Accident du Mega Express 5 : commandant et direction de la Corsica Ferries pointés par le BEAmer

Le rapport d’enquête technique sur l’accident du Mega Express 5 survenu en mai 2014 à L’Île Rousse, conclu à une "négligence dans la conduite du navire, de la part du commandant" et à un "manquement d'information" de la part de la direction de la compagnie maritime Corsica Ferries.

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Négligence de la part du commandant

Le 31 mai 2014, le Mega Express 5 de Corsica Ferries France (CFF) touche un haut-fond à la sortie du port de L’Île Rousse. Le car ferry transporte 996 passagers et 320 véhicules.

Le rapport, consultable sur le site du BEA mer, conclut que le bateau est passé à 700 mètres du phare de sortie du port au lieu des 2,8 km prévus par le règlement.

Le commandant dit avoir mené des recherches sans résultat. Selon le rapport du BEAmer (Bureau d’enquêtes sur les événements de mer), "aucune indication correspondant à ces investigations n’est portée au journal de bord". Le bateau va d'ailleurs poursuivre sa route jusqu’à Toulon. Dans les 24 heures qui suivent, il va effectuer trois traversées.

Le dimanche 1er Juin, au large de Bastia le bateau connaît un "black out", une panne électrique qui stoppe les moteurs. Le rapport stipule que vers "7h20, les moteurs sont relancés". Par chance, la mer est calme et le navire ne dérive pas vers la côte.

Le rapport ne fait aucun lien entre le "talonnage" de l’Île Rousse et le "black out" de Bastia. Interrogée à l'époque des faits, la direction déclare que les deux événements n'ont aucun lien. Le CROSS Méditerranée (CROSSMED), en charge de la sécurité du trafic maritime n'est à aucun moment alerté. 

Le même jour, le Mega Express 5 arrive à Toulon.  Des plongeurs effectuent une inspection du navire. Ils trouvent, notamment, un "enfoncement" et "cinq fissures".

Le groupe italien de classification Rina (Registro Italiano Navale), équivalent du Bureau Veritas en France, qui autorisent l'exploitation des navires, demande l’arrêt du navire. Le Mega 5 sera réparé à La Spezia (Italie) et reprendra ses rotations le 9 juin.

Selon les textes de l’OMI (Organisation Maritime Internationale) l’accident est classé dans la catégorie "grave".

Des défaillances dans l’information

Le rapport du BEA Mer pointe également une série de défaillances et une non transmission des informations par la direction de la compagnie. Dès le  31 mai, "le CROSS MED de La Garde n’a connaissance d’aucun événement concernant de navire".

Le lendemain, l’armateur informe bien les autorités italiennes par message de "légères vibrations" et d'une "modeste présence d’eau dans les doubles fonds". Mais selon le rapport "la date de l’incident n’est pas indiquée". L'armateur aurait pourtant été averti du talonnage "une dizaine de minutes après l’événement".

Les échanges entre le pilote du port de L’île Rousse et le commandant du Mega Express 5 font également l’objet d’une polémique. "Le pilote du port déclare avoir signalé (en italien) au commandant de "faire attention au haut-fond". Cette déclaration "n’est pas confirmée par le commandant".

Cet accident avait déclenché une polémique de la part de syndicats de marins, notamment de la CFE-CGC (cadres) qui estiment que "les officiers français sont habitués à un formalisme plus rigoureux du Cross Med, quand au signalement d’incidents, parfois très mineurs, qui peuvent concerner leurs navires".

La Direction de Corsica Ferries France avait dénoncé dans un communiqué une réaction "totalement disproportionnée par rapport aux faits et (...) motivée par la seule situation de l’entreprise et du sort à venir de ses personnels".

Le Secrétaire d’État aux transports de l’époque, Frédéric Cuvillier, avait dit "attendre les résultats de l'enquête", rappelant à la Corsica Ferries son obligation à "coopérer à toute enquête sur un accident ou incident maritime concernant un de ses navires rouliers à passagers exploités sur une ligne régulière touchant la France".

Un rapport pourquoi faire ?

Le BEAmer préconise un certain nombre de mesures et de recommandations auprès de l’armateur, dont "l’obligation faite aux commandants de se conformer à la réglementation en vigueur relative au +signalement des incidents et accidents de mer+". 

La station de pilotage de la Haute-Corse doit pour sa part "mettre en place (…) une procédure visant à ce que le navire quitte la zone sous pilotage obligatoire de l’Île Rousse en ayant paré tous les dangers". 

La fonction de ce rapport n’a pas pour objet d’établir "des fautes graves à caractère pénal ou encore à évaluer des responsabilités individuelles ou  collectives à caractère civile".

En revanche, il peut servir d’argumentaire technique aux autorités administratives, policières et judiciaires. Le préfet maritime de Méditerranée est un des destinataires du rapport. La gendarmerie maritime poursuit toujours son enquête.

Joint par téléphone, le directeur général de la Corsica Ferries, Pierre Mattei, a confirmé l'erreur de navigation. Le tirant d'eau était suffisant mais il y a eu un "squat". Ce phénomène se traduit par une aspiration de la quille d'un navire, due à sa vitesse et à une faible profondeur par rapport à son tirant d'eau. 

Pierre Mattei indique également que l'information a bien été donnée dès que l'incident a été connu, mais aux Affaires maritimes et non au CROSS Med. Depuis les procédures ont été rectifiées selon les recommandations du BEA mer a-t-il précisé.

Un précédent pour la Corsica Ferries

Une autre affaire de transmission d’information incomplète avait déjà concerné la Corsica Ferries France en Août  2007.

A cet époque un Navire à Grande Vitesse (NGV) de la compagnie avait subit un incendie d’un de ses deux blocs moteurs. Le problème, c’est que le NGV naviguait depuis une semaine avec un bloc en panne en violation des règlements internationaux sur les navires rapides

Le problème de la responsabilité juridique en cas de conséquences dramatiques avait été alors soulevé. En 2015, le BEAmer fait la même analyse. Ce n’est pas la marque "Corsica Ferries" qui est propriétaire du Mega Express V, mais un groupe de plusieurs sociétés.

"Le Mega Express V est propriété de l’entreprise Medinvest SPA (qui possède 8 navires affrétés coque nue par Forship SPA).  Il est exploité par la société Corsica Ferries France SAS qui l’affrète à temps, armé par Forship SPA", précise le rapport.

Forship et Medinvet sont des sociétés italiennes. Corsica Ferries France est une société française. L’ensemble est dirigé par un holding (LOZALI) dont le siège se trouve à Genève.
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