L'Assurance Maladie veut dégager 1,3 milliard d'euros d'économies en 2024, notamment en renforçant ses actions, comme réguler la recrudescence des dépenses liées aux arrêts de travail. L'annonce irrite les médecins, comme Eglantine Fontaine, alias "docteur doudou" sur Instagram. Dans une vidéo, elle dénonce une attaque à la liberté de prescription, suscitant des centaines de réactions.
C’était le 18 juillet. Sur sa page Instagram, la médecin généraliste Églantine Fontaine fait part de sa colère et dénonce une pression, via un poste vu plus d’un million de fois.
J’ai eu un entretien téléphonique, avec une consœur de la CPAM - Caisse primaire d'assurance maladie - de mon département. Elle savait tout sur mes patients. J’ai eu l’impression d’être surveillée comme Big Brother. On m’a gentiment dit que certaines prescriptions d’arrêts maladie étaient trop longues.
Églantine Fontaine, médecin généraliste
Installée depuis 2020, en libéral, la médecin généraliste Églantine Fontaine exerce dans son cabinet, en milieu rural. Sa patientèle est notamment composée d’ouvriers agricoles. Des métiers physiques qui justifient, d’après elle, l’usage d’arrêts maladie : "Le soir, chaque médecin doute. Si je vois trente patients par jour, je vais douter sur la qualité de ma prise en charge pour cinq d’entre eux. Est-ce que j’ai réussi mon interrogatoire ? Est-ce que tout s’est bien déroulé ? Cette annonce s’attaque à notre liberté d’appréciation et de prescription". Pour elle, ces contrôles ne feront que "rajouter du doute".
Réduire le déficit de l'Assurance Maladie
Dans un rapport publié fin juin, l’Assurance Maladie prévoit de réduire son déficit de 14 milliards d’euros, en 2024, après avoir vu l’explosion des dépenses liées à la crise du Covid-19. À la fin de l’année 2024, l’organisme, qui assure la prise en charge des dépenses de santé des assurés malades et leur garantit l’accès aux soins, devrait donc afficher un déficit de 7 milliards d’euros. Toujours selon ce rapport, les dépenses d’indemnités journalières versées au titre des arrêts maladie et accidents du travail ont augmenté de 8,2%, soit 13,5 milliards d’euros. Concrètement, l’Assurance Maladie va intensifier le contrôle des médecins et des assurés. Une annonce qui fait réagir les professionnels de santé, mécontents d’être pointés du doigt.
"On nous tire une balle dans le pied"
Dans l’agglomération orléanaise, 60.000 patients sont sans médecin traitant. D’après le docteur Naïma Bouraki qui exerce dans le quartier orléanais de l’Argonne, cette mesure est contre-productive.
Notre profession est en souffrance phénoménale. Les internes n’ont pas envie de faire médecine générale, si l’on rajoute ça… Pour nous un 35h, c’est un mi-temps. Il manque des médecins partout, et maintenant on veut nous mettre sous tutelle ? On est en train de nous tirer une balle dans le pied.
Naïma Bouraki, médecin généraliste
L’exécutif espère réaliser une économie de 200 millions d’euros en 2023, et de 230 millions en 2024. L’Assurance Maladie va convoquer les 1,5% des médecins les plus prescripteurs, soit plus d’un millier de praticiens. Ils seront entendus lors d’un entretien, et pourront être obligés d’abaisser le nombre d’arrêts maladie délivrés. En parallèle, les patients qui obtiennent fréquemment des arrêts de travail via la téléconsultation et auprès de différents médecins seront aussi contactés par la sécurité sociale.