Un sondage publié par la plateforme d’études et de sondage de l’agence d’interim QAPA révèle que les Français sont nombreux à souhaiter partir en vacances d’été mais que la Corse est loin d’être leur destination favorite
La Corse va-t-elle attirer les touristes cet été? La question est sur toutes les lèvres dans un territoire où l’industrie touristique pèse un poids énorme dans l’économie locale : 31% du PIB transport compris et plus de 50% en tenant compte des effets induits sur les autres secteurs d’activités.
Pour l’heure, le flou le plus total règne sur ce que sera la saison 2020 et les professionnels ne cachent pas leur inquiétude : personne ne sait si saison il y aura et si la fréquentation permettra aux mille et un métiers du tourisme de sauver les meubles.
La Corse moins populaire que la Bretagne et le Grand Est
Des craintes renforcées par un sondage publié hier par la plateforme d’études et d’analyses de l’agence d’intérim en ligne Qapa* qui révèle que seulement 4% des Français interrogés envisagent de venir passer leurs congés d’été en Corse. Un chiffre qui classe le territoire loin derrière la Bretagne (22%), l’Occitanie (16%) et même la région Grand Est (5%), pourtant très sévèrement touchée par l’épidémie de Covid 19.
Le sondage fait pourtant observer qu’après 55 jours de confinement, les Français ont la ferme intention de profiter de l’été pour prendre du repos : 82% des personnes interrogées assurent en effet préférer partir en vacances plutôt que de travailler pour compenser le manque à gagner généré par la crise sanitaire. La plupart d’entre eux (76%) comptent jouer la sécurité et tablent sur un tourisme hexagonal, tandis que quelques autres (6%) envisagent un séjour à l’étranger.
Les transports, principal point de blocage
Qu’est ce qui explique alors que la Corse soit boudée par les Français, d’ordinaire très nombreux à venir y passer l’été? « Ce n’est pas un problème d’attractivité, explique Stéphanie Delestre, présidente de Qapa. Les gens rêvent bien sûr de pouvoir aller en Corse mais ce qui ressort du sondage c’est qu’il y a trop d’incertitudes sur la destination. La question sanitaire n’est absolument pas évoquée ou très peu : les gens estiment que le gros de la crise est passé et qu’en respectant les gestes barrières, les obligations de port du masques, etc., il sera possible de partir en vacances. En Corse, le problème du transport est le principal point de blocage: « Va-ton pouvoir venir en Corse, comment, combien est-ce que ça va coûter? » est la principale question qui revient. Le manque de clarté sur les contraintes liées à la situation sanitaire dans l’île est aussi évoqué : « Est ce qu’il va y avoir une quarantaine? Est-ce qu’il va falloir se faire tester avant de partir? ».
Le Green Pass, un frein au tourisme?
Outre le transport, ce sont les contraintes politiques qui freinent les réservations, selon l'étude. "Les gens s’interrogent beaucoup et comme partir en Corse représente un budget important, ils sont nombreux à hésiter, de peur d’être bloqués au dernier moment et de ne pas réussir à se faire rembourser ». Pour la présidente de Qapa, le Green Pass voulu par la Collectivité de Corse pourrait également représenter un frein à la fréquentation touristique, car « les gens n’ont pas envie de se prendre la tête. Ils ont travaillé toute l’année pour pouvoir partir en vacances, ils n’ont pas forcément envie de se dire qu’il va falloir passer un test et risquer de rester coincés à la maison deux jours avant le départ, sans certitude de pouvoir décaler leur séjour ou de pouvoir être remboursés ».Ce sentiment d’incertitude des Français, les compagnies de transport en paient le prix fort, en termes de réservations. Pour Pierre Mattei, patron de la Corsica Ferries, cela ne fait pas l’ombre d’un doute, la destination Corse est boudée par les vacanciers à cause du manque d’informations. « Il faut de la clarté, juge l’armateur. On attend que quelqu’un, Premier ministre ou Comité scientifique dise de façon claire quand les gens pourront voyager en toute sécurité ».
Réservations en berne
Et, en attendant, les vacanciers préfèrent s’abstenir de réserver en Corse, alors que la fréquentation s’annonce record dans d’autres régions de France métropolitaine. De quoi faire frémir les professionnels du secteur, déjà privés de façon quasi certaine de leur clientèle étrangère.
« Concrètement, nous sommes prêts, il n’y a pas d’incertitude de cet côté là, et le Premier Ministre a déjà dit aux Français qu’ils pourraient voyager cet été, assure Pierre Mattei. Il est aujourd’hui tout à fait possible de réserver une traversée sur notre compagnie. Mais les gens ne le font pas, c’est donc bien qu’il y a un problème ». Quarantaine ou pas? Green Pass ou pas? Possibilité de voyager dans la zone ou pas? Autant d’éléments qui obscurcissent le tableau et qui retardent la planification de la saison en Corse, selon les acteurs interrogés.
"4%, c'est plutôt encourageant"
« Nous avons beaucoup de questions et pas tellement de réponses, se désole elle-aussi Karina Goffi, de l’Union des métiers et industries de l’hôtellerie, section Haute-Corse. Il devient très urgent de savoir si les gens vont pouvoir prendre le bateau ou l’avion, dans quelles conditions, à partir de quelle date et si les voyages organisés en autocar vont pouvoir être maintenus, puisqu’ils représentent un pourcentage conséquent de la fréquentation notamment pour septembre-octobre. »
Pour la représente du syndicat des professionnels de l’hôtellerie restauration, il est nécessaire que les autorités prennent position très rapidement : « Les gens ne nous appellent pas pour savoir quelles sont les directives sanitaires en Corse. Ils veulent savoir s’ils vont avoir des activités sur place : s’ils pourront aller à la plage normalement, à la montagne, au restaurant, au bar ».
Karina Goffi tempère toutefois : « L’étude de Qapa est un peu floue sur les personnes interrogées mais 4% c’est plutôt encourageant. En 2018 (année de fréquentation record, ndlr), la Corse représentait 2,33% du tourisme français, soit 7,4 millions de nuitées dans l’île ».
*Méthodologie : Sondage réalisé le 20 et 24 mai 2020 auprès de 4,5 millions de candidats et 135 000 recruteurs sur la plateforme QAPA. Parmi ces personnes interrogées, 52% d’entre eux sont des non-cadres et 48% sont des cadres. Toutes les informations mises en avant par les candidats sont déclaratives.