Près de Verdun, le macabre héritage des Poilus rendu à leurs descendants. Un Corse de Vescovato parmi les corps de 26 Poilus retrouvés.
Les dépouilles, mais aussi ces petits objets que les soldats emportaient avec eux au front: c'est l'héritage qui sera rendu aux quelques descendants identifiés des 26 Poilus "morts pour la France", découverts la semaine dernière dans un bois à Fleury-devant-Douaumont, près de Verdun (Meuse).
Avant de mourir il y a trente ans, le père de Jean-Pierre Giansily, originaire de Haute-Corse, était parti à la recherche d'une trace, d'un objet, ayant appartenu à son frère, soldat, tombé à Verdun. Il a fouillé la terre dans la forêt qui a poussé depuis sur les fondations de Fleury-devant-Douaumont, un village entièrement détruit par les tirs des obus français et allemands en 1916, sans rien trouver.
"On lui a dit que mon oncle était sûrement enterré dans l'ossuaire et il est reparti sans savoir que son frère était juste là, peut-être seulement à quelques mètres, sous ses pieds", témoigne à l'AFP Jean-Pierre Giansily.
Le père de Josette Morel, lui, avait l'habitude d'emmener sa fille très jeune sur le champ de bataille meusien, pour lui raconter l'histoire et rechercher la
trace d'un père qu'il n'a jamais connu.
"Lors de sa dernière permission, mon grand-père a vu ma grand-mère pour la dernière fois. Mon père est né peu après en 1914: il n'a jamais connu son père mais il n'a jamais cessé de le chercher. J'ai continué", raconte cette petite-fille de Poilu.
Jusqu'à cette découverte de 26 corps, jeudi dernier au cours de travaux d'entretien du site militaire de Douaumont.
Une découverte rare, puisque seulement une à trois dépouilles de soldats sont identifiées chaque année à Verdun.
"On a laissé mon oncle, 97 ans, sous terre, inconnu. Maintenant, on va le ramener chez nous" en Corse, confie Jean-Pierre Giansily.
Avec en prime un souvenir personnel retrouvé presque intact à côté de sa dépouille: une petite vierge Marie pas plus grosse qu'une phalange, curieusement taillée dans un morceau de cuivre, soigneusement incrustée dans une douille.
Parmi les objets trouvés parmi les ossements, une bague fabriquée à partir du métal ramassé sur les champs de bataille, de "l'artisanat de tranchée", quelques francs emprisonnés dans le cuir de portes-monnaies rendus fragiles par le temps et que l'on observe aujourd'hui par radioscopie, quatre montres à gousset, de nombreuses médailles religieuses, des culots de pipes, quelques flacons d'alcool de menthe
Ricqlès ou encore des clés à sardines.
"Tous ces objets ont été mis en sécurité, car leur valeur sur le marché noir a augmenté à l'approche du centenaire de la Première guerre mondiale. Il y a même du commerce d'ossements", remarque un gendarme.
I
l y a environ un an, l'entrée de l'ossuaire de Douaumont avait été fracturée, et des crânes de dépouilles de soldats volés.
Les os racontent une histoire: Dans une salle d'hôpital transformée en chapelle ardente, le médecin légiste Bruno Frémont achève d'examiner les derniers fémurs et vertèbres retrouvés.
"L'excellent état de conservation dans lequel les corps et les objets ont été retrouvés est dû à leur environnement: les corps étaient ensevelis dans de la glaise, ce qui a empêché leur altération par l'oxygène", souligne le médecin pour qui "les os racontent une histoire".
Les soldats se trouvaient dans la cave d'une ancienne ferme située à l'écart du champ de bataille, probablement aménagée en une morgue provisoire, qui s'est probablement effondrée sous l'explosion d'un obus.
"Certains os portent les traces d'une fracture due à un éclat, ce qui vient conforter cette thèse", explique Bruno Frémont.
"D'autre part, les soldats retrouvés étaient désarmés", remarque-t-il, ce qui vient confirmer l'hypothèse selon laquelle ces soldats étaient déjà morts avant l'explosion.
Parmi les 26 dépouilles, seules sept ont pu être formellement identifiées grâce à la découverte des plaques de fer portant les matricules.
Les 19 autres resteront des "soldats inconnus".