Le tribunal correctionnel de Marseille, qui juge la gestion frauduleuse du cercle Concorde, a tenté lundi de se faire son opinion entre les deux visages de Roland Cassone, le paisible retraité en invalidité qu'il affirme être, ou le "parrain" mafieux.
Le petit homme, un peu rond, front dégarni et lunettes, portant une veste flottante sur un col roulé sombre, se présente à la barre comme un retraité, touchant chaque mois 900 euros de pension dont une part en invalidité, et 500 euros de rente de chacun des appartements qu'il possède à Marseille.
Il affirme d'emblée n'avoir que "des relations d'affection" avec Paul Lantieri, le principal prévenu, qu'il "considère comme un membre de la famille".
"S'il a un souci, je l'écoute", dit-il simplement.
Et sur la gestion du cercle, il "savait qu'il (Lantieri) s'occupait de cette affaire, sans plus", explique-t-il.
Pourtant, la justice lui reproche d'être intervenu comme "modérateur agacé" dans le conflit qui a opposé les clans des Lantieri et des Raffalli dans la domination du cercle Concorde, soupçonné de servir de chambre de blanchiment bien au-delà de la maigre activité qui y était déclarée.
Il est ainsi notamment poursuivi pour "association de malfaiteurs par mise à disposition de sa réputation".
C'est que, malgré son casier judiciaire vierge et sa vie apparemment ordinaire, Roland Cassone, 69 ans, est considéré comme l'une des grandes figures du milieu corso-marseillais.
Fiché depuis 30 ans au grand banditisme, proche de Jacques Imbert dit Jacky le mat, figure du milieu marseillais, il portait à la ceinture un calibre
9 mm chargé lorsqu'il a été interpellé, fin 2007, dans son jardin à Simiane près de Marseille.
Cette stature lui aurait permis lors d'une réunion dans un hôtel parisien d'aider les Lantieri à clairement faire comprendre aux Raffalli qu'ils ne devaient plus intervenir dans la gestion du Cercle.
"Ces gens sont des porcs !"
Son refus de serrer la main à Edmond Raffalli, son attitude "en retrait dans la discussion", sa simple présence ont été perçus comme une menace pour certains témoins de la réunion.
Une attitude que lui explique bien autrement.
"J'étais à Paris, Paul Lantieri m'a dit qu'il serait là (à l'hôtel, ndlr) à ce moment-là. Ce n'était pas un rendez-vous", raconte-il d'une voix un peu hésitante à la barre, affirmant qu'il ne savait ni qui il allait rencontrer, ni l'objet de la réunion, à laquelle il assistait "par hasard".
"Je n'étais pas à ma place, j'étais mal à l'aise (...) C'était pour ne pas avoir à me présenter que je n'ai pas serré la main.(...) Et c'est vrai, je me tenais
en retrait", précise-t-il.
"Ce qu'on lui reproche, c'est d'avoir regardé et de ne pas avoir serré la main.
Aujourd'hui, il ne leur a pas serré la main et les a regardés, vous pourriez fonder une subornation de témoins !", ironise alors son avocat, Me Dupont-Moretti.
M. Cassone prend pourtant un ton beaucoup plus menaçant, quelques minutes plus tard.
Le tribunal évoque alors l'aide qu'aurait apportée Paul Lantieri à une figure du banditisme corse, Ange-Toussaint Federici, lui permettant d'être soigné par un médecin alors qu'il était blessé par balle.
Ce même Federici aurait ensuite pris le parti des Raffalli dans leur conflit contre les Lantieri.
"Si directement ou même indirectement Paul Lantieri a essayé de rendre service à des gens et qu'ils lui ont fait cela après, je peux les qualifier de porcs ! Et pour que tout le monde l'entende, je le répète : de porcs !" lance-t-il d'un ton dur, en embrassant toute l'audience du regard.
"De quelle morale êtes-vous le gardien pour vous permettre de distribuer des bons et de mauvais points ? Et quelle autorité avez-vous pour le dire ?", l'interpelle un peu plus tard le procureur Jean-Luc Blachon.
"J'ai exprimé ma personnalité. Et dans la vie, un homme est un homme", répond Roland Cassone.