"Elle voulait juste que ça s'arrête" : Jacqueline Sauvage, porte-étendard malgré elle des violences faites aux femmes

Jacqueline Sauvage, qui avait assassiné son mari en 2012 après 47 ans de violences, est morte le 23 juillet dernier. Devenue un emblème des violences conjugales, "l'affaire Sauvage" a jeté une lumière crue sur la situation de milliers de femmes.

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Le décès de Jacqueline Sauvage, survenu le 23 juillet mais annoncé plus tard pour préserver l'intimité de sa famille, a bouleversé bien au-delà du cercle de ceux qui l'ont côtoyée. Car en commettant l'irréparable un soir de septembre 2012, où elle abattit de trois coups de fusil son mari, Norbert Marot, Jacqueline Sauvage a jeté bien malgré elle une lumière crue sur le calvaire de milliers de femmes.

"Elle a été bouleversée par cette médiatisation", raconte Me Janine Bonaggiunta, l'une des deux avocates qui a accompagné Jacqueline Sauvage au cours des différentes procédures. "Elle a été assaillie de coups de fils, de gens qui allaient dans son village pour l'interroger... en prison, les détenues et les gardiennes lui reprochaient déjà d'être une 'vedette' !" Depuis sa libération, après la grâce présidentielle partielle, puis complète en décembre 2016, Jacqueline Sauvage vivait à l'écart, et n'était que très peu apparue dans les médias.
 

Elle faisait des allers retours entre son domicile conjugal et chez sa fille. Elle avait adopté un chien et vivait entre son jardin, ses fleurs, sa vie d'artiste car elle peignait beaucoup d'aquarelles.

Me Janine Bonaggiunta


"La violence conjugale est sortie du cadre de l'intimité"

Malgré cette discrétion, Jacqueline Sauvage a incarné pour la première fois une réalité dérangeante au sujet des violences faites aux femmes. "C'est une affaire qui a changé les choses", analyse Mélanie Goyeau, co-présidente d'Osez le féminisme dans l'Indre-et-Loire. "C'est une victime qui est devenue coupable", qui a trouvé dans cette "solution ultime" le seul moyen d'échapper à une violence qu'elle a subi 47 années durant, et dont ses enfants ont aussi été victimes.

"Avec Jacqueline Sauvage, la violence conjugale est sortie du cadre de l'intimité", poursuit la militante "Ce n'était plus un sujet qui devait rester dans les foyers, dont on ne devait pas trop parler : c'est devenu un phénomène dont la société s'est emparée." Malgré cette prise de conscience, les femmes restent les principales victimes de violences au sein du couple. En 2019, entre 122 et 149 d'entre elles ont été victimes de leur conjoint. La même année, le nom de cette violence commence à sortir des cercles militants pour s'imposer dans la société : le féminicide.

 

Une quinzaine de cas comparables chaque année

Car le cas de Jacqueline Sauvage ne relève pas du faits divers, mais d'un phénomène général. Selon les chiffres du ministère de l'Intérieur pour l'année 2018, 121 des 149 personnes tuées au sein d'un couple cette année-là sont des femmes. 39% d'entre elles avaient déjà subi des actes violents de la part de leur conjoint.

Quant aux 28 hommes tués par leur compagne (moins d'une victime sur cinq), les enquêtes ont révélé que dans 54% des cas (15 homicides), ils s'étaient rendus coupables de violences sur celles qui finiraient par commettre l'irréparable.

"L'acte qu'elle a commis était un acte de désespoir, un acte de survie", déplore Me Bonaggiunta, qui décrit Jacqueline Sauvage, à la fin de sa vie, comme une femme "tourmentée" par son acte, et par la mort brutale de son fils survenue le même jour. "Ces femmes ne sont pas réellement des criminelles. On doit les punir, mais dans d'autres conditions qu'une incarcération ordinaire. Son geste fatal, elle l'explique en une phrase dans le titre de son livre : elle voulait juste que ça s'arrête."
 

Elle croyait que les choses allaient s'arranger si elle faisait ce qu'il voulait, mais non. Malgré tous les efforts que ces femmes font, les auteurs de ces violences, d'extrêmes violences, ne changeront jamais.

Me Janine Bonaggiunta

Trois pas en avant, deux pas en arrière

Devenue "symbole des violences conjugales", l'affaire Sauvage a contribué à libérer la parole des femmes. Cependant, malgré cette prise de conscience, les dernières années n'ont vu que de petits pas en direction d'une baisse des violences conjugales. "On n'avance pas vite", regrette Mélanie Goyeau. "Les droits des femmes ne sont jamais acquis, ce qu'on gagne quelque part on risque toujours de le perdre ailleurs."

Un combat difficile, pied à pied, qui se poursuit jusque dans l'actualité très récente, où se juxtaposent la mort de Jacqueline Sauvage et, le 28 juillet, celui de l'avocate Gisèle Halimi à qui l'on doit notamment la criminalisation du viol en 1980, et le récent remaniement ministériel par lequel Gérald Darmanin, mis en cause dans une affaire de viol et de chantage sexuel, a été nommé ministre de l'Intérieur.
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