Ce jeudi 3 octobre, un mouvement de grève touche l’ensemble des ports et aéroports de Corse en réaction à la remise en cause, par l’État, de la création d’un syndicat mixte ouvert pour la gestion des ports et aéroports de l’île. Gilles Simeoni, président du conseil exécutif de Corse, répond aux questions de France 3 Corse ViaStella.
Ce jeudi 3 octobre, une grève des salariés de la chambre de commerce et d’industrie (CCI) de Corse paralyse l’ensemble des ports et aéroports de l’île.
Un mouvement spontané des syndicats de la CCI qui protestent contre la remise en cause, par l’État, de la création d’un syndicat mixte ouvert.
Gilles Simeoni, président du conseil exécutif de Corse, répond aux questions de France 3 Corse ViaStella :
Ce matin, on vous a vu énervé comme jamais en public, qu’est-ce qui a provoqué ce courroux à l’égard du représentant de l’État ?
C’est l’attitude du représentant de l’État présent à l’assemblée générale, aussi bien sur la forme que sur le fond. Ce que vos auditeurs et auditrices doivent comprendre, c’est que nous travaillons depuis 5 ans sur le principe du rattachement, que ce principe de rattachement n’a pas pu être mis en œuvre du fait de la carence de l’État, car il faut une loi, votée par le Parlement, pour organiser le rattachement.
On nous a expliqués en novembre 2023 qu’on n’aurait pas le temps de faire passer la loi. Nous nous sommes orientés, avec l’accord et sur suggestion de l’État, vers la solution d’un syndicat mixte ouvert (SMO) qui concéderait, à travers un mécanisme de régie ascendante la concession des ports et aéroports à la chambre de commerce et d’industrie (CCI). Ce système, nous l’avions validé ensemble.
Ce qu’est venu nous dire ce matin, sans que nous n’ayons jamais été prévenus par personne, sauf quelques minutes avant le début de l’assemblée générale de la CCI, le représentant de l’État, c’était que la parole de l’État était remise en cause et que désormais le système qui avait été validé, et qui est indispensable pour la Corse, était remis en cause par l’État. Ce n’est pas acceptable.
Ce soir, on a entendu le préfet de Corse dire qu’il n’était pas du tout opposé au système que vous avez mis en place. Il fallait simplement bétonner tout ça juridiquement. Est-ce de nature à faire baisser la tension ou à changer votre avis ?
La position de Monsieur le préfet n’est pas de nature à faire baisser la tension.
Je respecte beaucoup le préfet de Corse, en sa personne, et en ses fonctions, mais il faut bien comprendre quelque chose : le syndicat mixte ouvert n’a été créé que pour permettre la concession à la CCI de l’exploitation des ports et aéroports et plus directement encore, en accord avec l’État, pour qu’il n’y ait pas d’appels à concurrence, car il n’est pas acceptable, ni envisageable, ni pour la Collectivité de Corse, ni pour les Corses que les structures portuaires et aéroportuaires de l’île soient gérées par des grands groupes privés. Ce montage, nous l’avons fait dans ce sens.
Aujourd’hui ce que nous dit l’État, y compris à travers les explications du préfet, c’est qu’il est d’accord pour la moitié du chemin. Oui au SMO, mais pas de concession à la CCI. À travers cette position, c’est tout l’accord qui est remis en cause. Et l’État sait très bien que s’il maintient cette position, il n’y aura pas de transfert naturel au 1er janvier 2025.
Ça veut dire, on ouvre la porte aux grands groupes. Ce n’est pas acceptable. Ce qui est de nature, ce soir, à ramener les choses à une situation normale et à faire baisser la tension, une tension que nous regrettons, c’est au plus haut niveau du gouvernement un engagement public, clair, que ce qui a été acté avec la collectivité de Corse et avec la CCI, en présence des membres du gouvernement, sera respecté. C’est-à-dire, un SMO avec une régie ascendante et une concession pour la CCI.
Cette affaire pourrait avoir des conséquences sociales dévastatrices que dites-vous ce soir aux personnels en grève ? Ils peuvent être rassurés ?
Non, ils ne peuvent pas être rassurés et nous ne le sommes pas nous-mêmes. Il y a eu une réaction spontanée des personnels, de leur famille, des syndicats, et je ne peux que la comprendre en son principe.
Nous regrettons, et je pense qu’ils regrettent eux aussi, que nous soyons aujourd’hui dans une situation de blocage. Mais cette situation de blocage est le fait, exclusivement, de l’attitude inacceptable sur la forme, comme sur le fond, de l’État dans cette affaire.
Pour sortir par le haut, il faut impérativement, dès ce soir, un engagement public et ferme du gouvernement. Que les accords qui ont été pris, avec nous, seront respectés. Ce sont des accords qui sont publics.
Ce que je dis ce soir, je ne le dis pas seulement en ma qualité de président du conseil exécutif de Corse. Je le dis au nom et pour le compte de la CCI, de l’unanimité de la CCI qui a voté les statuts du SMO aujourd’hui, de celles et ceux qui étaient présents et qui ont entendus, comme moi, ce qui a été dit et qui n’est pas acceptable.
Ce conflit ce n’est pas aussi une manière de faire pression sur le nouveau gouvernement qui n’a pas l’air de s’intéresser de façon très précise à la situation en Corse ?
À l’évidence, le gouvernement n’a, pour l’instant, pas trouvé le temps de la situation en Corse. Sans doute, ce gouvernement essaie de faire, en tout cas certains secteurs de l’État, avec l’insistance de certains lobby, c’est de démanteler les infrastructures portuaires, aéroportuaires, le service public en Corse. Nous ne l’accepterons pas.
Vous êtes dans une logique de rapport de force. Jusqu’où comptez-vous aller ?
Je demande simplement le respect des engagements qui ont été pris. Si le gouvernement me dit, et nous dit, et dit aux Corses, ce soir, que l’engagement qui a été pris par les ministres successifs au nom de l’État est tenu, il n’y a plus de problème. Si cet engagement est remis en cause, chacun prendra ses responsabilités.
L'entretien réalisé par Jean-Vitus Albertini :