La destruction en mer des armes chimiques syriennes suscite des protestations dans le Mare Nostrum

La destruction par hydrolyse de 700 tonnes d'armes chimiques à bord du roulier américain MV Cape Ray, dans les eaux internationales en plein coeur de la Méditerranée, soulève de très vives inquiétudes dans le Mare Nostrum et des protestations en Grèce, en Italie et en France.

A New York, le 8 mai dernier, Sigrid Kaag, la coordinatrice du désarmement chimique syrien pour  l'ONU, a  rendu compte de sa mission devant le Conseil de sécurité.

Mme Kaag a rappelé que le régime devait encore évacuer environ 8% de son arsenal. Il s'agit de seize conteneurs qui se trouvent sur un seul site mais celui-ci "est actuellement inaccessible pour des raisons de sécurité", a-t-elle précisé.

Dès que l'accès en sera possible, l'évacuation des produits toxiques "peut être menée à bien très rapidement", a-t-elle estimé.

92% de l'arsenal toxique de Bachar el-Assad

Les navires danois et norvégiens qui doivent les évacuer ainsi que le navire américain sur lequel ces produits doivent être détruits attendent et "le temps presse", a ajouté Mme Kaag.

A l'heure actuelle, 92% des armes chimiques déclarées se trouvent déjà hors du territoire syrien mais la date butoir pour l'évacuation des 8% restants a été reportée à plusieurs reprises et vient encore d'être repoussée au 30 juin.

Au 30 juin 2014, la Syrie doit avoir éliminé toutes ses armes chimiques, conformément à un accord conclu en septembre entre les Etats-Unis et la Russie pour éviter des frappes américaines en représailles à une attaque chimique meurtrière, pour laquelle le régime a été pointé du doigt.

Damas a fait l'objet de critiques pour ne pas avoir respecté les délais de livraison de ses stocks d'agents chimiques.

Le 6 février dernier , le Conseil de sécurité de l'ONU l'a exhorté à "respecter ses obligations" et accélérer le transport hors de Syrie de ses armes chimiques.

Rendez-vous sur  le MV Cape Ray en Calabre

Des navires danois et norvégiens doivent transporter les armes chimiques du port de Lattaquié en Syrie vers le port italien de Gioia Tauro en Calabre.

Là, ils devront être chargés sur un navire de la marine américaine spécialement équipé pour les détruire, le MV Cape Ray.

Ce navire roulier, spécialement aménagé pour la destruction des stocks d'armes chimiques syriennes, est une véritable usine flottante affrété par l'Organisation pour l'interdiction des armes chimiques (OIAC) et l’ONU : il doit traiter par « hydrolyse » et loin des regards, en quelques semaines, les produits chimiques les plus terrifiants de l’arsenal de Bachar el-Assad. Quelque part en Méditerranée:  "Aucun pays n’ayant souhaité accueillir cette délicate manœuvre, elle se déroulera donc dans une zone des eaux internationales, pour le moment gardée secrète, sous bonne garde militaire soulignaient des journalistes d'Europe 1 en janvier dernier..

En stand by en Espagne, le MV Cape Ray  n'appareillera en direction du port italien de Gioia Tauro que  lorsque tout le stock syrien aura quitté le pays via le port de Lattaquié.

Protestations et manifestations en Crête

En Italie et en Grèce des protestations émergent contre ce que de nombreux militants écologistes considèrent comme une menace potentielle sérieuse.

En février dernier, l’organisation internationale écologiste Greenpeace  réclamait davantage de transparence sur le processus de destruction des armes chimiques syriennes, déplorant "un manque de communication" faisant craindre un rejet de résidus en mer. "Il y a un important manque de communication et l'ONU porte une responsabilité significative dans cette situation", déclarait à l'AFP Nikos Charalambides, responsable de la branche grecque de l'organisation de protection de l'environnement.

Dans l'île de Crête, en particulier, où l'on craint que les opérations de destruction s'effectuent aux limites internationales de la mer de Lybie,  la coordination d'associations et de citoyens a débouché sur des manifestations réunissant plusieurs milliers de personnes.


Début(s) de mobilisation en France

En France, quelques voix s'inquiètent de la prochaine destruction en Méditerranée de la partie la plus dangereuse de l’arsenal chimique syrien. 

Un collectif, baptisé « Objectif Transition », interpellait le 7 mars dernier le ministre des Affaires étrangères, Laurent Fabius,  pour solliciter la présence d’observateurs indépendants à bord du MV Cape Ray chargé de la destruction des armes chimiques syriennes.

Ce même collectif avec l'association Robin des Bois  a également  lancé le 10 avril dernier  un appel à la mobilisation.

Aujourd’hui plusieurs personnalités écologistes, collectifs associatifs se mobilisent en France et lancent un appel pour stopper ce projet de traitement de l’arsenal chimique syrien en pleine mer.

Nous demandons de reconsidérer la possibilité de le traiter à terre dans une zone sécurisée et exigeons la présence d’observateurs neutres et indépendants pour garantir la traçabilité des opérations et l’absence de risques sanitaires et environnementaux.


Une pétition pour  interdire la destruction des armes chimiques syriennes en Méditerranée  circule  depuis peu sur les réseaux sociaux francophones.
Adressée à Janez Potočnik, commissaire européen à l’Environnement, à la date du 8 mai elle n'a recueilli que 647 signatures.

150 régions européennes concernées​

Le 26 avril dernier, l'appel « Le MV Cape Ray ne doit pas prendre la mer », lancé par le collectif Objectif Transition, a reçu le soutien du sénateur  Roland Courteau, membre de l’Office parlementaire d’évaluation des choix scientifiques et technologiques, auteur du rapport incontournable depuis 2011   "La pollution de la Méditerranée : état et perspectives à l’horizon 2030".

Selon le collectif Objectif Transition, outre l'association Robin des Bois, plusieurs associations et organismes prennent désormais part à l’opposition au projet de destruction de l’arsenal chimique en Méditerranée : Archipelagos, Institute of Marine Conservation (Grèce), l' Assemblée des citoyens et Citoyennes de Méditerranée et la CRPM (Conférence des Régions Périphériques Maritimes) dont la Corse fait partie et qui rassemble 150 régions européennes issues de 28 pays et représentent presque 200 millions d'habitants.

Dans le ventre du MV Cape Ray, deux usines prototypes mobiles
A bord du MV Cape Ray qui doit rejoindre le port italien de Gioia Tauro en Calabre pour charger l'intégralité du stock à détruire, se trouvent deux Field Deployable Hydrolysis Systems, des usines légères mobiles pour la destruction des produits chimiques dangereux et des armes de type gaz sarin et moutarde. Le FDHS est un prototype qui permet la neutralisation à froid des agents chimiques.

Son caractère expérimental, en pleine mer, n'encourage guère les défenseurs de l'environnement à soutenir une telle première.

Sous la pression des opposants, l’OIAC ( Organisation internationale pour la destruction des armes chimiques) a proposé le 10 avril dernier aux associations "inquiètes"  une visite de presse  du « MV Cape Ray » sur la base navale de Rota en Espagne.

Les associations de la défense de la Méditerranée qui avaient été invitées à cette visite ont décliné l'offre, de peur de cautionner cette opération de communication de l'ONU qu'elles perçoivent comme de la propagande.

Selon le plan initial de désarmement chimique de la Syrie, 700 tonnes d'agents chimiques de catégorie 1 doivent être embarquées sur le MV Cape Ray.
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