturelle. Le souci vient du PLUI, Plan Local d'Urbanisme Intercommunal.
Antoine Truchard a la quarantaine. Ancien ingénieur du son, devenu père, il y a peu de temps, il décide de venir travailler au grand air, à Boursay. Vite, il se prend au jeu de faire son jardin et se lance dans une reconversion professionnelle. Produire des légumes de saison lui semble une belle aventure, aussi, il quitte Paris en 2019. Il s’installe avec sa famille dans un petit village du Loir-et-Cher, à Boursay. Sur les 1,5 hectare, jouxtant la maison, il cultive de quoi subvenir à ses besoins. Après une formation, il élabore un plan professionnel en accord avec la Chambre d'Agriculture du Loir-et-Cher et se lance. Grâce aux serres, la rentabilité sera effective. Elles lui permettront d'être en avance sur la saison et d'avoir suffisamment de légumes à vendre.
"Ses serres sont incompatibles avec le PLUI, Plan Local d'Urbanisme Intercommunal "
Le quadragénaire s'engage à distribuer sa production par le biais d'une Amap, une Association pour le Maintien d'une Agriculture Paysanne, située à 10 km. Les Bâtiments de France, dont l'autorisation lui est nécessaire, valident son projet, en suggérant juste d'implanter une haie d'arbres fruitiers de 24 mètres de long. Les arbres poussent, mais un matin de février, Antoine reçoit un courrier désagréable. Une lettre de la DDT, Direction Départementale des Territoires lui annonce que ses serres sont incompatibles avec le PLUI, Plan Local d'Urbanisme Intercommunal. La raison est simple : elles se situent en zonage naturel. Depuis, le projet est gelé.
Antoine s'étonne : "Personne n'est venu me voir pour me demander de réduire la taille de mon projet; Je n'ai pas eu de discussion...Pour poser des serres, il n y a qu'un pour cent de chance que la préfecture vienne vérifier. La zone naturelle est entourée de pavillons, je ne comprends pas ce refus;" Selon le maire, Jean Roger Bourdin, accorder un permis de construire qui n'est pas en bonne et due forme, l'exposerait au contrôle de la validité par la préfecture : "Si un voisin le dénonçait, je n'aurais pas de recours, et je serais mis en porte-à-faux. En 2021, le PLUI a été arrêté avant que je ne sache qu'il faudrait des serres á Monsieur Truchard. Pour nous, il est difficile de définir comment l’habitat se dessinera sur le territoire. Au moment de remplir, il faudrait déjà savoir quelle place prendra l’agriculture demain" affirme l'édile.
...à peine signé, ce PLUI est obsolète, on a besoin d'une vraie politique économique et politique"
Karine Gloanec-Maurin, présidente de la communauté de communes des Collines du Perche, s'insurge elle aussi : "Les nouvelles règles imposent, pour lutter contre le réchauffement climatique, de protéger les espaces naturels, je le comprends, mais on nous met des contraintes de partout. À peine signé, ce PLUI est obsolète, on a besoin d'une vraie politique économique et écologique ". Le document a coûté 254 000 euros à la collectivité. Une subvention de 14 000 euros est d'ailleurs toujours en attente. L'élue souligne : "Et ce règlement contraint les campagnes à des règles inadaptées au territoire. La plupart des villages du Loir-et-Cher voient leur population diminuer, il nous faut de l’activité. Dans le Perche, nous sommes loin de la saturation des zones urbaines. L'élue déplore que cet accompagnement ne soit pas à la hauteur de l'enjeu." Les cabinets qui accompagnent sont urbains. L'état doit comprendre qu'il y a des différences entre villes et campagnes".
Membre de l'association des maires de France, Karine Gloanec-Maurin précise qu'une demande de révision va être déposée, avec de nouveaux financements. Elle souhaite une adaptation du règlement afin d'éviter que des projets comme celui d’Antoine soient bloqués. De son côté, Antoine Truchard a saisi le tribunal administratif pour débouter ce rejet. Faute d'avoir obtenu son statut d'agriculteur, le maraîcher perd 27 000 euros de subventions, et voit son chiffre d’affaires fondre. Il s'est mis en partenariat avec un collègue qui, lui, détient des serres. Le 13 mai, il livrera sa première production à l'AMAP.