Une étude a observé que les professionnels de santé qui reçoivent des cadeaux des laboratoires prescrivent moins bien, et plus cher.
Ces derniers jours, la nouvelle revient comme un désagréable bourdonnement aux oreilles des laboratoires pharmaceutiques. Une étude réalisée par des médecins, chercheurs et ingénieurs du CHU et de l'université de Rennes, révèle que les généralistes qui reçoivent des "cadeaux" des laboratoires ont tendance à faire "des prescriptions plus chères et de moindre qualité".
A l"inverse, ceux "qui ne reçoivent aucun avantage de la part de l'industrie pharmaceutique sont associés en moyenne à de meilleurs indicateurs établis par l'Assurance Maladie quant à l'efficacité de leurs prescriptions, et celles-ci coûtent globalement moins cher" notent les auteurs.
Une pure générosité ? "Peu problable"...
Si l'étude se défend d'avoir établi un lien certain de cause à effet, ces données renforcent tout de même l'hypothèse d'une influence des laboratoires sur les médecins généralistes et leurs prescriptions. "Les firmes pharmaceutiques dépensent énormément d'argent dans la promotion des médicaments : 23% de leur chiffre d'affaire soit plus que pour la recherche. Les cadeaux ne sont qu'une partie, souligne Bruno Goupil, premier auteur de l'étude. Il semble peu probable que cet argent soit dépensé à perte."
D'une ampleur inédite, l'enquête a été réalisée en croisant les données de deux organismes. D'abord, le portail Transparence Santé, où les entreprises du secteur doivent obligatoirement déclarer les avantages qu'ils accordent aux professionnels de santé : équipements, repas, frais de transport ou d'hôtel ... Ensuite, le Système national des données de santé, qui recense consultations, actes médicaux, prescriptions de médicaments et hospitalisations remboursés.
Les laboratoires Servier, ces grands mécènes
Les laboratoires Servier, basés dans le Loiret, n'échappent pas à la règle, bien au contraire. En 2014, une filiale du groupe avait été condamnée à 100 000 euros d'amende pour avoir dérogé à la loi dite "anti-cadeaux" en invitant une soixantaine de médecins et leurs proches à un week-end de luxe à Venise. Cette loi, qui existe depuis 1993, est régulièrement amendée mais n'est pas appliquée, puisque restée sans décret d'application.
Selon la revue médicale Prescrire, "Servier verse des millions d'euros d'avantages chaque année à divers acteurs du monde médical en France. Après le désastre du Mediator, beaucoup de professionnels de santé [...] ont continué à profiter des avantages de la firme, comme si de rien n'était." Montant de la facture cadeaux : 108 millions d'euros, dont 25 millions pour les professionnels de santé.
Il suffit de parcourir le site Transparence Santé pour constater, sur des pages et des pages, les cadeaux offerts aux médecins, étudiants, ou infirmiers. Un moyen d'influence dont, selon Bruno Goupil, les médecins n'ont pas toujours conscience...