Portée par un député du Loir-et-Cher, la réforme de l'indemnisation en cas de catastrophe naturelle a été adoptée à l’Assemblée nationale. Censé apporter transparence et sécurité aux sinistrés, le texte ne satisfait pas pour autant l’association Les oubliés de la canicule.
2016 : inondations. 2017, 2018, 2019 : épisodes de canicule. Les catastrophes naturelles deviennent de plus en plus fréquentes et/ou violentes ces dernières années. Or, le régime d’indemnisation censé venir en aide aux personnes sinistrées et aux communes date de 1982.
Stéphane Baudu, député du Loir-et-Cher, a donc porté une proposition de loi censée dépoussiérer ce système.
Les objectifs affichés de ce texte sont de :
- faciliter les démarches pour les sinistrés
- apporter plus de transparence quant aux décisions de l’Etat de reconnaître ou non l’état de catastrophe naturelle
- sécuriser l’indemnisation
Adoptée à l’unanimité en première lecture à l’Assemblée nationale le 28 janvier dernier, la proposition de loi doit être examinée au Sénat à une date pour l’instant inconnue.
Des indemnisations versées plus rapidement
Prenons quelques exemples : pour l’instant, les personnes ont dix jours pour déclarer leur sinistre ; si le texte passe, ils en auront trente. Par ailleurs, elles seront mieux informées grâce à la présence d’un référent "catastrophes naturelles" dans chaque préfecture.
Autre point : le versement de l'indemnisation par l'assureur sera réduit de trois à deux mois après la remise de l'estimation des biens endommagés. "Avec des pénalités en cas de non versement", précise Stéphane Baudu.
L’assureur devra payer les frais de relogement d'urgence des personnes sinistrées.
"Des avancées secondaires"
Sur ces éléments, les Oubliés de la canicule se dit satisfaite. "Il y a des avancées sur tout ce qui est information et délai par rapport aux sinistrés", affirme Sandra Arfa, la référente de l’association dans le Loiret.
"Mais ces avancées sont secondaires et pas essentielles, nuance-t-elle. On voudrait que l’assureur, à partir du moment où il y a un arrêté de catastrophe naturelle, prenne en charge le sinistre, et ne discute pas le fait que ce soit dû à la sécheresse, par exemple sur le fait que cela pourrait être lié aux arbres trop près de la maison".
Si le député du Loir-et-Cher comprend la position de l’association, il souligne qu’"il y aura toujours des contestations et des contentieux" et "des analyses au cas par cas".
Les travaux conséquents indemnisés
Il défend cependant sa proposition de loi en affirmant qu’il y aura plus de transparence. "Le texte dit que tous les rapports doivent être envoyés à l’assuré, et l’assureur doit communiquer toutes les formes de contre-expertise à l’assuré", si ce dernier considère "que l’expertise initiale n’est pas juste".
Pour les maisons fissurées notamment, liées au phénomène de sécheresse-réhydratation des sols, "si le rapport constate que la structure du bien a été atteinte, l’indemnisation ira sur des réparations qualitatives, pérennes et conséquentes", soutient Stéphane Baudu.
Traduction : les travaux ne consisteront pas simplement à peindre et reboucher les fissures mais bien à renforcer les fondations, ce qu'on appelle la reprise en sous-œuvre.
Des indemnisations plafonnées ?
C’est ce que demandait l’association. Pourtant, celle-ci ne croit pas en une réelle prise en charge, notamment à cause d’un amendement qui plafonnerait les indemnisations à hauteur du prix de la maison.
Sandra Arfa détaille : "si votre maison est par exemple estimée à 100.000 €, vous ne pourrez pas être indemnisé plus de 100.000 €. Or le sous-œuvre coûte très cher, parfois plus de 100.000." L’association exige donc que les réparations puissent être entièrement remboursées.
Elle pointe aussi du doigt les critères rigides face à des sinistres qui peuvent évoluer ou se répéter. Elle donne l’exemple des inondations de 2016 suivies de sécheresses, qui ont fissuré des maisons en 2017 puis 2018.
"En 2017, beaucoup ont déclaré le sinistre, mais il n’y a eu aucune reconnaissance dans le Loiret. En 2018, nouvelles sécheresse, cette fois reconnue comme catastrophe naturelle. Mais les assurances ont répondu aux sinistrés touchés dès 2017 que le désordre datait de 2017 et pas de 2018." Ils ne pouvaient donc pas être indemnisés.
Evolution des critères
Inexact, d’après le député Stéphane Baudu. "Depuis longtemps, on a une contestation des critères. Aujourd’hui ils sont essentiellement techniques : la nature des sols et l’impact de la météo. Mais des concitoyens ont d’autres critères sur l’antériorité, la violence des dégâts qui ne sont pas pris en compte. On doit aussi tenir compte de ces réalités territoriales."
Le texte propose donc de créer une "commission nationale consultative qui va se réunir deux à trois fois dans l’année". Composée d’experts et élus locaux, elle pourra auditer la commission interministérielle en charge de reconnaître ou non une commune en état de catastrophe naturelle. "Elle va réinterroger les critères pour pouvoir les faire évoluer."
Possibilité de contester la décision de l'Etat
D’autre part, en cas de refus de reconnaissance de l’état de catastrophe naturelle, le ministère de l’Intérieur aura l’obligation de communiquer tous les rapports et éléments techniques pour justifier sa décision, ainsi que les voies de recours possibles pour que la commune puisse contester le refus, sur le fond comme sur la forme.
Stéphane Baudu espère que le texte sera voté à l’été prochain au Sénat. De son côté l’association compte renvoyer aux députés les points qui lui apparaissent problématique.