L'association "Les Papillons", engagée dans la lutte contre les violences subies par les enfants, installe des boîtes aux lettres dans les établissements scolaires de Jargeau, dans le Loiret. Objectif : libérer la parole des victimes.
Comment recueillir la paroles d'enfants victimes de violences ? C'est le casse-tête auquel sont confrontés bon nombre d'établissements scolaires et associations d'aide à l'enfance, alors que la libération de la parole des victimes mineures reste compliquée.
Violences physiques, psychologiques, sexuelles... Les cas ne manquent pourtant pas. L'Education nationale estime ainsi que 700 000 enfants sont victimes de harcèlement scolaire, tandis que 165 000 enfants sont violés chaque année en France, selon un calcul de l'association Mémoire traumatique et victimologie.
Dans le Loiret, l'association "Les Papillons" a décidé de proposer sa solution : installer des boîtes aux lettres dans des établissements scolaires de Jargeau dans le Loiret, pour inciter les enfants à parler des violences dont ils sont victimes. Une mesure qui "a malheureusement fait ses preuves, là où nous les avons déjà installées", confie le référent départemental de l'association Cédric Dacheux.
Préserver l'anonymat
Les Papillons, association créée en 2018 au niveau national, a en effet déjà implanté ses boîtes aux lettres à Rouen et à Quimper notamment. "En novembre, nous en avons installé une dans le sud-ouest. Le lendemain, elle contenait déjà trois mots", ajoute Cédric Dacheux.
A Jargeau, une première boîte a été installée à l'école primaire Porte Madeleine, et deux autres doivent voir le jour ce mardi 19 janvier à l'école Faubourg Berry et au collège Le Clos Ferbois. "La boîte aux lettres sera installée suffisamment à l'écart pour conserver l'anonymat des élèves voulant y déposer un mot, mais dans un endroit où tout le monde peut aller sans que ce soit suspect", explique le principal du collège, Gilles Chauveau.
Les enfants souhaitant dénoncer des violences pourront écrire un mot comme ils l'entendent, ou remplir un formulaire, disponible à côté de chaque boîte. Et puis, "tous les jours, un référent de l'association passera relever les mots, et les scannera et les enverra à la CRIP [cellule départementale qui s'occupe des cas de maltraitance liés à l'enfance]", explique Cédric Dacheux.
L'initiative d'une élève de 6e
La CRIP ne s'occupe cependant que des violences à domicile. Les cas de harcèlement scolaire seront renvoyés au référent départemental de l'association, qui entrera alors en contact "avec la mairie ou l'équipe éducative" de l'établissement scolaire concerné.
Jargeau est la première commune du Loiret à avoir passé, le 16 décembre dernier, trois conventions pour installer des boîtes aux lettres des Papillons dans sa commune. Une initiative venue d'une élève du collège Le Clos Ferbois, qui fait aussi partie du conseil municipal des enfants de Jargeau.
"Dans le cadre de son mandat de déléguée au conseil municipal, elle a proposé cette association à la mairie de Jargeau. Et comme elle est en 6e chez nous, la mairie est revenue vers nous par ricochet", confie Gille Chauveau, principal du collège.
De nouvelles boîtes dans le futur ?
L'association souhaite imposer cette initiative au plus grand nombre d'infrastructures, scolaires et sportives, possibles. "Lundi, nous avons rendez-vous avec la mairie d'Orléans", souffle Cédric Dacheux.
Il regrette cependant le refus de certains élus "trop frileux", ou d'académies "qui trouvent le sujet trop sensible et ne veulent pas installer nos boîtes aux lettres dans les écoles". Et ce alors même que "nous avons reçu le soutien de l'Education nationale", par le biais d'une lettre signée de Matthieu Lahaye, conseiller du ministre Jean-Michel Blanquer.
Un soutien officieux qui ne fait pas office d'agrément du ministère, "condition obligatoire à l'intervention dans les établissements de personnes extérieures", explique-t-on du côté de l'académie Orléans-Tours, qui explique avoir "suivi l'avis négatif de la direction générale de l'enseignement scolaire".
En 2016, les forces de l'ordre ont recensé 131 infanticides, dont la moitié se sont produits au sein de la famille.