Agressions sexuelles : l'onde de choc #Iwas frappe la Corse

Le hashtag, lancé comme un cri de ralliement sur les réseaux sociaux la semaine dernière, se propage dans le monde. La Corse n'est pas épargnée, et les témoignages se succèdent. Ce lundi matin, l'île, après un week-end de confessions glaçantes de ses enfants, se réveille sonnée. 

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C'est peut-être une voisine, une camarade de classe, un collègue, la serveuse qui, tous les matins, nous amène notre café. 

C'est peut-être le jeune homme qu'on croise régulièrement au bureau de tabac, et dont on essaie d'attirer, désespérément, le regard. 
C'est peut-être notre petite copine. Notre cousin. Notre mère. Notre nièce. 

C'est peut-être notre fils, ou notre fille. 

Des dizaines, et très probablement bien plus, de garçons et de filles de cette île ont été abusés sexuellement, touchés, violentés, pénétrés, souillés, humiliés, sans qu'on ne leur demande leur avis. 

#IwasCorsica

On ne sait si c'est par pudeur, par crainte de regarder la vérité en face, par envie de croire que, chez nous, ce n'est pas comme ailleurs. 

Mais personne, ou presque, sur l'île, n'avait rien vu venir. 

Ce n'est pas un détail, une lubie des réseaux sociaux qui, dans quelques jours, sera chassée par une poussée de fièvre internet d'un autre genre. 
C'est un phénomène qui, par sa naissance, son éclosion, et sa propagation exponentielle, rappellent #Metoo.

Catharsis

Ce week-end, ont fleuri sur Twitter des hashtags d'un genre nouveau, les #Iwas.
Suivis d'un nombre, que très vite, on devine être un âge. 

#Iwas a été lancé aux Etats-Unis mardi dernier, et c'est un point de ralliement pour les victimes d'agressions sexuelles du monde entier, qui sont invitées à partager leur histoire.

Immédiatement, le hashtag s'impose en Corse, et les statuts commencent à affluer sur Twitter. 

La rédaction de France 3 Corse lance un appel sur les réseaux sociaux, demandant que les personnes vivant en Corse et concernées nous contactent, afin d'écrire un article sur un phénomène qui prend de l'ampleur de minute en minute. 

La réponse a été bien au-delà de nos attentes. 

En une heure, nous avons reçu plus d'une quarantaine de réponses. 
Impossible de tout mettre dans l'article que nous avons publié samedi, et que vous pouvez lire ci-dessous.

Depuis, nous continuons de recevoir des témoignages, sur notre boite mail, encore et encore. 
Et sur les réseaux sociaux, où est né le hashtag, c'est plus impressionnant encore.
Au point que #IwasCorsica a été lancé hier. 

Des filles, en large majorité, et des garçons, souvent encore jeunes, qui avaient entre 15 et 20 ans au moment où ils ont subi une agression sexuelle.  
Mais également des mères de famille, des adultes qui vivent avec ce poids depuis des années, et n'en avaient jamais parlé avant l'apparition de #Iwas.

Rester prudents, mais entendre. Malgré tout. 

Bien sûr, il convient d'être prudents, dans ces cas-là. 

Il n'est nullement question de remettre en cause la parole, et encore moins la souffrance, des victimes. 
Mais ce genre de phénomène réveille toujours son lot d'affabulateurs ou de mauvais plaisantins, attirés par la lumière. 

Alors c'est vrai, nous avons émis des doutes sur quelques rares témoignages. Et nous avons préféré ne pas prendre de risques. 

Mais d'autres, beaucoup d'autres, étaient frappants. Souvent d'une sécheresse éprouvante, sans fards, comme s'il fallait mettre des mots, et ces mots crus, pour redonner sa réalité à un drame qui avait été si longtemps refoulé. 

Des témoignages accompagnés, parfois, de captures d'écran d'échanges SMS qui ne laissaient guère de place au doute. 

Une réelle prise de conscience ?

La réaction a été à la hauteur du choc provoqué par ces témoignages. 
Près de 200.000 personnes ont lu l'article en moins de trois jours. 

Et il a été partagé des milliers de fois. 

La classe politique, elle aussi, a dû ouvrir les yeux sur un mal trop longtemps tu, en Corse comme ailleurs. 

Il est à espérer que des actes et des décisions politiques à la hauteur de l'indignation suivront.

Un désir de revanche qui préoccupe

Pour éviter, à l'avenir, qu'avec la libération de la parole, vienne le goût de la revanche. 
Après des années à se taire, à subir, à faire comme si de rien n'était en croisant son bourreau, le témoignage ne suffit pas à toutes les victimes. 

Certaines, comme Olivia, voient cette prise de parole comme une catharsis, qui va leur permettre de tourner la page :
"J'ai une vie, des enfants, et je me sens libérée d'un poids. Je ne sais pas si ce sera plus facile à vivre demain, mais le fait de garder ce secret, c'était en avoir honte, d'une certaine manière. Et rien que ça, c'était dégueulasse..."

Mais d'autres, comme Santa, veulent obtenir réparation :
"Ces porcs continuent de faire les beaux en boîte, comme si de rien n'était. Moi, je veux qu'ils paient. Et qu'ils aient peur, surtout. Pour pas qu'ils fassent la même chose à une autre meuf."

Sur Twitter, un groupe s'est constitué, qui recense les victimes. 
Et le nom de leurs agresseurs.
Les deux filles qui l'ont créé, et que nous avons contactées, nous affirment qu'il y a déjà près de 100 noms...

Une démarche qui pourrait se retourner contre les instigatrices, et leur coûter cher...

Elles s'exposeraient à être condamnées pour diffamation, si les personnes citées les attaquaient en justice. Pour ne pas être condamnées, il faudrait qu'elles prouvent leur «bonne foi», en produisant une «base factuelle suffisante», ou la preuve de la vérité de ses accusations.

Prouver sa bonne foi

La démarche soulèverait un autre problème. 
Elles pourraient, en faisant confiance à des personnes mal intentionnées qui auraient répondu à leur appel, jeter en pâture au public le noms de supposés agresseurs, innocents, mais à qui d'autres personnes auraient voulu nuire, en mettant à mal leur réputation. 
Dans une île comme la Corse, où tout le monde se connaît, les conséquences pourraient être lourdes...

Léa est l'une des filles qui a rejoint ce groupe.
Et pour elle, ce sont des dommages collatéraux :
"C'est vrai qu'il y a ce risque, mais tant pis. Il peut y avoir des victimes innocentes, mais nous, on est toutes des victimes innocentes ! Et ça fait des années que ça dure ! Il faut peut-être en passer par là pour que ça cesse, de violer des meufs comme on va boire un coup... C'est peut-être le seul moyen..."

Toute la complexité d'une question, celle des agressions sexuelles, est résumée par cette situation. 
Longtemps, les autorités n'ont pas semblé y porter toute l'attention qu'elle méritait. 

Si les choses ont commencé à changer, nombre d'hommes et de femmes qui ont subi ce type d'agression peinent à croire à la justice, et à aller porter plainte. Persuadés qu'on ne les écoutera pas. Et que rien n'aboutira...

Nous reviendrons très vite sur les dispositifs mis en place pour venir en aide aux victimes et les aider à obtenir justice...

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