A Romorantin, dans le Loir-et-Cher, c'est l'effervescence sur le chantier du nouveau cinéma cité Sologne, mené par un constructeur habitué à amener de l'attractivité dans les territoires.
Bâtir un cinéma quand toutes les salles de France sont fermées : c'est le pari qu'a fait la ville de Romorantin (Loir-et-Cher), où un complexe tout neuf sort de terre, comme un pied de nez à la pandémie. En 2020, 22 cinémas ont ouvert leurs portes, malgré les mois de rideau baissé.
A Romorantin, c'est l'effervescence sur le chantier du Ciné Sologne : ballet des chariots élévateurs, montage de cloisons... le futur complexe doit être prêt pour la fin mars. Il viendra prendre le relais du Palace, la salle historique du centre-ville. Avec le centre culturel ou l'escape game qui vient d'ouvrir, le cinéma, classé art et essai, est l'un des pôles d'animation de la sous-préfecture de 17 000 habitants.
"Le cinéma, c'est le lien intergénérationnel parfait"
La ville a connu "trois tsunamis", depuis les années 2000, retrace le maire Jeanny Lorgeoux : la fermeture de l'usine automobile Matra qui employait 2 200 personnes, une grande crue avec plus de 500 évacuations, et maintenant le Covid. Dans ce contexte, "le cinéma, c'est un bien culturel fantastique" nécessaire "pour que la ville se perpétue", ajoute l'édile, aux commandes depuis 1985 et qui a tout fait pour favoriser l'installation du nouveau complexe.
"Dans les petites sous-préfectures, le cinéma c'est le lien intergénérationnel parfait", ajoute l'élu, et c'est aussi là que se croisent ce qu'il reste de la classe ouvrière, dans cette ancienne terre industrielle, et les plus aisés, qui vivent de "l'économie de château" et de la chasse, spécialité de la zone. Pour la ville, c'est aussi "un levier économique et d'attractivité. Si on s'en privait, ce serait catastrophique".
Pourtant, le Palace, qui attirait chaque année 70.000 spectateurs, "n'était plus vraiment aux normes de confort actuelles", reconnaît le patron des lieux, Francis Fourneau. L'ancien cinéma, construit dans les années 1970 et resté dans son jus avec ses murs jaunes pastel, est promis à la fermeture. Le Palace était de toute façon à l'étroit dans son bâtiment historique du centre-ville.
Cédric Aubry, un constructeur contre "l'abandon des territoires"
"Après cette pandémie, il faudra retrouver les spectateurs un par un", anticipe cet exploitant, et "ce ne sera pas plus mal de repartir de zéro", avec un lieu flambant neuf. Tant pis pour le cachet des ruelles médiévales qu'a parcouru jadis François 1er, c'est à côté d'un ancien hypermarché, dans la zone commerciale accessible en voiture, que se construit le nouveau projet.
Et pour rivaliser avec les multiplexes des grandes villes ou le streaming, il faut investir dans des fauteuils de plus en plus confortables et des écrans géants, 16 mètres de long pour la plus grande des cinq salles du futur Ciné Sologne.
Le chef d'orchestre de ces travaux à 2,8 millions d'euros, c'est Cédric Aubry, qui s'est fait une spécialité de construire des cinémas dans de petites villes, considérées comme pas assez rentables par les gros réseaux. La pandémie ? "Ce n'est pas une raison de renoncer", tranche-t-il sur le chantier de Romorantin, tout en traquant les défauts d'étanchéité de la structure de métal et de béton, avant l'installation des 600 fauteuils.
"Il faut créer du public, attirer les gens qui se disent "j'irais bien au cinéma", mais qui voient le petit ciné local et se disent "je laisse tomber" explique Cécric Aubry. Une façon, selon lui aussi, de répondre "modestement" au message "sur l'abandon des territoires" formulé pendant la crise des "gilets jaunes".