Recruter des médecins dans les déserts médicaux en France : comment travaille un cabinet de recrutement spécialisé ?

Emilie Dias, directrice d'un cabinet de recrutement spécialisé dans le placement des médecins en France, revient sur sa façon de travailler pour tenter d'attirer les médecins dans des zones sous-dotées. Et de lutter, à son échelle, contre la désertification médicale.

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Orléans, Lyon, Sydney, Londres... Emilie Dias a longtemps été salariée dans le domaine du conseil financier et bancaire et des ressources humaines avant de créer en janvier 2017 son cabinet. A 39 ans, elle dirige Dias & Associés, spécialisé dans le placement de médicaux et paramédicaux en France. Tous les ans, son cabinet place plus d'une dizaine de médecins - pour la très grande majorité généralistes et libéraux, pour moitié Français et étrangers - un peu partout en France, en Ardèche ou encore dans le Loiret. Jointe par téléphone, elle dresse, sans fard, le profil type des practiciens en quête d'un cabinet. Et énonce des solutions pour lutter contre les déserts médicaux.


France 3 Centre-Val de Loire : Comment placez-vous les médecins dans toute la France ? 

Emilie Dias : Tout part d'une discussion au téléphone d'environ 45 minutes. Le médecin m'explique quels sont ses souhaits professionnels et géographiques, ses contraintes familiales. Récemment, une jeune femme médecin italienne voulait procéder à un rapprochement familial en demandant à venir à Lille pour rejoindre son conjoint. Un autre médecin m'avait demandé n'importe quelle commune. Il fallait simplement que ce soit à maximum 30 minutes d'une gare TGV. Dans ce cas, c'est du pain béni. D'autres veulent bénéficier d'un avantage fiscal et s'installer dans des zones où ils ne veulent pas payer d'impôt sur le bénéfice pendant cinq ans. D'autres encore veulent un logement de fonction, fourni par la mairie ou l'agglomération... En fonction des demandes des différentes communes, je poste des annonces et le processus s'enclenche.

Quelles sont les aspirations de la nouvelle génération de médecins que vous essayez de placer ?

Il faut vraiment écouter ce que veut le médecin. On a en face des êtres humains qui ont passé neuf ans minimum en études, qui ont fait beaucoup de sacrifices. Et on leur demanderait tout de suite de travailler 60 heures par semaine et d'enchaîner les nuits de garde ? Aujourd'hui, ils osent dire qu'ils veulent avoir une vie sociale, une vie de famille. Certains médecins veulent simplement faire de la médecine. Je le comprends, après dix ans d'études. S'il faut en plus gérer la comptabilité, l'administratif... Ils arrivent chez eux pas avant 22 heures, avec les problèmes des patients dans leur tête.

Surtout, cette génération "XY" n'est plus attachée à un secteur, n'est plus mariée à un patron. Ces jeunes médecins de 30-35 ans saississent des opportunités. A nous d'être à l'écoute de leurs souhaits.
 


Est-ce difficile d'attirer ces médecins dans des zones en manque de personnel ? 

Je ne dirais pas cela. Orléans, Tours, Toulouse, Aix-en-Provence sont autant impactées qu'Ingré ou Meung-sur-Loire. Par exemple, une femme médecin va s'installer en septembre dans l'Orléanais (elle ne peut dire exactement où, secret profesionnel oblige, ndlr). Paris était étouffant pour elle, elle va passer sa thèse en juin 2020 et commence par des remplacements dans le Loiret. Elle voyait où c'est mais n'en savait pas plus. J'ai pu la convaincre des avantages de vivre à Orléans, qui est une belle ville où il y a un art de vivre. Quand on est dans le libéral comme maman, c'est top, cela permet de gérer les imprévus et de ne pas avoir autant de contraintes que lorsqu'on est salarié.
 

L'aide de l'Etat pour aider les futurs médecins libéraux à s'installer dans ces territoires est-elle suffisante ? 

Il y a une subvention de 50 000 € pour travailler dans des zones fragiles et sous-dotées, où il n'y a pas assez de médecins par rapport au nombre d'habitants, selon une carte de l'Agence régionale de santé. Les médecins doivent restent cinq ans sous peine de rembourser une partie de la subvention, sachant que la somme est versée en deux fois : une la première année, et l'autre la deuxième. Par rapport à cette subvention, un problème se pose : comme la cartographie des zones en état critique est actualisé tous les quatre-cinq ans, certaines communes ne sont pas reconnues comme telles alors qu'elles n'ont plus de médecin. Les nouveaux venus ne peuvent ainsi bénéficier de ce petit coup de pouce.

Il y a également le statut PTMG (Praticien territorial de médecine générale) qui permet aux médecins qui s'installent en libéral d'être assurés de gagner au moins 6 900 € brut par mois sous réserve de faire 165 consultations par mois (6 par jour). C'est une garantie de chiffre d'affaire pour le médecin pour maximum deux ans. Si le revenu du médecin dépasse tous les mois 6 900 €, l'Etat ne lui verse rien. Mais je ne trouve pas le dispositif très utile. Dans une zone fragile, un médecin reçoit entre 15 et 20 patients par jour, il dépasse largement les 6 par jour...

Avez-vous l'impression de lutter contre la désertification médicale ? 

Complètement. Je dois convaincre des médecins de travailler comme libéral dans ces zones. Par exemple, après deux décès de médecins dans une commune de 400 habitants en Ardèche et dont le bassin est 3 à 4 000 habitants, il n'y en avait aucun depuis dix ans. Deux généralistes étrangers ont saisi l'opportunité de venir vivre en France.
 

Dans le rapport remis au gouvernement pour "revitaliser les campagnes", il y a notamment la proposition de rendre obligatoire les stages des internes en milieu rural. Etes-vous en accord avec cette proposition ? 

Oui et j'ajouterais qu'il faut réguler les installations des médecins. Pourquoi ne pas s'inspirer des paramètres légaux fixés par l'ARS pour les phamacies ? Elle demande une pharmacie pour une commune d'au moins 2 500 habitants, et qu'il y ait une certaine distance entre deux pharmacies concurrentes.

Aussi, pourquoi ne pas éventuellement envisager un an de test en libéral pour un médecin qui est diplômé ? L'Etat réduirait ou n'imposerait aucune charge patronale et salariale... Pour moi, l'avenir est dans l'entrepreuneuriat.

Il faut casser les codes. Je me sens investie d'une mission : faire voir les communes rurales sous un autre angle, où il fait bon vivre. La vision du monde n'est plus forcément au coeur de l'urbain. Cela passe par des conférences dès la fac pour mettre en avant les avantages de travailler dans des communes rurales. Les étudiants manquent d'information.

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