En onze tomes, l'anti-héros Sisco, agent "spécial" sans pitié ni remords, s'est taillé une place à part dans le cœur des amateurs français et belges de bd. Il était amplement temps, alors que la série touchera à sa fin avec le 12ème tome, de rencontrer son créateur, Benec.
Son nom, Vincent Sisco-Castiglioni.
Sisco, pour ses collègues.
Le Corse pour Smiley, l'armurier de la Direction Générale des Services de la Protection du Président de la République.
Ses ennemis, eux, n'ont guère le temps de lui être présentés en bonne et due forme. La plupart du temps, c'est avec le canon de son Beretta qu'ils font connaissance.
En 11 tomes (le 12ème, et dernier, est en préparation) et 6 dyptiques, Benec, au clavier, et Thomas Legrain, au crayon, ont donné vie à un héros pas comme les autres. Le genre à dessouder la veuve et l'orphelin si le "Pacha", comme on surnomme le président de la République à la DGSPPR, en a décidé ainsi.
Mais la machine à tuer s'avère, au fil des pages, bien plus complexe qu'on ne l'imaginait.
"On ne voulait pas d'un héros, justement. On aimait l'idée d'un personnage central qui peut être détestable, mais qui va croiser tellement pire que lui que l'on s'y attache quand même !" s'amuse Benec dans l'entretien qu'il nous a accordé.
Entretien avec Benec
Est-ce que vous diriez que Sisco est une série immorale ?Pas immorale, mais en revanche on a essayé qu'elle ne soit jamais manichéenne. Rien n'est jamais tout blanc ou tout noir dans les histoires, comme chez les personnages. Sisco peut être cruel parfois, mais il n'est pas foncièrement méchant. Sa morale est élastique, c'est vrai. Mais la vie l'a amené à faire un certain nombre de choix. Il a réalisé plus jeune que pour ne pas être écrasé, dans le monde actuel, il faut être du côté du pouvoir. En ayant rejoint les barbouzes de l'Elysée, a priori il est du bon côté du manche. Mais toute la nuance réside dans ce "a priori".
Pourquoi avoir donné des origines corses à Sisco ?Il n'est pas question de clichés. Plus de l'image que l'on renvoit dans l'imaginaire collectif.
Je voulais donner au personnage avec un vrai caractère, il devait être têtu, sanguin. Sisco devait être une personnalité forte, pour résumer. J'avais envisagé plusieurs options, celle d'un Breton, par exemple. Mais c'est le Corse qui s'est imposé finalement. Il n'est pas question de clichés, mais de l'image que l'on renvoit dans l'imaginaire collectif. C'était les atouts que je voulais pour Sisco, et je savais qu'en en faisant un Corse, c'était gagné, auprès de mes lecteurs. Il faut pouvoir jouer avec les images, et j'avais très envie de ça.
Dans un premier temps, j'ai écumé les sites web, les articles de journaux, les noms des politiques insulaires... Je voulais un nom qui sonne corse, et qui colle à mon personnage. Et rien de ce que je trouvais ne me satisfaisait vraiment. J'étais un peu embêté, alors j'ai décidé de changer de tactique. Et j'ai parcouri une carte de l'île, en cherchant les noms des villages. J'y ai passé pas mal de temps, et puis j'ai trouvé Sisco, qui me plaisait beaucoup. Mais ça pouvait sonner un peu comme un surnom, alors je lui ai ajouté un autre nom de lieu, et Sisco-Castiglioni était né !
Vos intrigues semblent toujours trouver un écho dans l'Histoire récente du pays. C'est une vraie inspiration ?Pour trouver le nom de notre héros, j'ai parcouru une carte de la Corse.
C'est le cas depuis le début. J'avais été frappé par l'affaire Grossouvre [François de Grossouvre, proche du président Mitterrand, se suicide le 7 avril 1994 dans son bureau, à l'Elysée, suscitant de nombreuses interrogations - NDLR], et j'en ai fait le point de départ des premières aventures de Sisco, Ne tirez que sur ordres !. Il n'était pas question de faire un travail d'historien ou de journaliste, mais de faire tout simplement ce que l'on fait quand on écrit de la fiction. Créer une réalité différente.
Non, mais notre éditeur, Le Lombard, a aimé, et nous a demandé d'autres albums. Le douzième, sur lesquels nous sommes en train de travailler, sera l'ultime volet des aventures de Sisco. la formule qu'on avait adopté avait apparemment fonctionné, et on a continuer à travailler comme cela. Le deuxième dyptique parle de la fille cachée d'un président, un autre du Raimbow Warrior...
Pour autant n'est qu'un point de départ, on ne raconte pas l'Histoire, on en invente une autre. On n'a pas besoin de mettre un panneau au début de la BD, qui indiquerait : "Tout ceci n'est qu'une fiction". C'est vite évident à la lecture.
Mais ce sont des clins d'oeil qui enrichissent notre intrigue, et les lecteurs aiment beaucoup ça. Toutes ces histoires ont nourri tellement de fantasmes...
La Corse, régulièrement au centre de l'actualité, au-delà de l'île, aurait pu vous fournir le terreau d'un dyptique. Mais ça n'a pas été le cas, hormis un rapide passage sur l'île dans le tome 4.Quand on écrit de la fiction, on créé une réalité différente.
C'est vrai, mais je pense que là, en revanche, j'aurais couru le risque de tomber dans le cliché. Je pense que quand on écrit une histoire à un endroit particulier, il faut aller sur place. Et connaître vraiment la situation, pour ne pas multiplier les raccourcis. Et je n'ai jamais mis les pieds en Corse !
De surcroît on serait peut être sorti des enjeux liés à l'Elysée, qui sont le socle de notre série...
Vous êtes sérieux ? Bon sang ça m'avait échappé, ça ! Je vais me pencher sans tarder sur cette affaire !