En 2019 la violence, les tensions et les assassinats ont une fois de plus fait la une de l'actualité. En Corse, la parole citoyenne se libère contre la grande criminalité et la dérive mafieuse.
"C’est pire que la Sicile car nous n’avons pas l’économie de la Sicile et la population de la Sicile. Le peu d’économie que nous avons est complètement accaparé par des forces qui ont des chevaux de troie, qui sont des voyous", déclarait Leo Battesti, Porte-parole du collectif anti-mafia "A Maffia no / A vita iè" suite à l'assassinat de Maxime Susini.
Le 12 septembre dernier, ce militant nationaliste avait été tué dans son village de Cargèse. Immédiatement, la population s'indigne et se lève. Dès l’annonce de sa mort, Core in Fronte dont il était militant, avait publié un communiqué dénonçant "les groupes mafieux qui se permettent de tuer et de faire la loi".
Dénoncer ces actes
Deux collectifs sont créés à la suite de cet assassinat : le collectif Massimu Susini et le collectif anti-mafia "A Maffia no / A vita iè". Leur objectif, mettre un mot sur le mal et le combattre. Pour cela, des initiatives sont lancées, dès les premières réunions, l'ingérence des pouvoirs publics est pointée du doigt.
Le 25 septembre, le débat s'invite dans l'hémicycle, à l'Assemblée de corse. Par la suite, en novembre dernier, le collectif Massimu Susini adresse notamment une lettre à la collectivité de Corse et une à la préfète de région. Il y dénonce une inaction des institutions contre la mafia, notamment dans le secteur foncier, et s’inquiète d’"un glissement de la société vers un sombre avenir".
Lutter judiciairement
Les collectifs demandent concrètement des moyens de lutter judiciairement contre la Mafia. Ces propos sont par ailleurs appuyés par les experts :
Il y a un problème de formulation des chefs d’inculpation, la répression du crime organisé en France repose sur la bande organisée et ne permet pas de voir les relations avec l’extérieur. Que ce soit l’emprise sur un territoire ou un marché et/ou les rapports de collaboration soit avec d’autres bandes soit avec d’autres acteurs de la sphère économique et politique, explique Tommaso Giuriati, sociologue doctorant.
En réponse les représentants de l'Etat seule autorité compétente en matière de police et de justice, s'attardent sur la sémantique. "Je ne souhaite pas employer le mot mafia, je m’inscris sur les questions de sécurité", affirmait sur notre plateau Josiane Chevalier, Préfète de la région.
Les déclarations sur procès-verbal
Reste qu'une seule solution pour rendre justice selon Franck Rastoul, Procureur général de la cour d'appel de Bastia, les déclarations sur procès-verbal. Et c'est le choix qu'un homme a fait, Claude Chossat, jugé pour le meurtre de Richard Casanova en 2008 à Porto-Vecchio.
Son procès s'ouvre au mois d'octobre. Verdict, 8 ans de prison : pour la justice, Claude Chossat n'est pas celui qui a tiré sur Richard Casanova, le 23 avril 2008, sur le parking d'une concession automobile à Porto-Vecchio. Mais le "repenti" est reconnu complice de cet assassinat.
Une collaboration avec la justice est reconnue, en échange de ses déclarations, Claude Chossat a obtenu une protection policière, et une liberté surveillée, mais pas le statut de "collaborateur judiciaire", ou "repenti" espéré. Impossible donc pour lui de vivre autrement que sous sa véritable identité, lui qui se dit craindre pour sa sécurité et celle de son entourage.
Une décision que commente Fabrice Rizzoli, Docteur en sciences politiques, spécialiste de la grande criminalité : "A partir du moment où quelqu’un qui a fait partie d’un univers criminel décide d’arrêter, coopère avec la justice, il est important qu’il soit protégé et surtout qu’on envoie un signal qu’il est préférable de collaborer avec la justice plutôt que de rester un voyou".
Par le passé, la Corse a connu de nombreuses situations similaires. Le temps les désaccords et l'absence de résultat judiciaire ont toujours eu raison de ces prises de conscience. Reste à savoir si la problématique sera toujours sur le devant de la scène en 2020.