20% des jeunes ont déjà été victimes de cyberharcèlement : comment prévenir le phénomène en Centre-Val de Loire

Près de 20% des 8-18 ans ont déjà été confrontés à une situation de cyberharcèlement, selon une étude parue ce mercredi 6 octobre. En Centre-Val de Loire, associations et pouvoirs publics agissent pour sensibiliser les jeunes -qu'ils soient harceleurs ou victimes- et les adultes.

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Le chiffre fait froid dans le dos : près d'un jeune sur cinq affirme avoir déjà été victime de cyberharcèlement. C'est la conclusion d'une étude menée par la Caisse d'Epargne, en partenariat avec la plateforme de prévention e-Enfance, dont les grandes lignes ont été dévoilées ce mercredi 6 octobre par France Bleu

Dans le détail, 20% des jeunes de 8 à 18 ans disent avoir été confrontés à des situations de cyberharcèlement, une proportion qui monte à 25% chez les lycéens. Selon l'étude, la victime-type est une jeune fille de 13 ans. Elle est mieux équipée en outils informatiques, et est plus présente sur les réseaux sociaux et de jeux en lignes que les autres. 

Le chiffre fait froid dans le dos, oui. Pourtant, il n'a pas l'air d'étonner. "Il y a une montée en puissance du cyberharcèlement, ce n'est pas vraiment surprenant", d'après Philippe Picard, référent "lutte contre le harcèlement" et conseiller de la rectrice pour les établissements et la vie scolaire au sein de l'académie d'Orléans-Tours. 

Transfert de la cour de récré aux réseaux sociaux

En cause : les réseaux sociaux -terrain sur lequel se joue la majeure partie du harcèlement en ligne- qui se développent de plus en plus chez les jeunes. Que ce soit Facebook, Snapchat ou Tik-Tok, les enfants s'inscrivent sur un réseau social de plus en plus tôt. Selon l'étude, trois enfants sur dix auraient déjà un compte dès l'école primaire, tandis que l'âge moyen d'obtention du premier smartphone est de 10 ans. 

Des statistiques qui inquiètent le lieutenant Florian Rougé, commandant de la communauté de brigade de Meung-sur-Loire dans le Loiret. "Les plus jeunes n'ont pas forcément conscience de tous les risques sur les réseaux sociaux", regrette-t-il, que ces risques soient de l'ordre de la violence verbale répétée, des commentaires en meute ou d'images dégradantes, voire pornographiques.

Ces pratiques ont trouvé un nouvel écho dans la crise sanitaire et le non-présentiel. Du côté du rectorat, on insiste sur "un transfert accéléré de la cour vers internet par le distanciel, avec la nécessité de garder le contact même sans être face à face, qui a rendu les réseaux sociaux de plus en plus importants". 

"Surfer en toute sécurité"

Selon le lieutenant Rougé, il convient alors d'insister sur "les bonnes pratiques à adopter pour surfer en toute sécurité". Ce qui passe par plusieurs actions, menées au niveau local au sein des établissements scolaires notamment. Première initiative : le permis internet, présenté par des gendarmes dans des classes de CM2, et qui "donne une première approche" sur ces bonnes pratiques justement. Sur l'ancien canton de Meung, intercommunalité et gendarmerie ont aussi développé l'initiative "Objectif M.A.R.S.", pour "Maîtrise par les Ados des Réseaux Sociaux", et son site internet dédié.

Il s'agit ensuite d'intervenir avant, pendant, et après les faits de harcèlement auprès des victimes. Première étape : libérer la parole. Plusieurs associations sillonnent les établissements scolaires pour intervenir auprès des jeunes. C'est le cas de la montargoise Véronique Videau-Martinez, dont la fille a été victime de harcèlement, une expérience qu'elle a tenu à raconter dans son livre L'innocence oubliée. Pour elle, l'une des meilleures solutions est de nommer des ambassadeurs anti-harcèlement, c'est-à-dire des élèves de collège et de lycée, chargés de recueillir la parole de leurs camarades :

Un enfant aura plus de facilité à se confier à un autre de son âge. Pour la plupart, ils n'ont pas forcément confiance dans les adultes. Et un enfant qui ne veut pas parler ne parlera pas. Il fera semblant.

Véronique Videau-Martinez

Elle raconte ainsi qu'un "ami policier, engagé contre le harcèlement scolaire" est "tombé des nues quand sa fille lui a avoué des années plus tard qu'elle avait été harcelée tout son collège, par peur de le décevoir ou de lui faire de la peine". "Elle a bluffé toute la famille", poursuit l'autrice. 

