Cédric Villani est en Corse en cette fin de mois d’août. Entre conférence et repos dans l’île dont il tire ses racines du côté de Cargèse, le mathématicien et ancien député a accordé un entretien à France 3 Corse ViaStella.
France 3 Corse : Bonjour Cédric Villani vous êtes en autre ici, pour débattre de l’avenir climatique de Corse. On a connu jeudi dernier un événement dramatique pour la Corse, comment mieux s’adapter et prévoir ce genre de phénomènes extrêmes ?
Cédric Villani : Ici je viens avec la double casquette, de scientifique et d’homme politique toujours engagé toujours engagé dans Génération Ecologie. Et j’ai pu être aux premières loges, parce que j’étais à Calvi le jour de la tempête. Aux premières loges pour voir cet événement météorologique tout à fait inhabituel et spectaculaire. Je l’ai vu très concrètement, parce que pendant plusieurs jours je n’ai pas eu de réseau téléphonique, ni d’électricité. Cela nous rappelant à quel point nous sommes dépendants des conditions météorologiques. Et je voudrais aussi rappeler que ce qui touche la Corse me touche au plus haut point.
France 3 Corse : Comment peut-on faire accepter un changement de paradigme ?
Cédric Villani : Toute solution énergétique a ses inconvénients, tout. Ce qui est un plaidoyer fort, pour être dans une démarche de sobriété, ne pas produire plus que ce dont on a besoin.
On est sur mix énergétique, peut-être de moitié d’origine thermique en Corse. Et ça au XXIème siècle, quand on sait que l’utilisation d’énergies fossiles, est la cause numéro un du réchauffement climatique, c’est juste inacceptable. C’est quelque chose dans laquelle la société corse doit s’engager résolument, « comment aller vers une solution qui soit bas carbone » ? Et bas carbone, ça passera nécessairement par l’augmentation très forte de la partie renouvelable du mix énergétique. Il n’y a pas d’autre solution connue aujourd’hui par la science, que ce développement massif des ENR.
France 3 Corse : Pour vous en Corse, il va falloir qu’il y ait beaucoup d’éolien, beaucoup de panneaux solaires, comment faire accepter ça ?
Cédric Villani : Il est normal qu’il y ait de réactions de rejet, quand on voit par exemple une terre agricole convertie en usine photovoltaïque. C’est pour cela que les panneaux photovoltaïques doivent être posés en priorité sur des terrains déjà industriels, sur des friches, sur des territoires qui n’ont pas d’autres usages particuliers. Il y a beaucoup de tels emplacements à l’échelle du territoire national.
Ce qu’il faut voir aussi, c’est que la surface occupée par les panneaux solaires dans les projections, c’est infime comparé à la place des nouvelles constructions, par les nouvelles routes, par les nouvelles habitations, par les nouveaux bâtiments industriels etc, et donc il y a de la ressource, il y a de la réserve de foncier par rapport à cela.
Les trois principaux chantiers sur lesquels nous devons évoluer en tant que société pour décarboner, réduire les émissions de gaz à effet de serre et donc participer à préserver le climat, ce sont : l’alimentation, ça veut dire moins d’engrais, une alimentation plus végétale, il n’y a aucune autre solution connue par rapport à une pratique vertueuse de l’alimentation. Alimentation veut dire également réduire drastiquement l’utilisation de fongicides, de pesticides.
La mobilité, l’abandon des voitures thermiques, le développement des transports en commun, le développement des vélos, des toutes petites voitures.
Le troisième grand chantier c’est celui de l’habitat. L’habitat en artificialisant beaucoup moins, en isolant beaucoup mieux, en travaillant sur des réponses écologiques à l’habitat.
France 3 Corse : La Corse est sujette à une sécheresse particulièrement intense cette année. Comment gérer la ressource en eau en Corse ?
Cédric Villani : Là vous êtes sur un sujet majeur, qui est celui de l’adaptation aux évolutions climatiques. On peut faire tout ce qu’on veut, et il faut faire tout ce qu’on peut pour atténuer le réchauffement climatique, il n’empêche, le réchauffement climatique est en marche.
La situation que l’on connaît aujourd’hui, avec des canicules et des sécheresses, elle va globalement s’aggraver. On aura à la fois des sécheresses et des inondations, c’est paradoxal mais c’est très bien prédit par les modèles climatos et météos depuis trente ans. L’eau va devenir quelque chose de plus en plus précieux. Il y a des plans, il y a des solutions, il y a des experts. Il y a le plan Acqua Nostra pour ce qui est de la Corse. Maintenant n’est pas temps de faire l’analyse que de mettre les choses en œuvre, c’est une volonté politique à tous les étages.
Il faut préserver l’eau avec en tête la notion de durabilité, et la priorité pour les usages vitaux.
La Corse est le plus territoire de la France, aussi parce que c’est un territoire qui est plein de vie, et nous devons le préserver.