Dans un article publié par la revue scientifique Nature, des chercheurs britanniques se sont intéressés à ceux qui, depuis le début de la pandémie, n'ont jamais eu le Covid. Mircea Sofonea, épidémiologiste à Montpellier et chercheur en évolution des maladies infectieuses, a répondu aux questions de France 3 Occitanie.
Il y a un mois la revue scientifique Nature a publié une étude (en anglais) centrée sur les personnes qui n'ont jamais été infectées par le virus du SARS-CoV-2 depuis le début de la pandémie de Covid 19. Selon le gouvernement du Royaume-Uni, cela concerne 5 à 10% de la population. "Cela peut être des personnes infectées par le virus mais de façon indétectable par les analyses sanguines", précise Mircea Sofonea, "des personnes jamais infectées parce que très isolées et donc pas exposées au SARS -CoV-2, ou encore des personnes exposées mais qui n'ont jamais été infectées."
C'est parmi cette dernière catégorie, baptisée les "Novid", que les chercheurs ont étudié des volontaires jamais contaminés donc et jamais vaccinés.
L'étude porte sur 36 volontaires, pourquoi un si petit échantillon ?
Pour l'épidémiologiste et chercheur à l'Université de Montpellier, "c'est la démarche standard en science expérimentale. Les recherches se font à petite échelle, en général d'abord in vitro en laboratoire, puis sur des animaux et enfin sur un petit échantillon humain". Ce n'est qu'ensuite que les hypothèses sont validées (ou pas) avec des études à plus grande échelle, dites de "phase 1" puis de "phase 2", jusqu'à la dernière étape, l'autorisation de l'Agence nationale de sécurité du médicament (ANSM) pour une mise sur le marché.
Le patrimoine génétique des "Novid" dans la résistance au virus a-t-il été déterminant ?
L'étude a mis en évidence un gène appelé HLADQA2. Au cours des recherches, certaines personnes de l'échantillon testé, mises en présence du virus du Covid 19, n'ont déclaré aucune infection. Pour elles, le gène HLADQA2, très commun dans la population, s'est montré très actif et l'infection n'a pu se produire. "Il y a une expression plus importante de ce gène-là, pour ces personnes, et il freine immédiatement l'infection", explique Mircea Sofonea : "cela montre que certains patrimoines génétiques sont résistants au virus", sans intervention extérieure.
Les résultats sont-ils intéressants pour tout le monde ?
"Comme ce gène est très répandu, son étude pourrait permettre de trouver une réponse plus généraliste au SARS-CoV-2, c'est-à-dire un vaccin qui prémunirait contre tous les variants. Ou on pourrait stimuler l'activité de ce gène pour déclencher une réponse plus efficace au virus." Attention, prévient le chercheur, on ne connaît pas tous les mécanismes de l'immunité. Et il peut toujours y avoir des dégâts collatéraux quand on intervient sur un gène, on peut déclencher par exemple une maladie auto-immune.
Cela fournit des pistes en physiopathologie des maladies infectieuses, en vaccinologie. Pour l'instant c'est une fiction. Mais qui ouvre des pistes intéressantes pour la recherche en laboratoire.
Mircea Sofonea, épidémiologiste et chercheur en maladies infectieuses
Une telle étude est-elle possible en France ?
Pour Mircea Sofonea, cette étude britannique n'est pas réalisable en France. Pour des raisons éthiques. "Le risque de complication suite à l’inoculation du SARS-CoV-2 n'est jamais nul, même sur des personnes en bonne santé et peu à risques. Il est toujours possible de développer un Covid grave, de mal réagir. Inoculer un virus dangereux chez des personnes saines est toujours dangereux".
Selon les chercheurs britanniques, ses résultats permettront, à long terme, de développer des traitements de nouvelle génération contre le SARS-CoV-2 mais aussi pour d'autres pandémies futures.