Le réalisateur Luigi Comencini est indissociable de l'âge d'or de la comédie à l'italienne des années 60. Jeudi 18 janvier à 20h45, ViaStella vous propose de voir ou revoir un de ses chefs d'œuvre : "La grande pagaille" ou "Tutti a casa" pour les puristes. Alors oui, c'est un film de 1960 en noir et blanc, il n'y a pas d'effets spéciaux, ni de stars hollywoodiennes au casting ! Mais oui, c'est un rendez-vous à ne pas manquer pour 3 raisons...
Avant de vous donner envie de regarder "La grande pagaille", quelques mots sur l'histoire de ce film. Septembre 1943, Mussolini est destitué et le Maréchal Badoglio signe dans la précipitation un Armistice avec les forces Alliès. Le pays est en pleine confusion. Le sous-lieutenant Innocenzi, interprété par Alberto Sordi, et son détachement trouvent leur caserne abandonnée. Ils constatent avec stupeur que les troupes allemandes les considèrent, à présent, comme des ennemis. Innocenzi cherche à préserver un semblant d'autorité, mais ses soldats lui faussent compagnie. À l'exception d'un seul, Ceccarelli (joué par Serge Reggiani). Déguisés en civils, les 2 hommes devront traverser des situations rocambolesques, et pourtant terriblement tragiques, pour rentrer chez eux.
Connaissez-vous l'histoire de l'Armistice de Cassibile ? "La grande pagaille" revient sur cet événement avec humour et réalisme !
Fin août 1943, sous l'impulsion du roi Victor-Emmanuel III, Mussolini est destitué et remplacé à la tête du gouvernement par le maréchal Badoglio. Après le débarquement en Sicile et en Calabre de septembre 1943, Badoglio propose aux Alliés un armistice. Signé secrètement le 3 septembre 1943 à Cassibile, un village proche de Syracuse en Sicile, cette capitulation met fin aux hostilités contre les forces britanniques et américaines. Rendu officiel le 8 septembre 1943, "l'Armistice de Cassibile" est un tournant de la Seconde Guerre mondiale et place l'Italie à la croisée des chemins, tiraillée entre l'Axe et les Alliés. En quête d'une identité nationale, l'unité du pays est sérieusement mise à l'épreuve. S'en suit alors une période de désorganisation : déroute des troupes italiennes livrées à leur propre sort, désillusion, les amis de la veille deviennent les ennemis du jour.
Pour Luigi Comencini, "le 8 septembre fut si dramatique dans sa substance, si comique dans les détails, si paradoxal dans ses développements, que cela arrive rarement à un pays" (propos extraits d’un entretien avec Lorenzo Codelli, publié en février 1974). "La grande pagaille" dépeint cette période douloureuse de l'histoire de l'Italie en y ajoutant une bonne dose de comédie. Pour exemple, la scène où le sous-lieutenant Innocenzi, qui vient d'être attaqué par les Allemands, téléphone à son commandement. Il apprend la signature de l'Armistice et demande les ordres à suivre... Rien n'est prévu, c'est la débâcle ! La situation est dramatique, mais la réaction d'Innocenzi est surprenante !
"Dans la grande pagaille", on passe du rire aux larmes, tout l'art de la comédie à l'italienne.
Dans les comédies à l'italienne, il y a les satires féroces et burlesques, dans lesquelles le personnage central cherche à s'extirper par tous les moyens de sa situation sociale, sans succès ! ("Le pigeon", "Divorces à l'italienne", "Affreux, sales et méchants"...). Et il y a les chroniques historiques qui mettent en scène un antihéros. Peu importe l'archétype narratif, on ne s'ennuie jamais ! Dans une même scène, on peut être indigné, effrayé, en colère, puis rire aux éclats. C'est ce procédé du passage systématique du comique au drame que Comencini utilise avec brio dans "La grande pagaille". Confrontés à des situations tragiques, mises en scène avec beaucoup de réalisme, les personnages cherchent à s'en sortir sans mesurer la portée de ce qu'ils leur arrivent. Ils adoptent alors des comportements comiques, proches du grotesque. Le but est ici d'utiliser l'humour pour nous faire réfléchir sur la société, voire sur les fondements de notre propre humanité. Comme dans cette scène où le sous-lieutenant Innocenzi se retrouve à parler seul alors que tous ses soldats l'ont abandonné. Viens ensuite le passage d'un train qui convoie des prisonniers vers la mort...
L'interprétation d'Alberto Sordi, un concentré d'humanisme
Comme Luigi Comencini, Alberto Sordi est une figure de la comédie à l'italienne. Le rôle principal du sous-lieutenant Innocenzi dans "La grande pagaille" lui sied donc à ravir. À la fois obséquieux face à ses supérieurs et détestables avec ses subalternes, Innocenzi n'a jamais pensé par lui-même. Confronté à la débâcle de son armée, son monde s'effondre et son individualité prend le pas. Cette petitesse de notre humanité provoque ici le rire mais aussi la stupeur. Il tente de garder son rôle de petit chef, mais très vite les situations qu'il vit, vont l'obliger à revoir ses propres idéaux. Au terme d'un parcours initiatique, il choisira d'agir. Il passera "d'une guerre subie à une guerre populaire", comme le souligne Comencini lui-même. À travers cette introspection, Comencini invite le public à réfléchir sur la nature de la guerre et sur l'impact qu'elle a sur l'individu et la société. À l'image de la réaction du père d'Innocenzi lorsque son fils lui annonce qu'il ne souhaite plus faire partie de l'armée Italienne..
Précurseur du genre en 1953 avec le film "Pain, amour et fantaisie", Luigi Comencini réalisera plus de 50 films dans sa carrière, mêlant souvent humour, dérision et une réflexion sur la réalité sociale de son pays. La critique a généralement salué "La grande pagaille" pour son approche humaniste et sa capacité à mélanger les genres. Ce film offre une réflexion universelle sur les ravages de la guerre et sur les petites histoires individuelles qui se jouent au cœur des grands événements historiques. C'est un film qui reste pertinent et touchant, même des décennies après sa sortie.
Si vous êtes convaincus, rendez-vous ce jeudi 18 janvier à 20h45 sur ViaStella.
Jeudi 25 janvier à 20h45, retrouvez un second film de Luigi Comencini, "Mon Dieu, comment suis-je tombée aussi bas ?"
Laura Antonelli, magnifique, illumine ce film réalisé en 1975, entre comédie et histoire de famille, pamphlet contre la société catholique puritaine italienne de l'époque.
Au moment où, tout juste sortie du couvent, la ravissante Eugenia de Maqueda épouse par amour le "plébéien" et riche Raimondo Corrao, elle reçoit de son père un télégramme qui lui apprend qu'elle n'est point sa fille et que son nouvel époux est en même temps son frère. Une séparation ne saurait être envisagée, dans cette Sicile de la fin du XIXème siècle, sans donner prise à d'abominables médisances. Le couple décide donc de vivre chastement le reste de son existence.
Mais les tentations se multiplient : au cours de son voyage de noces, Eugenia est activement courtisée par un Français, Henry de Sarcey, lequel s'enfuit en découvrant la virginité de sa proie...