Chimène D, patronne d'une broderie de luxe de St-Cyr-en-Val, fabrique ce week-end les éléments qui constitueront la robe que portera Alicia Aylies lors du Salon du Chocolat à Paris le 28 octobre. Un travail d'orfèvre et de gourmande minutie.
Une robe en chocolat made in Loiret, voilà déjà un postulat peu banal. Une robe en chocolat made in Loiret portée par une ancienne Miss France devant des chefs pâtissiers du monde entier, ça l'est encore moins. C'est pourtant ce qui arrivera au Salon du Chocolat, organisé à Paris du 28 octobre au 1er novembre.
Pour le premier défilé de cette nouvelle édition du Salon, très prisé des gourmets, Alicia Aylies, Miss France 2017, portera une robe de tulle transparente et de pastilles de chocolat brodées sur du tissu à Saint-Cyr-en-Val par Chimène D. D'origine orléanaise, l'artisane est installée à son compte dans le Loiret depuis deux ans après une carrière parisienne dans la haute couture.
"Le moins de tissu possible"
Ce dimanche 24 octobre, la brodeuse de luxe applique du fil d'or sur un textile marron, qui formera le support de centaines de fines pastilles de chocolat. Du chocolat parfaitement comestible, formant des disques d'à peine 2 millimètres d'épaisseur et recouverts d'un colorant alimentaire lui donnant un aspect de bronze brillant.
Le chef pâtissier François Daubinet a fourni 1 300 de ces pastilles,pour environ 2 kg, dont une partie est cassée avant ou pendant après la pose. Chimène D est à la tâche depuis vendredi, pour remplir de chocolat treize motifs, évoquant des cabosses de cacao et des feuilles. Ces derniers seront ensuite découpés suivant les fils dorés, puis appliqués sur le tissu de tulle transparente pour cacher en partie le corps de l'ex-Miss France.
L'idée de base vient d'Elsa Muse, créatrice de la robe et cheffe de projet. "Je voulais qu'il y ait le moins de tissu possible, comme si elle avait des broderies de chocolat directement sur la peau, explique-t-elle. La tulle, qui est quasi-transparente, fait l'illusion". Et puis "les matières légères et transparentes étaient à la mode lors de la dernière fashion week, donc on reste tendance !"
Basée près de la place de la République à Paris, elle est venue ce dimanche prêter main forte à Chimène. Arrivée par le train à 8h, elle repart à Paris à 18h30. "Le Salon contacte des chefs, et c'est eux qui viennent vers nous, explique Elsa Muse. Il a choisi de travailler avec moi, mais je ne suis ni couturière ni brodeuse." Et même si, en général, les robes se confectionnent à quatre mains, la créatrice a dû s'adjuger les services de Chimène D. "Ils m'ont soudoyée avec du chocolat", ne plaisante qu'à moitié la Loirétaine.
La robe est réalisée dans l'urgence. Les prises de mensurations exactes sur le corps d'Alicia Aylies ont moins d'une semaine, les pastilles ont été coulées le week-end dernier, et le montage final de la robe se fera mercredi, moins de deux jours avant le défilé. Pourtant, tout est étudié très précisément. Une nécessité lorsqu'est manipulé le chocolat, matière pas spécialement adaptée à la couture.
Souple et solide à la fois
Ainsi, le chocolatier "a expérimenté plusieurs compositions à base de chocolat noir et de chocolat au lait" pour obtenir la meilleure texture possible, explique Chimène D. Il faut en effet que les pastilles soient assez rigides pour rester en place, mais assez lestes pour laisser passer aiguille et fil, et ainsi les coudre au tissu marron. Le résultat est "souple et solide à la fois, comme disent les Inconnus", se réjouit la brodeuse.
Même compromis sur le diamètre des pastilles, assez réduit pour pouvoir bien s'adapter aux contours des motifs, mais assez larges pour ne pas allonger le travail de manière irraisonnée.
Autre condition à respecter : il faut travailler et conserver les pastilles dans un air à 16-20°C, pas un degré de plus ou de moins. Plus froid, et elles "se briseront plus facilement car elles auront durci", plus chaud et elles fondront entre les doigts.
"Sécurisé à mort"
La manipulation elle-même est très délicate, pour que les pastilles restent bien accrochées sans se casser. Mais les deux compères le savent : la robe vivra, souffrira probablement de quelques accrocs à force d'être portée. Et une fois qu'une pastille, au milieu de toutes les autres, se brise, en remettre une est très difficile, car "il faut réimbriquer en superposant", détaille Chimène. Et "dès qu'on force, ça recasse".
Mardi, elle prendra le train pour Paris, emportant avec elle son travail, "sécurisé à mort dans une boîte hermétique", avant l'assemblage dans l'atelier d'Elsa Muse.
L'avenir de la robe après le Salon est incertain. Pourtant, si la cheffe de projet et l'artisane glissent une pastille au fond de leur gosier de temps à autre, la robe ne sera pas mangée à l'issue des défilés. Elle a pourtant l'air vraiment très bonne.