Première partie de poker menteur au procès Wagram

Ancien n°2 du Cercle Wagram, Philippe Terrazzoni est un joueur professionnel. Au point de donner au tribunal l'impression de manier à merveille l'art du bluff et de l'esquive dans son interrogatoire sur le "putsch" présumé survenu en 2011.

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Entre la présidente Cécile Simon, visiblement décidée à ne pas s'en laisser compter, et cet élégant quinquagénaire, en détention provisoire, difficile de désigner un vainqueur dans la partie de poker menteur à laquelle ils se sont livrés au deuxième jour des débats devant le tribunal correctionnel de Paris. "Je voudrais reconsidérer les faits à leur simple valeur, on parle d'une simple discussion", s'est défendu M. Terrazzoni à propos de ce que l'accusation considère comme un "coup de force" mené en janvier 2011 pour évincer l'équipe qui dirigeait alors le Cercle Wagram, un établissement de jeu huppé de la capitale.

"M. Terrazzoni, je vais être clair: se retrouver pour boire un verre sans parler de rien et pour ne pas le boire ensemble, moi ça me pose problème", lui a renvoyé Mme Simon, entre autres réparties cinglantes. Le prévenu lui expliquait que le jour du putsch présumé et la veille, lui et les autres suspects avaient été vus ensemble de longues heures car ils s'étaient rencontrés "par hasard", "pour boire un verre entre potes", "parler de tout et de rien".
Aux côtés de Philippe Terrazzoni sont jugées neuf autres personnes, dont trois en fuite, poursuivies pour extorsion de fonds et association de malfaiteurs. M. Terrazzoni ne nie pas s'être rendu au Cercle Wagram, le 19 janvier 2011, mais il assure y être allé pour s'expliquer tranquillement avec l'un de ses dirigeants d'alors, Jean Testanière, qui l'avait chassé de l'établissement fin 2009. Ce départ forcé, après quatorze années qui l'avaient mené au poste de n°2, restait en lui comme une plaie béante, une atteinte à sa "dignité", a-t-il expliqué aux juges. D'autant que Sandy Delgado, serveuse à "La Biscotte", un bar près du Cercle où il avait ses habitudes, lui affirmait que Testanière continuait, après sa démission, à "déblatérer" sur lui.

Tribunal sans illusion

Jean Testanière et son compère Jean-François Rossi avaient fait leur apparition au Cercle en 2005 et s'y étaient "insidieusement installés", raconte M. Terrazzoni. Jean Testanière, dit "Le Mage", un ancien éducateur aux prétendus dons de divination, "a fait venir dans l'établissement des people, des journalistes comme Sophie Davant" et progressivement pris les commandes. La présidente fait mine de s'étonner: "Et vous pensez que Rossi et Testanière, qui n'ont rien à voir avec le milieu des jeux, peuvent s'installer tout seuls dans le Cercle ?"

Pour l'accusation, toutes les péripéties du Wagram reflètent les dissensions au sein du gang corse de la Brise de mer dont les principales figures ont été tuées au cours des dernières années. Parmi eux, Richard Casanova assassiné en 2008 et Francis Guazelli, mort en 2009, qui passent pour les dirigeants occultes du Cercle Wagram. C'est le frère de Francis, Jean-Angelo, qui aurait repris les rênes de l'établissement après son décès, écartant Terrazzoni pour placer Testanière et Rossi. Dépités, les proches de Casanova auraient organisé l'opération du 19 janvier consistant à chasser ces derniers à coups de menaces sans ambiguïté. De ces coulisses présumées, rien ne perce dans les propos de Philippe Terrazzoni.

Alors que le procès est prévu jusqu'au 21 décembre, la présidente du tribunal semble déjà fataliste: "Je ne vous demande pas de noms, on va faire avec ce qu'on a, je ne me fais aucune illusion sur les semaines que nous allons passer ensemble".

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