Revendications des gilets jaunes, responsabilités du gouvernement, gestion de crise... Trois députées nous répondent

Sophie Auconie, députée UDI de l'Indre-et-Loire ; Laure de la Raudière, députée LR de l'Eure-et-Loir et Stéphanie Rist, députée du Loiret, nous livrent leur vision de la crise des gilets jaunes. 

"Qui est dans la rue ? C'est cette France silencieuse" ; "Il serait vraiment stupide d'ignorer les responsabilités, les nôtres et celles d'avant" ; "Sur un mouvement de cette ampleur, on ne peut pas tolérer une communication bancale"... 

Alors qu'une nouvelle manifestation du mouvement des Gilets Jaunes se profile ce 8 décembre, dont une très crainte, à Paris, nous avons donné la parole à trois de vos députées. Stéphanie Rist, Laure de la Raudière et Sophie Auconie sont trois parlementaires, de trois bords différents. C'est aussi à elles, et à leurs collègues, de se demander comment comprendre cette crise, l'écouter, la résoudre. 

A ce stade de la contestation sociale, comment a-t-elle été perçue dans les hautes sphères de l'Etat ? Voici (une partie de) la réponse. 
 

Qui est dans la rue ? 


Les trois députées se sont déjà rendues plusieurs fois, selon leurs dires, à la rencontre des gilets jaunes de leur circonscription. Loin des clichés, elles décrivent un dialogue avec des personnes majoritairement issues de la classe moyenne, insérées, mais qui ne s'en sortent plus. 

"L'augmentation de la taxe sur les carburants a mis le feu aux poudres, parce qu'ils se sont dit : "mais c'est plus possible !", raconte Laure de la Raudière, députée LR de l'Eure-et-Loir. "C'est venu des territoires ruraux, parce que ce sont eux qui utilisent leur voiture pour aller travailler, faire leurs courses... Ils se sont sentis oubliés par la politique du gouvernement. Maintenant, la situation a été très amplifiée par des vraies revendications profondes de pouvoir d'achat."

"Qui est dans la rue ? C'est cette France silencieuse, cette classe moyenne qui obtient de moins en moins tout en payant toujours plus" analyse Sophie Auconie, élue de l'Indre-et-Loire pour l'UDI. Elle concorde avec sa collègue sur la présence des Français de la ruralité. "Aujourd'hui toutes les mesures qui sont prises le sont aux dépends de la ruralité. Des hommes et des femmes ont envie de dire stop."

Même impression du côté du Loiret, chez la députée LREM Stéphanie Rist. "On a beaucoup discuté salaire : ils me disaient le leur, je disais le mien. Pour la plupart, ils gagnaient un peu plus que le SMIC, pas beaucoup. Des gens pour qui les fins de mois sont difficiles, alors qu'ils travaillent, et souvent dans des emplois pénibles."
 

Quelle responsabilité du gouvernement actuel ? 


La crise et la baisse du pouvoir d'achat n'ont pas attendu Emmanuel Macron pour s'installer en France. Mais les trois parlementaires, y compris Stéphanie Rist, élue de la majorité, attribuent au gouvernement une part de responsabilité. 

"On est face à une crise où il serait vraiment stupide d'ignorer les responsabilités, les nôtres et celles d'avant" avance la députée du Loiret. "Sur notre responsabilité, gouvernement et parlementaire de la majorité, je pense qu'on n'a pas eu la possibilité de partager autant qu'on le voudrait le sens de nos réformes. Il y a eu un espoir après notre élection mais les résultats ne sont pas arrivés le lendemain. C'est quelque chose qu'on entendait déjà depuis quelques mois sur les marchés, en fait. Les gens disaient : "ça a l'air bien, mais nous on ne voit rien venir."

Sophie Auconie se réfère également à cette notion d'espoir déçu. "Pendant sa campagne, Emmanuel Macron s'est vendu comme l'homme providentiel, l'homme de la proximité, l'homme de l'exemplarité."

Et de citer plusieurs affaires qui ont entaché l'image de l'exécutif : les nominations d'Agnès Saal et de Philippe Besson et, bien sûr, l'affaire Benalla. "Bref, l'exemplarité n'est pas là et par ailleurs à aucun moment il n'a eu pour ses citoyens l'écoute qu'il avait promis qu'il aurait."

Laure de la Raudière, si elle ne fait pas porter le poids de la crise au gouvernement Macron, accuse l'attitude. "Quand je discute avec les gilets jaunes, ils me disent que ça fait 5 ou 6 ans que la pression fiscale augmente, et que la classe moyenne n'a pas les moyens de le supporter. En terme d'images et de symbole, le gouvernement génère une angoisse supplémentaire."


