Amnistie et rapprochement des "prisonniers politiques" corses : où en est-on ?

Reportage : Emilie Arraudeau Guillaume Leonetti

De très nombreuses associations en faveur de ceux qu'on appelle les prisonniers politiques appellent à la mobilisation samedi à Ajaccio.

Andrée Martini fait partie de Sulidarità depuis les débuts de l'association. Son combat en faveur des détenus dits politiques, elle le mène en tant que militante et en tant que mère. Depuis deux ans, Andrée vit au rythme des parloirs - deux par semaine, trois semaines par mois - accordés à son fils. Cédric Courbey est mis en examen pour l'assassinat de Christian Leoni et soupçonné d'appartenir au FLNC. Il est incarcéré en région parisienne.

Pour sa mère, les conséquences sont lourdes : « Il y a déjà l’avion, 250€, c’est pas un cadeau. Si l’association ne vient pas nous chercher à Orly, nous sommes obligés de prendre un bus Orly-Roissy, un car et un autre bus. C’est fatiguant, c’est long, c’est très cher. C’est quasiment insupportable. »

22 "prisonniers politiques"

On recense aujourd'hui 22 de ces prisonniers dits "politiques".  Une dizaine sont, comme Cédric Courbey en détention provisoire, dans des affaires de la section anti-terroriste du parquet de Paris. Tant que l'instruction n'est pas close, la loi impose une détention dans le ressort du juge et donc en région parisienne. Les familles demandent leur regroupement dans le même établissement. Comme un premier pas.

"On a tout intérêt à ce que nos prisonniers politiques soient tous ensemble pour que les familles puissent s’entraider. Il faut qu’il soit à Borgo. C’est la loi. Que l’Etat français applique la loi", insiste Andrée Martini.

Le rapprochement des Corses dans les prisons insulaires est un engagement pris par le gouvernement en 2004. Un centre de détention de 48 places a été aménagé à Borgo. Il abrite aujourd'hui six prisonniers dits politiques ayant bénéficié, après leur condamnation, de mesures de rapprochement.

Rapprochement

Patrick Tesi n'a pas eu cette chance. Détenu quatre ans à la prison de la Santé à Paris, il sait le poids de l'éloignement : « Mes parents sont âgés. Ils ont plus de 80 ans et ils ne pouvaient pas monter tous les mois. Donc je ne les voyais qu’une fois tous les deux ou trois mois. Si j’avais été sur Borgo c’est sûr que ça aurait été plus facile pour eux de monter. »

Entre les prévenus, détenus à Paris et les condamnés susceptibles d'être rapprochés, il existe une troisième voie : l'assignation à résidence hors de l'île. Félix Benedetti est l'un des deux nationalistes contraints d'attendre son procès loin de chez lui. Après 30 mois de provisoire à la maison d’arrêt de Fresnes (région parisienne) pour détention d'armes, il a été libéré il y a un an. Sauf permission, il est interdit de Corse, mais pas seulement.

« Je suis dans l’attente d’un procès. On m’a pris aussi mes papiers d’identité. On me les a confisqués. En terme de recherche d’emploi sur Paris c’est impossible. Moi je pense que ce n’est pas de la justice, c’est de la vengeance politique par rapport à une situation politique. C’est un traitement d’exception pour une justice d’exception réservée aux nationalistes corses », affirme-t-il.

Assignation à résidence hors de France et DTS

Ce sentiment anime aussi le collectif qui accompagne le commando Erignac. Depuis leur arrestation, Alain Ferrandi et Pierre Alessandri ont le statut de DPS. Être Détenus Particulièrement Signalés les prive d'un rapprochement à Borgo. Or, le Ministère de la Justice refuse de les radier du répertoire. Les raisons avancées par le Ministère de la Justice sont le risque d'évasion, et la dimension médiatique de l'affaire en Corse où les deux détenus condamnés pour l'assassinat du préfet Erignac sont considérés comme des prisonniers  politiques.

« On a bien compris qu’il y avait une vengeance d’Etat qui ne disait pas son nom mais qui véritablement fait son œuvre », estime  Thierry Casanova, du collectif l'ora di u ritornu.

La réponse du gouvernement

Face à des revendications anciennes, le gouvernement fait preuve de constance, réfutant l’idée d’exception Corse. Le gouvernement s'illustre jusque-là par sa fermeté.  En visite dans l'île en juillet, Manuel Valls a donné le ton : « Ni prisonniers politiques, ni amnistie, ni oubli d’un crime grave commis contre la République », rappelait le Premier ministre.

Et sur les détenus préventifs (pas encore condamné), il déclarait : "seule l'autorité judiciaire peut décider du lieu de détention. Ce lieu, c'est la loi qui le désigne, il doit être le plus proche du juge qui instruit le dossier". Mais en cas de condamnation, "la procédure de rapprochement sera ordonnée en fonction des places disponibles." 

Détention en fonction des places

Le rapprochement et l'amnistie font pourtant consensus depuis longtemps au sein de la classe politique insulaire. En mai 2015, l'Assemblée de Corse alors à gauche, s'est prononcé à une très large majorité pour l'amnistie des nationalistes. Le nouvel exécutif nationaliste n’a eu de cesse de se faire entendre de Paris. Depuis de nombreuses communes en ont fait autant. 

Un élan politique que les organisateurs de la manifestation espèrent traduire en mobilisation populaire dans la rue ce samedi à Ajaccio.
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