"On les aurait préférés moins courtois, mais plus bavards", a regretté jeudi à Aix-en-Provence un enquêteur évoquant les accusés de l'assassinat de Sabri Brahimi, deuxième volet du procès qui vaut à l'ex-dirigeant nationaliste corse Alain Orsoni et son fils Guy de comparaître devant les assises.
Après s'être penchée sur le meurtre de Thierry Castola, la cour d'assises des Bouches-du-Rhône a en effet ouvert le deuxième chapitre du procès de Guy Orsoni et de ses 11 co-accusés, dont l'un est en fuite: l'assassinat, le 29 janvier 2009, en plein coeur d'Ajaccio, de Sabri Brahimi, 35 ans, considéré comme un proche de la bande criminelle dite du "Petit Bar".
Le commandant de police Arnaud Pirard a fait jeudi le long récit d'une "enquête foisonnante" qui, à son sens, accable Guy Orsoni, et plusieurs des jeunes accusés qui sont eux aussi jugés jusqu'à début juillet.
La victime était assise sur son deux-roues à l'arrêt, en discussion avec deux jeunes femmes, lorsque des hommes à moto casqués, gantés, lui avaient tiré dessus avec une arme de gros calibre. Quatre ou cinq "tirs d'achèvement" avaient été effectués sur la victime au sol.
Vivant la nuit de parties de poker, considéré comme "un agent de recouvrement" au service d'un cercle de jeux parisiens, Sabri Brahimi, ancien joueur de handball connu à Ajaccio, a été décrit comme "très proche de Jacques Santoni, considéré comme le parrain de la bande du +Petit Bar+".
Pour les enquêteurs deux équipes étaient engagées sur cet assassinat, celle de Guy Orsoni, 30 ans, et celle de Jean-Luc Codaccioni, 26 ans. Dans le schéma d'une "guerre de clans" défendu par la police et contesté par la défense, leurs intérêts auraient convergé.
D'un côté, la bande du "Petit Bar" était en effet désignée comme l'organisatrice d'un projet d'assassinat d'Alain Orsoni déjoué par la police à l'été 2008. Et d'un autre côté, Jean-Toussaint Michelosi, le frère d'Ange-Marie Michelosi, tué quelques mois plus tôt, avait nommément désigné Jean-Luc Codaccioni père comme l'un des auteurs de cet assassinat.
"Des jeunes gens parfaitement éduqués"
Au terme d'une analyse de la téléphonie occulte des accusés - combattue d'arrache-pied par la défense --, Arnaud Pirard a évoqué un déplacement clandestin de plusieurs accusés de Marseille en Corse quelques jours avant cet assassinat, leur regroupement dans un appartement d'Ajaccio, propriété de la tante de Guy Orsoni, et la surveillance via les caméras vidéo urbaines de deux, voire trois motos, depuis cette "planque" jusqu'au lieu des faits.Le directeur d'enquête a insisté sur le silence opposé par les accusés lors des garde-à-vue: "Ce sont des jeunes gens parfaitement éduqués et courtois qui très vite ont fait usage de leur droit au silence. On les aurait préférés moins courtois mais plus bavards".
Sur le banc des accusés ou dans le box - quatre hommes, dont Guy Orsoni, comparaissent détenus -, les jeunes accusés aux chemises toujours impeccablement repassées présentent en effet un visage très lisse depuis le début du procès.
L'un d'eux, Franck Tarpinian, a cependant évoqué un appel de Guy Orsoni l'invitant à se rendre en Corse pour "bouger quelqu'un". Il s'était désisté et avait repris un bateau pour Marseille deux heures avant l'assassinat de Sabri Brahimi, sous le faux nom de Luca Brasi, un des personnages du film "Le Parrain". Aux enquêteurs, il assure qu'il aurait refusé d'incendier une paillote.
A l'issue de la longue déposition du directeur d'enquête, le président Patrick Vogt a cependant souligné les divergences d'appréciation entre les fonctionnaires de police et la chambre de l'instruction, qui a renvoyé seulement trois accusés - Guy Orsoni, Jérémy Capitta et David Taddéi - pour assassinat alors qu'Arnaud Pirard, en évoquant deux voire trois motos montées chacune par deux hommes, a suggéré la présence de quatre voire six auteurs sur les lieux du crime. Dans ce volet du dossier, cinq autres hommes sont jugés pour association de malfaiteurs dans le but de préparer l'assassinat.
"On n'a pas le compte", a noté le président. "Nous, policiers de la police judiciaire d'Ajaccio, estimons que ce dossier a été construit le mieux possible dans une affaire de règlement de comptes où les témoignages sont rarissimes", s'est défendu Arnaud Pirard.