Après les avoir lui-même supprimées, le candidat Macron souhaite remettre les maths en tronc commun au lycée. Depuis plus d'une décennie, les résultats des élèves français dans la discipline ne sont plus à la hauteur des attentes. Qu'est-ce qui pourrait sauver les maths ?
À chaque nouvelle étude, la même petite mélodie dissonante : les élèves français sont mauvais en maths. Non-seulement par rapport à leurs homologues de l'OCDE, mais aussi en comparaison avec les jeunes pousses d'il y a 30 ans. Selon le classement TIMSS (Trends in International Mathematics and Science Study) de 2019, les 4e d'aujourd'hui auraient le même niveau que les 5e de 1995. Et les petits CM1 français enregistrent la moins bonne performance de toute l'Union européenne.
De là ressortent des critiques contre le système d'enseignement en France, qui se sont cristallisées ces dernières années autour de la réforme du bac portée par l'actuel ministre de l'Éducation nationale, Jean-Michel Blanquer. Ainsi, depuis 2019, les filières générales S, ES et L ont laissé place à un tronc commun, où les mathématiques devenaient une option.
Une décision sur laquelle le candidat Emmanuel Macron souhaite revenir, laissant planer le doute sur un retour des maths obligatoires en première. Fin mars, les dirigeants de grandes entreprises du CAC 40 étaient montés au créneau pour "sauver les maths", dans une tribune parue dans les pages du magazine Challenges.
Les calculs sont pas bons
Mais de quoi faut-il sauver les maths ? La tribune part d'un constat fatidique : "la réforme du lycée a fait chuter de 18 % les heures de mathématiques enseignées en terminale et en première". Des chiffres publiés par l'Éducation nationale elle-même. Cerise sur le gâteau, la baisse affecte avant tout les filles, qui ne sont plus que 40% en classe de maths, soit 10 points de moins par rapport à avant la réforme, et un retour aux taux observés au début des années 90. Ce qui, selon plusieurs associations, constitue donc un recul de plusieurs décennies dans la lutte contre les stéréotypes de genre.
Car, même en 2022, les vieux réflexes sociétaux refont face : les garçons sont faits pour les sciences, et les filles pour les lettres. Des stéréotypes "qui commencent au plus jeune âge, explique Vincent Pantaloni, inspecteur pédagogique régional chargé de mathématiques dans l'académie d'Orléans-Tours. En tant que parent, en tant que société, on projette sur nos enfants des stéréotypes, consciemment ou pas."
Alors forcément, avec le poids de la société sur les épaules, "les filles qui veulent arrêter les maths en première peuvent désormais le faire". Auparavant, nombre d'entre elles, malgré une fibre littéraire, choisissaient la filière scientifique, "la voie royale qui permet d'accéder à tout". Un "détournement de la stratégie d'origine" pour Vincent Pantaloni, selon qui la réforme avait pour but de, justement, rendre la première et la terminale plus efficaces en vue de l'orientation.
Reste que des initiatives sont menées dans les établissements scolaires de la région pour combattre les clichés et "montrer les maths sous leur plus beau jour", notamment auprès des jeunes filles. Initiatives au rang desquelles on compte "Girls can code" sur le versant informatique, ou bien "Filles, maths et numérique", qui promet d'encourager les filles intéressées à vraiment se tourner vers les mathématiques.
Appel à la raison
Mais face à cette bonne volonté, la réticence d'un élève de première peu féru de chiffres peut être simplement trop forte. "À quoi ça va me servir de connaître le théorème de Pythagore par cœur ?", aiment à plaisanter les littéraires dans les cours de lycée.
Pour Vincent Pantaloni, tout dépend du niveau. À l'école, c'est simplement "apprendre à compter, ce qui est fondamental pour le citoyen". Au collège, il s'agit plutôt de savoir "raisonner dans un cadre assez contraint et rigide", à l'inverse de la philosophie qui apprend à raisonner avec des notions parfois abstraites. "Quand on a un triangle rectangle, il a une définition précise. Ce n'est pas le triangle rectangle selon Kant et le triangle rectangle selon Spinoza !" Et puis il s'agit aussi "de ne pas se faire avoir dans la vie, comprendre comment fonctionne un pourcentage par exemple". Une connaissance importante en temps d'élections notamment...
Mais arrivés au lycée, et une fois les réflexes du raisonnement acquis, les élèves peuvent difficilement concevoir la nécessité de calculer le cosinus de x. À ce stade, "les maths s'adressent plus à ceux qui se destinent à des études scientifiques", avoue l'inspecteur. Mais pas seulement. "Il y a un aspect "maths pour tous", pour mieux comprendre un monde de plus en plus technique". Sans les maths du lycée, comment vraiment appréhender le changement climatique, ou la croissance exponentielle de l'épidémie de Covid ? "Pendant les différentes vagues, on a bien vu que ce n'était pas clair pour tout le monde", observe-t-il.
Disparités sociales
Tous ces atouts, les défenseurs ardents des maths les ont bien intégrés, et sont les premiers à se désoler de la baisse de niveau constatée par les études internationales. "Nos résultats ne sont pas bons", avoue Vincent Pantaloni, constatant pourtant que "nos meilleurs élèves ont le niveau des meilleurs du monde, et que nos plus faibles sont aussi parmi les plus faibles du panel". Autant dire que la France présente "la plus grosse disparité" dans ces résultats. Une disparité liée, sans surprise, aux catégories socio-professionnelles des parents.
En Centre-Val de Loire, pas de chiffres spécifiques, mais selon l'inspecteur, "la région se comporte comme partout en France". Les élèves de 16 établissement de l'académie se préparent d'ailleurs à passer le test international PISA, qui évaluera en fin d'année scolaire le niveau en maths des élèves dans l'OCDE. "On leur dit de prendre ça au sérieux, qu'ils représentent la France", s'enthousiasme Vincent Pantaloni.
Reste que le nombre d'heures de maths délivrés au collège a diminué ces dernières années. Ce qui fait dire "à beaucoup de monde qu'à la fin de la 3e, les élèves ont perdu une année" par rapport aux temps jadis. Et puis certains examens ont, selon lui, "les mêmes critères d'examen depuis 30 ans". Alors forcément, les enseignements ont évolué. Et, contrairement aux 3e d'aujourd'hui, ceux de 1990 seraient bien embêtés face à une consigne de modélisation sur ordinateur.