POLÉMIQUE : à Orléans, la laïcité à "géométrie variable" des élus municipaux lors des fêtes de Jeanne d'Arc fait débat

La charte sur la laïcité adoptée vendredi 11 décembre par le Conseil municipal d'Orléans prévoit une exception à la neutralité républicaine : les élus pourront communier avec leur écharpe tricolore lors de la messe des fêtes johanniques. L'opposition dénonce une atteinte à la laïcité. 

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Une laïcité stricte tous les jours de l'année pour les élus orléanais, sauf le 8 mai. Une charte sur la laïcité adoptée vendredi 11 décembre par le Conseil municipal d'Orléans fait débat dans les rangs de l'opposition. Le texte veut notamment veiller au respect des valeurs et principes de la République par les associations subventionnées par la ville. Mais c'est l'article 7 qui coince.

Selon cet article, "dès lors qu'ils portent les effets distinctifs de leur fonction, les élus doivent s'astreindre au strict respect de la neutralité républicaine lors des cérémonies religieuses". Ils ne peuvent donc ne pas communier ou prier lorsqu'ils arborent leur écharpe tricolore. Néanmoins, "une seule exception à cette règle" est prévue : la messe solennelle réalisée le 8 mai lors des fêtes johanniques, qui célèbrent Jeanne d'Arc.

Charte sur la laïcité - Conseil municipal d'Orléans publié par france3centre

L'opposition, formée par des élus de gauche et LREM, a vivement réagi à cet article et a demandé la suppression de l'alinéa 2. Elle dénonce une exception dangereuse, qui "ouvre une brèche dans le principe républicain de laïcité et menace l'universalisme républicain" selon l'élu d'opposition Baptiste Chapuis (PS). La charte a néanmoins été adoptée en l'état, par 42 voix contre 12. 

Pour rappel, la loi de 1905 sur la séparation de l'Eglise et de l'Etat dispose que "la République ne reconnaît ... aucun culte". L'Etat est neutre, donc ses représentants (en fonction) ne peuvent pas assister à des cérémonies religieuses. Gilles Kounowski, président du Laboratoire Loiret de la laïcité, explique néanmoins à La République du Centre qu'il est possible de faire une exception à cette règle, "lorsqu’un événement à caractère historique et culturel intègre une manifestation cultuelle. C’est bien sûr le cas des Fêtes johanniques à Orléans".

"On positionne la tradition au-dessus de la laïcité"

"Nous sommes plutôt d'accord sur l'ensemble de cette charte qui rappelle l’obligation de respecter la laïcité de manière complète, note Baptiste Chapuis, mais l'article 7 créée une exception à la laïcité, qui est inscrite dans le marbre et dit que la laïcité est presque tous les jours presque pour tout le monde. Il ne peut pas y avoir de laïcité à géométrie variable". Le secrétaire de la section d'Orléans du PS rappelle que les opposants à l'article 7 de la charte sur la laïcité ne sont pas contre les fêtes de Jeanne d'Arc, ni sur le fait que les élus assistent à des offices religieux à titre privé. Seulement, pour lui, l'article "créé la possibilité à un élu d’extérioriser sa foi au moment où il représente les citoyens". 

"L'incompréhension" est d'autant plus forte "qu'on positionne la tradition au-dessus de la laïcité, mais ce n'est même pas une vraie tradition de communier lors de la messe des fêtes de Jeanne d'Arc", affirme Benoît Chapuis. Il prend l'exemple du Général de Gaulle qui, même s'il était croyant, n'a jamais communié lorsqu'il portait son écharpe tricolore. 

Baptiste Chapuis craint que l'adoption de cette exception à la laïcité soit faites dans d'autres villes, "qui ont d'autres traditions et d'autres commémorations religieuses". Or, il assure que "nous ne pouvons pas avoir 36 000 visions de la laïcité pour chaque commune française". 

"Laissons vivre cette tradition, et ne polluons pas cette question essentielle de la laïcité par cette polémique inutile", réagi Charles-Eric Lemaignen (LR). Interrogé par nos confrères de France bleu, l'adjoint qui a mené l'élaboration de cette charte affirme que "les fêtes johanniques sont à la fois civiles, religieuses et militaires. La pratique catholique des élus lors de la messe solennelle du 8 mai, cela existe depuis des dizaines, voire des centaines d'années !"

Même son de cloche du côté de Florent Montillot (UDI), premier adjoint au maire, lui aussi questionné par France bleu. "Les fêtes de Jeanne d'Arc à Orléans sont une exception unique en France, que même la loi de 1905 sur la séparation de l'Eglise et de l'Etat n'a pas remise en cause. Surtout, quand on commence à entrer dans le détail, on s'arrête où ? Faut-il, par exemple, renoncer à ce que le maire d'Orléans brandisse l'étendard de Jeanne d'Arc, sous prétexte que cet étendard évoque la Vierge Marie ?"

Le gouvernement saisi

L'opposition n'en est pas restée là. Baptiste Chapuis et Carole Canette ont saisi vendredi soir, au nom des socialistes, l'Observatoire de la laïcité ainsi que Jacqueline Gourault, ministre de la Cohésion des territoires et des Relations avec les collectivités territoriales. "Nous espérons avoir leurs avis et recommandations sur la question, qui pourront pourquoi pas être intégrée au projet de loi contre les séparatismes ?", suggère le secrétaire de la section d'Orléans du PS. Projet de loi sur les "séparatismes religieux" qui a été présenté mercredi 9 décembre au Conseil des ministres et qui veut selon le gouvernement "renforcer la laïcité et la neutralité des services publics". 

De son côté, Dominique Tripet (PCF) a annoncé vouloir déposer la semaine prochaine un recours devant le tribunal administratif d'Orléans en référé pour "excès de pouvoir", selon La République du Centre

Le débat a déjà quitté la sphère orléanaise pour être saisi par d'autres personnalités politiques françaises. Sur Twitter, le président du Parti radical de Gauche, Guillaume Lacroix, dénonce "une violation caractérisée de la laïcité"

Christine Boutin a, elle, salué l'article et estime "qu'il n’a jamais été interdit de communier quand on est élu et dans une cérémonie officielle".

 

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