Confinement : des règles, et des infractions, qui font débat...

Près d'un million d'amendes dressées depuis deux mois à travers la France. Le confinement va coûter cher. Nombre de contraventions sont justifiées, mais le flou qui règne sur la nature des infractions n'est pas sans poser des problèmes. Nous avons demandé son avis à maître Ivaldi, avocat à Bastia. 

"Il y a une semaine, un lycéen qui apportait des sacs de vivres à sa grand-mère a été arrêté, et verbalisé. Il avait coché la case "première nécessité" sur la dérogation...
Le jeune homme a écopé de 135 euros d'amende",
confie Laurent Ivaldi. 

Son cabinet a aidé le destinataire de la contravention à mener à bien la procédure de contestation.
"Ca se fait de manière très simple, sur le même principe qu'une contestation pour une infraction au code de la route"
 
 

Des infractions "abusives"

Le confinement a plongé le pays dans une situation inédite, et les règles édictées par le gouvernement pour inciter les gens à rester chez eux l'ont été dans la précipitation.
Il faut remplir une attestation de déplacement dérogatoire, qui propose une liste de raisons acceptables de quitter son domicile.
Mais les contours en sont pour le moins flous.

Résultat, on peut-être verbalisé parce qu'on a rempli son attestation au crayon à papier, parce qu'on a acheté des couches ou des serviettes hygiéniques, pas considérées par tel agent des forces de l'ordre comme un achat de première nécessité, ou parce qu'on s'est rendu sur son terrain pour nourrir ses chevaux...

Même si cette activité, depuis peu, est autorisée.
"Le gouvernement ne pouvait faire autrement, précise maître Ivaldi. On tombait sous le coup de la loi en nourrissant ses bêtes, mais on tombait aussi sous le coup de la loi en ne le faisant pas ! C'aurait été considéré comme un mauvais traitement envers l'animal, et c'est également un délit..."
 

C'est dire les incohérences qui peuvent naître de la situation. 
Souvent, en raison de ce flou, l'existence, ou non, d'une infraction est laissée à l'appréciation de l'officier qui procède au contrôle. 

"Tout cela est à l'opposé de nos règles de droit pénal, où l'infraction doit être clairement établie et clairement définie pour être punie par la loi. Il est absolument nécessaire qu'une personne puisse comprendre facilement pourquoi elle a commis une infraction."

L'infraction doit être clairement établie et clairement définie pour être punie par la loi - Laurent Ivaldi

Parfois, l'incompréhension et le manque de concertation semblent même ubuesques.
Ainsi, la pratique du vélo, bien qu'autorisée dans un rayon d'un kilomètre, a été plus d'une fois sanctionnée. 
Ce qui n'a pas manqué de mettre en colère un confrère de Laurent Ivaldi...
Dans un tweet, maître Eolas a clairement demandé au préfet des Hauts-de-Seine d'"arrêter d'inventer le droit sur les réseaux sociaux".
   

Ne jamais payer avant de contester

Selon maître Ivaldi, "bien sûr, il faut respecter les règles de confinement, et le meilleur moyen de le faire, c'est de rester chez soi. Mais pour les personnes qui sont victimes d'amendes abusives, il ne faut pas hésiter à contester". 

Vous avez 90 jours pour le faire, les délais ont été multipliés par deux en raison du confinement. 
Mais pour cela, il faut faire très attention à un détail qui a son importance. 

Comme il est indiqué sur la contravention, "le paiement de l'amende entraîne la reconnaissance de l'infraction (article 529 du code de procédure pénale)". 
En clair, si vous réglez le montant dû, vous ne pourrez plus contester. 
 


Pour qu'il y ait récidive, il faut qu'il y ait une infraction précédemment condamnée

Un autre problème de droit s'est fait jour dans les mesures prises par le gouvernement. 
Celui de la réitération...

Si vous êtes arrêté en infraction ou infraction supposée dans les quinze jours suivant votre première amende, vous devrez payer une amende forfaitaire de 200 euros.
 
"C'est inédit, ça. C'est le ministère de l'Intérieur qui fait les lois, désormais...", commente, ironique, Laurent Ivaldi. 

Lorsque vous êtes contrôlé, l'officier de police consulte un fichier ADOC, pour voir si votre nom apparaît parmi les personnes déjà verbalisées.
Si c'est le cas, vous êtes considéré comme récidiviste. 

Le problème, c'est que dans ce fichier n'apparaissent pas les éventuelles réclamations. 
De surcroît, vous pouvez très bien ne pas avoir contesté votre première amende, et le faire plus tard, en raison du délai de 90 jours...

Rien de concret ne venant prouver votre réclamation, l'officier de police ou le gendarme peut alors considérer que c'est une récidive, et vous verbaliser. 
"Ce n'est pas une récidive, martèle maître Ivaldi. Une récidive, c'est la réitération d'une infraction similaire ou proche d'une infraction précédemment et définitivement condamnée. Dans le cas qui nous intéresse, c'est exactement le contraire."
 

Ue nouvelle fois, selon maître Ivaldi, "c'est un cas d'infraction abusif". 
La seule solution, c'est de contester également cette nouvelle amende. 
Et, il le répète, "de ne pas payer", pour mettre toutes les chances de son côté. 
 
 
Pour lui comme pour de nombreux autres avocats très actifs sur les réseaux sociaux pour alerter l'opinion publique sur ces "dérives", une chose est sûre, "c'est une crise, une crise grave, mais rien ne légitime que l'on bouleverse tous nos principes de droit. Et c'est ce qui est en train de se passer."
 


 

 
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