Une épave du XVIe siècle, située au large des Sanguinaires à Ajaccio, passionne des archéologues depuis trois ans. Sa particularité : elle n'a pas été fabriquée en méditerranée. Ce navire aurait transporté des matériaux pour construire les tours génoises.
Une équipe de scientifiques et d’archéologues met le cap sur l’histoire. Ils s’intéressent à une épave très particulière. Ce jour-là, direction les îles Sanguinaires, malgré les forts courants, une palanquée se prépare.
À 19 mètres de fond, se trouvent les vestiges d’un bateau de la fin du XVIe siècle. Ses deux encres sont encore visibles et il a une particularité : il n’a pas été construit en Méditerranée, mais certainement au Pays Basque. « On sait par les sources écrites qu’à partir du XIIIe siècle en Méditerranée, on a des navires ibériques basques qui viennent naviguer en Méditerranée et qui sont sollicités notamment par des marchands génois.
Mais c’est surtout une épave de tradition atlantique en Méditerranée, ça, c’est très rare. Parce que sur le littoral français, méditerranéen on en compte une […] et aujourd’hui, probablement, une deuxième en Corse. Sinon c’est sur le littoral espagnol. Donc elles se comptent sur les doigts d’une main seulement ces épaves atlantiques en Méditerranée », explique Marine Sadania, codirection scientifique de la fouille – DRASSM.
Ciment
Des commerçants génois, leur provenance est attestée par la céramique pisane. Cette année encore, les archéologues en ont prélevé quelques fragments. Lors des précédentes fouilles, ils en avaient découvert en abondance et d’une grande finesse. « On retrouve le même type de céramique que les années précédentes, à savoir qu’il s’agit de céramique sgraffito azteca. Ce type de céramique se rencontre sur les sites terrestres en Corse de la même époque. On en a trouvé à Bonifacio, on en a trouvé à Île Rousse. C’est vraiment la céramique du XVIe siècle », indique Hervé Alfonsi, responsable scientifique de la fouille - ARASM/FFESSM.
Les archéologues ont surtout découvert une importante cargaison de pierres. Leur hypothèse : elles étaient destinées à fabriquer une sorte de ciment. À la fin du XVIe siècle, les tours génoises à proximité étaient justement en construction. « Pourquoi aller chercher ça si loin ? C’est une roche que l’on trouve sur les côtes italiennes, dans la région de Gênes. Tout simplement parce qu’en Corse, il y a très peu de roches sédimentaires et pour faire du ciment, il faut des roches sédimentaires. Donc on en ramenait d’Italie à l’époque, on la broyait, on la calcinait et ça permettait de faire des ciments de chaux », précise François Gendron, archéologue.
Tissus
Une telle cargaison explique enfin la spécificité atlantique du navire. « Ça devait faire, à peu près, une longueur entre 18 et 20 mètres. Mais pour l’instant, on est encore dans le champ des hypothèses. C’était certainement un bateau de charge, construit avec des pièces très épaisses », note Andrea Poretto, archéologue.
Les plongeurs sont parvenus à prélever un échantillon de tissus. Il servait à étanchéifier la coque. Son analyse permettra d’en apprendre bien davantage sur le bateau. Le bois du navire sera lui aussi étudié. « Le but, c’est dans un premier temps de dater l’année d’abattage des arbres dans lesquelles les pièces architecturales ont été délignées. Et dans un deuxième temps, éventuellement, essayer de préciser la provenance géographique des arbres qui ont été utilisés », insiste Frédéric Guibal, dendrochronologue.
Cette année, la fouille a largement été financée par la collectivité territoriale. Avec un tel intérêt scientifique, les archéologues espèrent qu’elle sera reconduite l’an prochain.