Le tribunal correctionnel de Bastia juge, du 4 au 6 février, François Levan, un ex-capitaine de gendarmerie, poursuivi pour détournements de saisies de drogue, séquestration et écoutes téléphoniques illégales, des délits qu'il est accusé d'avoir commis lors de son passage en Corse, de 2002 à 2007.
Gendarme "ripou" ou officier trahi par sa hiérarchie qui encourageait des pratiques d'enquête en marge de la légalité?
Le tribunal correctionnel de Bastia va tenter, du 4 au 6 février, de trouver le chemin de la vérité sur la chute de l'ex-capitaine Philippe Levan, jugé pour divers délits quand il servait en Corse, de 2002 à 2007.
Tribunal de Bastia - 4 février 2014
Le point en langue corse avec Antoine Albertini
M. Levan, alias "le Chinois" en raison de ses origines asiatiques, se voit reprocher des détournements de saisies de drogue, une séquestration, des écoutes illégales, la complicité avec des racketteurs et autres faits de corruption.
Apprécié de sa hiérarchie
Brillant "soldat de la loi", qualificatif traditionnel des gendarmes au sein des forces armées, cet homme énergique de 41 ans, qui comparaît libre et nie la quasi totalité des faits qui lui sont reprochés, dirigeait l'unité bastiaise de la section de recherches de Corse.Apprécié de sa hiérarchie à la tête de cette unité où sont affectés les meilleurs enquêteurs, il quitta Bastia en 2007 pour prendre le commandement du groupement de gendarmerie de Fréjus (Var).
Mais, dans les mois suivant cette promotion, l'attention des gendarmes enquêtant sur une tentative de racket contre un restaurateur de la station balnéaire corse de Saint-Florent, fut attirée par des comportements surprenants du capitaine Levan, soupçonné notamment d'avoir divulgué des informations sur les investigations à un racketteur présumé.
Le train de vie somptuaire du gendarme, roulant en Porsche et s'offrant une luxueuse villa dans le Var, et certaines fréquentations jugées douteuses conduisirent l'inspection de la gendarmerie, en 2008, à enquêter en profondeur sur ses activités en Corse.
Mis en examen en 2009, l'officier déchu passa trois mois en détention provisoire avant de démissionner de la gendarmerie en 2010.
Dix ans après le scandale des paillotes
Dix ans après le scandale d'Etat qui avait terni durablement l'image de la gendarmerie -- des officiers ayant clandestinement incendié en 1999 en Corse des établissements de plage sur ordre du préfet Bernard Bonnet, le très zélé successeur du préfet assassiné Claude Erignac -- il s'agissait de mettre hors d'état de nuire un éventuel nouveau "ripou" dans l'Ile de Beauté.
De lourdes accusations
L'épais dossier d'instruction de douze tomes concernant l'ex-capitaine porte aussi sur le détournement à Bastia d'une centaine de kilos de résine de cannabis saisis et entreposés dans des gendarmeries.L'officier aurait signé de faux procès-verbaux de destruction de la drogue, parfois antidatés, qu'il est soupçonné d'avoir ensuite revendue à son profit.
Le traitement de cent autres kilos à Fréjus l'a conduit le 18 octobre dernier devant le tribunal correctionnel de Draguignan (Var), qui a toutefois été contraint d'annuler la procédure, les droits de la défense n'ayant pas été respectés.
L'ex-capitaine est encore soupçonné d'avoir mis en place des écoutes téléphoniques illégales payées 100 euros par jour et par personne écoutée, pour rendre service à certaines relations du milieu.
Il répondra enfin de la séquestration d'un livreur d'une entreprise bastiaise de téléphonie suspecté de vol par son patron qui se plaignait auprès de l'officier des lenteurs de l'enquête.
Séquestré, menotté et molesté, l'employé déclara aux enquêteurs avoir reconnu l'officier durant cette "séance d'intimidation".
Après un premier renvoi
Le 1er octobre dernier, un premier procès avait tourné court à Bastia.Les avocats de Philippe Levan et de certains des six autres prévenus avaient obtenu, au terme d'une audience très tendue, le renvoi en raison notamment de l'absence du principal co-prévenu le mettant en cause.
Claude Valery, 59 ans, en prison pour une autre affaire, avait tenté de se suicider en absorbant des médicaments dans sa cellule.
Mes Olivier Morice du barreau de Paris et Christian Scolari de Nice, avaient obtenu une journée supplémentaire d'audience notamment pour faire citer des gendarmes et des juges d'instruction afin de pouvoir "dénoncer certaines méthodes utilisées en gendarmerie dans le type d'enquêtes que conduisait le capitaine Levan".
"Cet officier exceptionnel ne faisait qu'appliquer des méthodes utilisées par d'autres en gendarmerie et validées par la hiérarchie", selon Me Morice, pour qui "la question posée est de savoir qui est derrière la volonté farouche et déterminée de faire tomber le capitaine Levan".