Alors qu'en Corse plusieurs groupes politiques et des syndicats réclament la création d'une compagnie maritime régionale, en Sardaigne la compagnie régionale SAREMAR, créée il y a seulement deux ans, vient de disparaître.Chronique et analyse d'une mort annoncée par Alain Verdi.
Les habitants de l’île l’appelaient familièrement la « flotte sarde ». Une « flotte » modeste, elle ne comprenait que deux navires. Elle avait débuté ses rotation durant l’été 2011 et avait recommencé à naviguer pour la haute saison 2012. En l’état actuel, il ne devrait pas y avoir de troisième saison.
Les quatre têtes décapitées
Officiellement, la compagnie régionale est née d’une volonté politique de l’exécutif de la Région sarde.
La compagnie aux quatre têtes de maure n’aura vécu que deux saisons. La « flotte sarde » comptait deux cargos mixtes que la Région autonome de Sardaigne louait à des sociétés.
Pour l’été 2013, les deux bateaux naviguerons sur la Sardaigne, mais pour des armateurs privés.
Les compagnies privées raflent la mise
Les armateurs privés sont désormais les seuls transporteurs en Sardaigne.
La compagnie publique d’État, la Tirrenia, a été rachetée par un groupement privé où la Moby Lines est majoritaire.
L’ex compagnie publique-privatisée bénéficie d’une subvention d’État de plus de 72 millions d’euros par ans sur six ans. Ce scénario parait étrange à plus d’un observateur. En effet, la Moby et la Tirrenia se partagent une grande partie du trafic. Cette concentration dans les mêmes mains fait l’objet d’une enquête des services spécialisés de l’État. Mais, limite de l’exercice, c’est ce même État qui a permis cette concentration.
Le même scénario de concentration s’est produit, avec les mêmes acteurs sur les lignes entre l’île d’Elbe et l’Italie. Là aussi une compagnie publique a été rachetée par la Moby, là aussi une enquête est en cours.
Une « flotte sarde » limitée, montée du privé
L’un des deux navires, de l’ex compagnie régionale reliait le port romain de Civitavecchia au port sarde de Golfo Aranci. Une ligne de fret, sur ce même port a été abandonnée par une compagnie de transport de marchandise, le groupe NIEDDU. Ce dernier s’est associé à la Moby dans la CIN (Compagnie Italienne de Navigation) qui a repris la Tirrenia. Du coup, la Corsica Ferries-Sardinia Ferries a augmenté ses rotations sur le port de Golfo Aranci.
Une future compagnie régionale ?
Malgré tous ces événements, des forces politiques sardes veulent encore croire au redémarrage d’une compagnie régionale. L’État a donné son accord de principe, la Commission Européenne enquête avant de donner son avis. Il reste à connaître l’intérêt financier d’une nouvelle compagnie régionale.
De plus, la période des réservations a déjà débuté et, pour les professionnels, l’arrivée d’une compagnie sur le marché parait bien tardive.
Un bilan mitigé
La « flotte sarde » a baissé, légèrement, les tarifs sur les deux lignes où elle opérait. Mais, elle n’a transporté que 3% du volume total des passagers. Bruxelles et les armateurs privés de la CIN lui reproche de concurrencer -avec des subventions régionales- une Tirrenia qui touche des subventions d’État.
Dans ces conditions, la renaissance d’une « flotte sarde » n’est pas garantie.
La compagnie régionale corse
En Corse, depuis des années, les groupes nationalistes à l’assemblée de Corse et le STC (Syndicat des Travailleurs Corse), demandent la création d’une compagnie maritime régionale.
Le Président du Conseil exécutif a promis une étude de faisabilité.
On en est là, alors qu’en Sardaigne l’expérience régionale tourne au naufrage.
Pour les observateurs du monde maritime, la « flotta sarda » aura servi de cache misère à la privatisation de la SNCM italienne, la Tirrenia. La question peut être posée de la même façon en ce qui concerne le débat en Corse.
Monopoles privés et conséquences
Outre les licenciements à venir à la Tirrenia, mais aussi dans les autres compagnies, le bilan général est inquiétant.
Les rotations sont en baisse constante. Les tarifs ont augmenté de façon considérable et la fréquentation a chuté de manière terrible.
Et la Corse ?
Concentration des compagnies, chute du trafic et hausse des tarifs en Sardaigne. Cela peut-il arriver en Corse ? Toute ressemblance avec l’île voisine ne serait que pure coïncidence.