La Sologne est-elle en passe de devenir une prison à ciel ouvert ? Cette prestigieuse terre de chasse est quadrillée par plus de 3500 kilomètres de grillages et beaucoup de grandes propriétés sont aujourd’hui totalement closes. Une enquête de Corinne Bian Rosa et Pierre-Dominique Lepais.
Depuis 20 ans, c’est la même ritournelle…
Des voix s’élèvent au sein de la Sologne, le plus prestigieux territoire de chasse français, pour condamner une certaine pratique de la chasse. Cette ritournelle est toujours la même : celle qui consiste à tirer des animaux captifs dans un parc clos par des grillages de 1m20 et plus qui ne permettent pas aux sangliers de circuler et aux cervidés de s’échapper lorsque la clôture est à plus de deux mètres et même parfois surmontée de barbelées.
Car la mode, aujourd’hui est aux gros, très gros tableaux de chasse, traduisez, il faut abattre le plus de sangliers (que l’on appelle pour l’occasion cochons), que son voisin.
D’où des situations aberrantes où l’on importe des camions entiers de sangliers en provenance des pays de l’Est le vendredi, qui sont abattus le samedi et revendus ou même enterrés sur place dans les jours qui suivent.
La peste porcine à nos portes
L’ennuyeux, c’est que la peste porcine, en provenance d’Afrique, a touché les pays de l’Est dont sont importés ces animaux et menace directement les élevages de porcs français.Si la maladie gagne la France, tous les porcs devront être abattus, entraînant une crise économique sans précédent dans le secteur.
Chasseurs contre chasseurs
Autre conséquence de « l’engrillagement » en Sologne, certains propriétaires sont entièrement clôturés par leurs voisins indélicats et ne voient plus aucun animaux dans leur propriété, puisqu’ils sont tous enfermés à côté.Plus d’animaux, plus de chasse et une dépréciation des propriétés qui respectent, elles, la libre circulation du gibier.
La révolte gronde chez la grande majorité des chasseurs qui se voient sanctionnés de fait par une trentaine de gros propriétaires, souvent patrons du CAC 40, s'appuyant sur le droit français de la propriété privée qui permet de se clôturer totalement et par voie de conséquence, de chasser toute l’année le gibier, sauf les oiseaux.
En ce cas, le gibier enfermé est considéré comme la propriété de celui qui l’a emprisonné…
Vers une solution politique ?
Conscients des ravages, éthiques, environnementaux et sanitaires de telles pratiques, les politiques se sont emparés du dossier.A l’occasion du film « L’école buissonnière » de Nicolas Vanier, un courrier a été envoyé à Emmanuel Macron avec le soutien de François Bonneau, le Président de la Région Centre-Val de Loire, Guillaume Peltier, député LR du Loir-et-Cher et du cinéaste lui -même qui est devenu en quelques mois le porte-parole des anti-grillages.
La renégociation des PLUI, Plan Locaux d'Urbanisme Intercommunaux, qui remplaceront les actuels POS, Plans d'Occupation des Sols, pourraient inclure des dispositions limitant la hauteur des grillages, pour les maires qui souhaitent s'opposer à l'engrillagement.
Emmanuel Macron, qui vient de relancer les traditionnelles chasses présidentielles à Chambord, bastion historique de la chasse en parc clos, sera-t-il plus sensible aux arguments de la grande majorité des chasseurs qu’au lobbying des grands patrons ? Réponse dans les mois qui viennent.