Coronavirus : le confinement améliore la qualité de l’air en Corse

Depuis le début du confinement, l'association Qualitair Corse, en charge de la qualité de l’air sur la Corse, observe une chute de 60 % du dioxyde d’azote, produit par les véhicules et à l’origine de la pollution de l’air.

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Chaque jour à 12h, les équipes de ‘ Qualitair’ affichent une carte de la Corse sur la page d’accueil du site internet de l’association. Trois chiffres en couleur dans un carré sur fond blanc donnent l’indice de la qualité de l’air. En haut à gauche, une échelle à trois niveaux permet de l’évaluer : de très bon, c’est le niveau 1 ; à très mauvais, le niveau 10.
 
Hier, vendredi 10 avril, l’indice était de 5 à Ajaccio et en centre Corse, et de 6 à Bastia. Ce samedi, l'indice il est de 5 pour l'ensemble de l'île. Un résultat médiocre, reconnaît Qualitair. Mais il y a une explication selon Jean-Luc Savelli, son directeur : " Les calculs sont effectués sur la base de quatre polluants : trois relèvent de l’activité humaine, c'est-à-dire le trafic automobile et les émissions liées aux activités industrielles qui gênèrent le fameux dioxyde d’azote, le plus polluant et le plus nocif pour la santé - à l’origine notamment des problèmes respiratoires -. Et le 4ème est une pollution émise par les végétaux".

Le phénomène est bien connu des chercheurs. En effet, lorsque la température augmente, ce qui est le cas depuis le début de la semaine en Corse, la végétation contribue aux émissions d’ozone dans l’atmosphère. Les arbres émettent des COV - acronyme de "composés organiques volatils" - qui peuvent dégrader la qualité de l’air. C’est ce que révélait il y a trois ans une étude de l’université de Berlin, publiée dans la revue Environmental Science & Technology  

Et c’est typiquement ce que l’on observe en Corse, et qui explique l’actuel médiocre indice médiocre de qualité de l’air. À cela s’ajoute une autre source de polluants : des particules fines qui remontent du Sahara. Ces poussières de sable venues du désert entraînent des pics de pollution. Une pollution qui s’accompagne souvent d’un ciel voilé, un peu jaunâtre : c’est ce que l’on appelle " l’effet Sahara ". 
 


Vers une nouvelle politique de mobilité ?

Mais le chiffre qu’il faut scruter, c’est celui du dioxyde d’Azote. Et en Corse, depuis le début du confinement, il a chuté de 60% selon Qualitair. Du jamais vu !

Le trafic routier est responsable de plus de la moitié des émissions de dioxyde d’azote. Le chauffage des habitations lui, d’environ 20%. Avec le confinement instauré pour freiner la propagation du Covid-19, le trafic routier a fortement diminué, ce qui a eu un effet mécanique immédiat sur les émissions de dioxyde d’Azote et donc sur la pollution, note Jean-Luc Savelli de Qualitair Corse.

Cette baisse historique de la pollution doit servir d’exemple à une nouvelle politique de mobilité urbaine


Toutes les études épidémiologiques révèlent qu’une trop forte concentration de dioxyde d’Azote dans l’atmosphère provoque une diminution de la fonction pulmonaire, entraînant même parfois des lésions irréversibles. Le confinement aura donc permis de faire chuter ces seuils en Corse. Et peut-être aussi d’initier une réflexion sur le mode de transport à privilégier, une fois passée la crise sanitaire actuelle. C’est l’idée que défend Jean-Luc Savelli : "Cette baisse historique de la pollution doit servir d’exemple à une nouvelle politique de mobilité urbaine".
 


La voiture, un "objet social"

Vélo, train, co-voiturage, marche à pied, toute cette politique que l’on appelle les "transports doux",  fait l’objet d’une réflexion au plan national ainsi que dans la plupart des pays Européens. Mais se heurte en Corse a des écueils structurels - absence de pistes cyclables, transports en commun mal structurés dans certaines zones... - mais également structurels.  La voiture est en effet un véritable objet social, comme l’écrivait le sociologue Régis Debray.

Roland Barthes, philosophe et professeur au prestigieux " Collège de France " écrivait lui dans ses  "Mythologies" en 1957 qu'"au même titre que les cathédrales gothiques, l'automobile est une grande création d'époque, conçue passionnément par des artistes inconnus, consommée dans son image, sinon dans son usage, par un peuple entier". Avant de conclure : "la Déesse est d'abord un nouveau Nautilus.
 
En début de semaine prochaine, Qualitair Corse publiera d’autres chiffres, très attendus ceux-là aussi, car ils intégreront le comptage routier effectué par les préfectures en cette période de confinement. Certains véhicules sont en effet autorisés à circuler : c’est le cas des poids-lourds. Les chiffres fournis par les préfectures permettront ainsi à Qualitair de produire des données plus fines encore sur la qualité de l’air.
 


Respirez,  vous êtes chez vous !

Si le confinement est donc bénéfique pour la qualité de l’air extérieur, grâce, nous l’avons dit,  à la réduction du trafic routier ; cela n’est pas forcément le cas de l’air que nous respirons à l’intérieur de nos habitations. Il s'agit de la première fois dans l’histoire d’une société moderne et industrialisée que les humains passent autant de temps chez eux et depuis aussi longtemps. Cette présence humaine génère une forte pollution " intra-muros":  bricolage, peinture, ponçage, sciage du bois, mais aussi la cuisine, notamment la friture à haute température ou encore la poussière qui se dépose naturellement sur les meubles.

Il est donc impératif d’aérer son logement tous les jours, et même plusieurs fois par jour pendant quelques minutes, préconise Jean-Luc Savelli, directeur de Qualitair Corse. Plusieurs polluants chimiques sont ainsi présents dans l’air que nous respirons à la maison. S’y ajoutent les moisissures, à l’origine d’infections ; et les allergènes également émis par les insectes, les acariens ou encore les animaux domestiques, confinés eux aussi ! Un risque à ne pas prendre à la légère : en 2014, l’agence nationale de sécurité sanitaire évaluait à 20.000 décès par an provoqués par les polluants de l’air intérieur. 

Quand viendra le moment du déconfinement, que la vie reprendra, nous souviendrons-nous de ce que le virus nous aura appris ? Car pour vivre cet " après", il nous faut consentir aussi, à traverser le présent !
 
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