Antulugia : un nouvel ouvrage de référence sur les littératures corses

Le pavé est imposant. Près de 2.000 pages bien tassées qui recensent et éclairent plusieurs siècles de l'histoire littéraire de la Corse. De Giovanni Della Grossa à Jérôme Ferrari. Nous avons rencontré Ange-Toussaint Pietrera, l'un des auteurs de cette Antulugia. 

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"Una antulugia nova ? Era più chè ora". 
C'est par ces quelques mots que débute la préface qu'a consacré Ghjuvan Maria Arrighi à l'anthologie signée par Ange-Toussaint Pietrera, docteur en histoire, Petru Santu Menozzi, doctorant à l'Ecole des hautes études en sciences sociales, et de Julian Mattei, journaliste à Corse-Matin. 

Et pour cause. 
1973. C'est l'année où l'anthologie de la littérature corse de Mathieu Ceccaldi était publiée. Un ouvrage fondamental de la culture insulaire. Le problème, c'est qu'il date d'un demi-siècle. Une époque où l'île n'avait pas encore entamé son Riacquistu. Et où l'idée d'un auteur corse récompensée par le prix Goncourt était aussi crédible que celle d'un club insulaire arrivant en finale de la Coupe d'Europe...

Un ouvrage qui comble un manque d'un demi-siècle

En 47 ans, plusieurs ouvrages universitaires se sont penchés sur certains aspects de la question, avec plus ou moins de bonheur, mais aucune nouvelle anthologie n'était venue prendre la suite du livre de Mathieu Ceccaldi. 
C'est désormais chose faite avec Antulugia, a Corsica Literaria

Plus qu'une anthologie, l'ouvrage, fort de 1912 pages, est un véritable catalogue, presqu'exhaustif, de la production littéraire insulaire des sept derniers siècles. Dans ses multiples déclinaisons, en langue corse, française, mais pas seulement. Le tout, accompagné d'un appareil scientifique solide. 

Nous avons rencontré Ange-Toussaint Pietrera, l'un des trois auteurs qui signent Antulugia. 

ENTRETIEN

Combien de temps avez-vous consacré à l'ouvrage que vous publiez aujourd'hui ?
Plusieurs années. Il a fallu d'abord effectuer un travail de compilation, recenser les auteurs les plus importants. Ensuite a débuté le travail scientifique. Pour mettre en lumière les différents courants, dégager un fil conducteur, et illustrer son histoire. 
 
Comment l'aventure a-t-elle débuté ? 
Le projet avait été lancé sous l'égide de l'université de Corse, pour laquelle nous avons fait un gros travail de collectage, et de transcription de textes. En 2014, il a été suspendu, et deux ans plus tard, nous avons décidé, avec Petru Santu Menozzi et Julian Mattei, de le reprendre en repensant le projet initial. On y a joint un appareil scientifique et plus d'auteurs. 

Quels sont les critères retenus lors du travail de sélection ? 
C'était, avant tout, la qualité littéraire. Au-delà de toutes les autres considérations. Et puis on était animés par l'envie de mettre en valeur, autant qu'on le pouvait, des auteurs de talent qui étaient un peu tombés dans les oubliettes de l'histoire littéraire corse. 
Mais on a également porté, c'est vrai, un grand intérêt à l'importance de certains textes, au-delà de leur valeur littéraire. Certains des textes d'A Cispra [Revue fondatrice, créée à Marignana par deux instituteurs, et qui ne publiera qu'un seul numéro, en mars 1914, avant de disparaître - NDLR] que nous avons retenus ne sont d'un grand intérêt littéraire, mais ont une énorme importance culturelle.

Une diversité linguistique et patrimoniale

Y a-t-il une différence entre littérature corse et Corse littéraire ? 
Disons que nous avons voulu prendre en considération la dimension multilingue de la littérature corse. D'autres ont fait le choix avant nous de consacrer leur travail à une langue plutôt qu'une autre. Pour notre part, nous avons sélectionné des textes en corse, en français, en italien et en latin. Il y a par exemple beaucoup de textes en italien qu'on n'avait jamais trouvé dans une seule anthologie. En laisser de côté, ce serait se priver de notre diversité linguistique, et patrimoniale.  
Mais tous les auteurs sont nés ici, ou on vécu ici. On n'y croisera pas Mérimée, par exemple...

Tout l'appareil critique, en revanche, a été rédigé en Corse. 
On a eu de nombreux débats, pour ne pas dire des disputes (sourire), mais sur cette question on était d'accord. Il fallait que ce soit écrit en langue corse, symboliquement. On ne saurait pas le justifier, étonnamment, mais cela ne faisait aucun doute. 

Faire des choix, pour une anthologie, c'est décevoir. Surtout dans une société de proximité comme la nôtre. 
Dans le domaine culturel, plus généralement, c'est vrai, c'est un défi permanent. Mais on devait faire des choix. On a dû écarter certains noms, mais on espère faire le plus d'heureux possible. On n'a pas voulu faire un mausolée, mais proposer un outil de travail, qui n'est pas figé. 

De quand vous datez le premier texte de littérature en langue corse à proprement parler ? 
On a souvent considéré que c'était U serinatu di Scappinu, de Salvatore Viale, mais en fait ce n'est que le premier texte imprimé, et pas manuscrit. On s'est aperçus, mais on n'est pas les premiers, Marc Biancarelli l'a souvent dit aussi, que le premier texte en langue corse, on le doit au chroniqueur médiéval Giovanni Della Grossa. 

Une littérature imprégnée de burlesque

Qu'est-ce qui caractérise la littérature corse, selon vous ? 
Ce qui nous a frappé, c'est qu'elle est a très longtemps été imprégnée de la tradition burlesque. Il y avait un côté comique qui s'est répété de génération en génération. La Dionomachia de Viale, par exemple, qui compte l'opposition entre deux villages à cause d'un âne tué au bord de la route, a inspiré de nombreux écrivains postérieurs. Cela a duré jusqu'à la première partie du XXème siècle. On riait de choses graves, de la mort...Et puis le Riacquistu a favorisé une création plus doloriste, si l'on peut dire. 
Vous êtes la première anthologie à sortir après le Goncourt de Ferrari. Ca a été une date charnière, selon vous ? 
Oui, et il me semble qu'on commence à peine à le mesurer. Il a permis de parler de la Corse autrement, par le biais de la littérature. Avec beaucoup de recul, en développant une vision critique. Et puis il a ancré plus profondément la littérature corse au sein des maisons d'édition nationales. Regardez, en deux ans, le nombre d'auteurs corses qui ont été publiés par elles... Julien Battesti, Jean-Marc Graziani, Francesca Serra...
Il y a aussi un avant et un après Murtoriu, de Biancarelli, selon moi. Etre traduit, et publié, dans une maison d'édition comme Actes Sud, dans la collection littérature étrangère, cela restera comme une étape importante. 
 
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