Réagir le plus rapidement possible

Depuis déjà plusieurs années, des ambassadeurs anti-harcèlement sont formés dans les lycées de la région et ailleurs en France. Une expérience "qui a fait ses preuves", estime Philippe Picard de l'académie. Si bien que l'initiative a été étendue aux collèges par le programme de lutte contre le harcèlement à l'école (ou pHARe), déployé dans tout le pays à la rentrée 2021. Depuis le moins de septembre, 50% des écoles et collèges de la région sont entrés dans ce programme, la deuxième moitié suivra à la rentrée 2022. Dans chaque collège, un minimum de dix ambassadeurs doit être formé, sur la base du volontariat. Avec comme mission de recueillir la parole, mais aussi de relayer la prévention sans le poids institutionnel de l'adulte.

Un protocole académique prévoit aussi plusieurs mesures pour répondre le plus efficacement une fois le harcèlement signalé, avec une plateforme en ligne, une prise de contact rapide avec la famille, la protection de la victime et l'objectif final de faire cesser le harcèlement. Les liens entre établissements, gendarmeries et ministère sont étroits, pour prévenir rapidement les réseaux sociaux qui peuvent supprimer une publication violente "dès qu'ils ont la capture d'écran", affirme Véronique Videau-Martinez.

Ces initiatives s'accompagnent d'autres, car "agir sur un seul levier n'est jamais suffisamment efficace", note le conseiller de la rectrice. Divers cours sont ainsi dipensés, dans le cadre et hors du programme pHARe. 10 heures sont consacrées au cours de l'année à de l'enseignement lié au harcèlement et au cyberharcèlement. D'autres heures sont dédiées à l'éducation aux médias et à internet, pour "développer son esprit critique". 

Engager la responsabilité pénale des harceleurs

Après la sensibilisation vient la responsabilité. "Parfois, le harcèlement se fait devant témoins, il faut impliquer ceux qui ont vu mais n'ont pas agi ou n'ont pas signalé, en leur disant qu'ils se rendent complices", explique Philippe Picard. Ce qui vaut pour le harcèlement scolaire en direct, mais aussi par internet. Car "souvent, les élèves débriefent le lendemain dans la cour de ce qui a été écrit sur les réseaux sociaux". En direct ou derrière un écran, le résultat est le même : beaucoup peuvent être conscients sans agir. 

Les gendarmes, eux, misent sur la responsabilisation par le pénal. "Les auteurs n'ont pas forcément consciences des conséquences judiciaires ou de la portée de leurs actes", expose le lieutenant Rougé, selon qui l'argumentaire dissuasif "est entendu par certains harceleurs". Un mineur de plus de 13 ans se rendant coupable de harcèlement en ligne encoure entre 12 et 18 mois de prison selon l'âge de sa victime. 

L'argument pénal ne se résume pas donc à des menaces. La gendarmerie du Loiret a déjà enregistré 77 plaintes dans les champs de la cybercriminalité en 2021, soit déjà presque deux fois plus que sur toute l'année 2019. Une "conséquence de la libération de la parole et de nos campagnes de communication", pense le gendarme.

Pour d'autres, le travail nécessaire est peut-être plus important. Véronique Videau-Martinez dit conclure ses interventions régulièrement "en disant que le harceleur a aussi besoin d'aide, parce que c'est souvent un enfant en souffrance, un ancien harcelé, qui a pu subir des violences intra-familiales, à qui on n'a pas appris à avoir confiance en lui". 

Tout cet arsenal de mesures fait dire à Philippe Picard, référent académique "lutte contre le harcèlement", qu'il "a de bonne raisons d'espérer que ça va s'améliorer". Pour l'instant, les chiffres de l'étude lui donnent tort, mais la "politique volontariste" pourrait enfin porter ses fruits. La maison de protection des familles du Loiret, dépendant de la gendarmerie, a ainsi mené 250 actions de sensibilisation en milieu scolaire en 2020, à destination d'écoliers, de collégiens et d'adultes, qu'ils soient professeurs ou assistants de vie scolaire.

Si vous êtes victime de harcèlement, vous pouvez composer les numéros d'écoute suivant :

  • 3020, pour les victimes de harcèlement scolaire
  • 3018, pour les jeunes victimes de cyberharcèlement

 

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