Les accusations de l'ancienne patineuse internationale Sarah Abitbol et les nombreuses révélations sur des abus sexuels ont mis à mal la Fédération des sports de glace. Plusieurs athlètes, dont certains de la région, ont appelé à libérer la parole, à travers la publication d'une tribune.
Les révélations de Sarah Abitbol, ancienne championne de patinage artistique ont fait grand bruit au sein de la Fédération des sports de glace. Le scandale a éclaté jeudi dernier suite à la publication de son livre témoignage "un si long silence".
A Toutes les victimes de violences sexuelles, pour qu'elle sortent de ce silence Assassin. #meetoo #Stopauxviolencessexuelles #unsilongsilence pic.twitter.com/zQbAlBY2A5
— Sarah ABITBOL (@Abitbol_sarah) January 31, 2020
Dans son ouvrage, elle accuse son ancien entraîneur, Gilles Beyer, de l'avoir violée alors qu'elle avait entre 15 et 17 ans. Celui-ci a reconnu "des relations intimes" et "inappropriées" avec la championne, et depuis d'autres anciennes patineuses ont émis des accusations contre lui, et d'autres entraîneurs.
"Briser le silence, c'est aussi servir le sport"
En, réaction à ces annonces, plusieurs athlètes français de haut niveau ont appelé ce mardi 4 février mardi dans une tribune à "donner de la voix". Les membres de la Commission des athlètes de haut niveau du Comité National Olympique et Sportif Français, parmi lesquels figurent le judoka Teddy Riner ou la danseuse sur glace Nathalie Péchalat, ont voulu "exprimer leur soutien et solidarité aux victimes".
Cette tribune a été publiée sur le site du Parisien quelques heures après l'annonce de l'ouverture d'une enquête par le parquet de Paris, pour viols et agressions sur mineurs par personne ayant autorité sur la victime.
Deux signataires en Centre-Val de Loire
Parmi les 54 champions signataires, il y a plusieurs champions de la région : la gymnaste Youna Dufournet, formée au club d'Avoine-Beaumont, en Indre-et-Loire, et l'ancien international de basket, arrivé depuis peu au club d'Orléans, Florent Pietrus.Youna Dufournet se dit très touchée par le témoignage de Sarah Abitbol qu'elle a eu l'occasion de côtoyer plusieurs fois, sans avoir connaissance de ce qui s'était passé. Ancienne athlète internationale elle aussi, elle connait la difficulté d'évoluer au plus haut niveau et insiste sur la nécessité de parler :
La gym est un sport où les gestes peuvent parfois être équivoques, l'an passé un scandale a secoué les Etats-Unis, avec la condamnation du médecin de l'équipe nationale pour de multiples abus sexuels.Il faut permettre aux sportifs de sortir du silence, de faire face à la peur ou à la honte. Même s'il y a prescription, elle a eu raison de se dévoiler, pour faire comprendre aux gens la gravité des choses.
La championne d'Avoine-Beaumont connaissait la plupart des filles agressées, elles étaient en compétition ensemble, parfois dans les mêmes hôtels : "Apprendre que l'entourage fédéral était au courant c'est révoltant. Il faut faire changer les choses."
C'est donc tout à fait logiquement que Youna Dufournet a signé cette tribune, pour mettre en lumière ces événements sordides, et sensibiliser les acteurs majeurs du sport, afin de "protéger l'intégrité des athlètes et de leur entourage."
"Et là, paf, j’ai un flash : je revois mon agresseur assis sur mon lit, c’était mon entraîneur." | Violée à l’âge de 15 ans, Sarah Abitbol raconte son amnésie traumatique, son calvaire et prend la parole pour briser la loi du silence dans le milieu sportif ? pic.twitter.com/hXxT9lIWJq
— Konbini news (@konbininews) February 5, 2020
Autre sport, même réaction, Florent Pietrus n'a jamais été confronté à des violences sexuelles au cours de sa carrière internationale de basketteur, mais il a spontanément réagi à cet appel, conscient des risques qui existent, et de la nécessité de parler et de ne pas laisser faire.
Papa lui-même, il est désireux de s'investir pour lutter contre ce fléau. Matthieu Jarry et Charly Krief sont allés à sa rencontre lors d'un entrainement avec son club de l'OLB :
Les signataires de la tribune ont plaidé pour "la création d'une cellule d'écoute des victimes, indépendante des fédérations", ainsi qu'"un contrôle systématique des casiers et antécédents judiciaires "des bénévoles, des entraîneurs et des dirigeants de clubs et de fédérations".
Mis en cause pour sa passivité, le président de la Fédération des sports de glace, Didier Gailhaguet a été appelé lundi dernier à la démission par la ministre des Sports Roxana Maracineanu.
Lors d'une conférence de presse, il a évoqué une collaboration avec l'association Colosse aux pieds d'argile, dont la principale mission est de sensibiliser et prévenir aux risques de pédocriminalité et de bizutage en milieu sportif. La réaction ne s'est pas faite attendre sur les réseaux sociaux : c'est un mensonge.
L'association dispose d'une antenne en Centre-Val de Loire depuis 2018. Même s'il reste beaucoup de travail Fabien Lefèvre, chargé de développement basé à Orléans constate avec satisfaction des demandes grandissantes de clubs et autres institutions, pour sensibiliser les jeunes sportifs et les éducateurs.
Peu à peu, on sort de l'omerta. Il faut que la parole se libère, parler, et inciter les autres à parler.
La parole peut parfois être verrouillée par la volonté de parvenir à accéder au plus haut niveau, "le jeune peut se dire que parler mettrait sa carrière en péril".
La médiatisation de ces différents témoignages peut aider au travail de l'association, qui a aussi pour rôle d'accompagner les victimes et de former les encadrants. Il faut aider à sortir du silence.