La gestion de crise


"La gestion de la crise par le gouvernement a été pathétique du début jusqu'à la fin. Les manifestants se sont sentis méprisés, ne se sont pas senti compris ni écoutés", tranche Laure de la Raudière.

Pour elle, la première annonce du gouvernement pour jouer l'apaisement a été vécue comme une provocation. "La mesure, ça a été : on va donner une prime de 4000euros pour changer de voiture. A des gens qui ne bouclent pas les fins de mois ! Il y eu aussi Benjamin Griveaux, qui nous dit à peu de choses près que ce sont des beaufs qui roulent en diesel. C'est d'un mépris hallucinant !"
 
Un constat dont Stéphanie Rist est consciente. "Notre responsabilité est peut-être aussi dans cette communication, puisque beaucoup disent qu'on les méprise, reconnaît-elle, la voix basse. Ce n'était pas mon impression, mais je pense que c'est global. Pour la plupart, on vient de la société civile, on est là pour faire des vraies choses. On le vit comme une injustice, sans dire qu'on n'en est pas responsables."

Toutes sont cependant satisfaites par les dernières annonces du gouvernement : l'annulation de la taxe carburant et surtout la consultation populaire prévue.

Des mesures qui, selon Sophie Auconie, arrivent malheureusement trop tard. "J'ai été très surprise de cette gestion, parce que dans notre gouvernement, il y a de vrais élus locaux, qui savent ce que c'est que le territoire, le citoyen. J'ai l'impression que le pouvoir les a un peu isolés... Quand on leur dit quelque chose, ils n'entendent plus. Des propositions ont été faites, mais je dirais que les gilets jaunes n'entendent plus, n'en veulent plus."
 

Les violences policières


A Orléans, un jeune homme de 16 ans a reçu un tir de flashball en pleine tête alors que, selon plusieurs lycéens présents sur place, il n'avait en aucun cas une attitude menaçante à l'encontre de la police. 
 
Extrême prudence chez chaque députée quand on aborde cette question sensible. Car si le gouvernement et les députés ont rendu hommage aux forces de l'ordre, notamment à l'Assemblée Nationale, pas un mot sur les débordements du côté des fonctionnaires de police. 

"Moi, vous savez, je viens d'une famille de policiers, avoue d'emblée Sophie Auconie. Je sais le travail qu'ils font, leurs conditions de travail, qui sont de plus en plus difficiles, avec de plus en plus d'heures. Les policiers n'ont pas une volonté de tabasser. S'ils pouvaient rester chez eux le samedi tranquillement, ils le feraient. Quand on voit un policier frapper un manifestant à terre, je ne cautionne pas ce comportement, mais j'essaie de comprendre ce qu'il s'est passé avant."

"Je suis vraiment désolée pour ce lycéen, mais la violence des manifestations lycéennes peut aussi mettre en risque leur vie. Je regrette que les forces de l'ordre aient eu l'obligation de faire usage de la force mais c'est pour protéger aussi les lycéens des débordements possibles"
répond pour sa part Laure de la Raudière. 

Stéphanie Rist, si elle tient à renouveler son soutien aux forces de l'ordre, accuse le coup. "J'ai pris des nouvelles de la santé du jeune, il est à l'hôpital où je travaillais..., explique celle qui, au civil, est médecin. Quoiqu'il arrive, une vie, c'est plus important que tout. C'est difficile pour nous de se sentir "responsables", d'une certaine façon, car c'est contre les politiques que les gens manifestent."
 

L'atmosphère en circonscription ?


A la veille de la manifestation de samedi, et malgré les annonces du gouvernement, l'ambiance globale est loin d'être à l'apaisement.

Stéphanie Rist, qui reçoit notamment des mails de menace, ne cherche pas à minimiser : "L'ambiance est tendue... Chez les plus radicaux, la suppression des taxes n'a pas du tout apaise la colère. Ils veulent se faire la tête à Macron, quoi. Et chez les plus modérés, il y a une peur que le gouvernement n'ait dit ça que pour les calmer, et que ça ne soit pas fait. La situation n'est satisfaisante pour personne." 

Laure de la Raudière dit avoir ressenti une inquiétude, de tous côtés. "Il y une grande désespérance chez les gilets jaunes, pour l'avenir de la France, de leurs enfants. Et une grande inquiétude des citoyens dans la possibilité que ce mouvement puisse dégénérer."

Sophie Auconie, elle, tient à saluer les manifestants de sa circonscription qui ont, dans une immense majorité, exprimé sans violences leurs revendications. 

Les trois femmes ont amplement diffusé les appels au calme exprimés par une grande partie de la classe politique, et espèrent que la manifestation de samedi ne dégénèrera pas. "J'espère vraiment qu'il n'y aura aucun blessé grave ou un décès. Je me sentirai, en quelque sorte, responsable", conclut, gravement, Stéphanie Rist. 
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