Souvent au cœur de l’actualité ces dernières années, l’île de Cavallo devrait voir son port de plaisance directement administré par la puissance publique dans deux ans. En 2026, la mairie de Bonifacio devrait récupérer la gestion de la structure portuaire, unique porte d’entrée sur ce petit bout de Corse surnommé l’île aux milliardaires.
Dans deux ans, le port de l'île de Cavallo sera directement géré par la municipalité de Bonifacio.
Jean-Charles Orsucci, le maire de la commune de l’Extrême-Sud sur laquelle se situe ce coin de paradis, l’a récemment confirmé. Une annonce qui laisse apparaître un symbole politique assez fort concernant cet outil central, unique porte d’entrée sur ce bout de terre surnommé "l’île aux milliardaires" : à Cavallo, cela fait 30 ans que la gestion du port de plaisance est confiée à une société. En 2026, son administration devrait donc revenir dans le giron public.
Le reportage de Marc-Antoine Renucci et Jacques Paul Stefani :
Signée en 1993, la convention de gestion entre la commune de Bonifacio et la Société du port de Cavallo arrive à expiration en 2026. À cette date, les 231 anneaux devraient donc être directement gérés par la mairie.
Pour la municipalité, l’objectif premier est de faciliter l’accès à l’île pour le plus grand nombre, contrairement à ce qui se pratiquait jusqu’ici sur ce petit bout de terre dont la gestion a plusieurs fois défrayé la chronique par le passé.
"Nous allons faire en sorte que ça fonctionne comme n’importe quel bout du territoire corse et national, explique à notre micro le maire, Jean-Charles Orsucci. C'est-à-dire que les gens puissent accéder aux plages, que l’on puisse aller dans un port trouver un abri. C’est notre objectif. Assurer la quiétude des gens qui ont des maisons à Cavallo peut être une ambition, mais assurer un fonctionnement normal d’un bout de la terre corse est aussi tout à fait normal et encore plus important."
Plus aucune construction
À Cavallo, la commune de Bonifacio a un autre objectif, lié au vote du plan local d’urbanisme (PLU) de Bonifacio qui devrait être effectif dans les mois à venir : dans ce nouveau texte, plus aucune construction nouvelle ne serait autorisée à Cavallo. Une manière de rappeler que cette problématique de la gestion du port s’inscrit dans la volonté plus large de la puissance publique de reprendre la main sur l’ile.
Un leitmotiv également exprimé le 27 octobre dernier dans l’hémicycle de l’Assemblée de Corse par Gilles Simeoni. Le président de l’exécutif avait indiqué son intention de préempter deux nouvelles parcelles à Cavallo (de 2150m2 et de 1600 m2). La Collectivité de Corse en avait déjà fait de même en 2018 lorsqu’elle avait fait valoir son droit de préemption sur une parcelle où se trouve notamment un restaurant. L’établissement est exploité par une société dont le promoteur Anthony Perrino, mis en examen dans le volet financier d’une enquête portant sur la bande criminelle du petit bar, est actionnaire.
Finalement, début 2019, la Région avait acheté ce vaste terrain de 3,3 hectares pour deux millions d’euros. Un dossier qui s’était de nouveau invité dans les débats il y a deux semaines sur les bancs de l’Assemblée de Corse. Marie-Anne Pieri, pour le groupe de droite Un Soffiu Novu, s’était adressée à la majorité territoriale :
"À l’époque, on n’avait pas su, cela avait été très médiatisé. Ça y est, on reprend Cavallo, mettemu a bandera. C’étaient vos dogmes habituels. Je voudrais savoir aujourd’hui, car c’est quand même l’argent du contribuable corse, qu’est-ce qu’on fait de Cavallo et de cette acquisition sur Cavallo ?"
Gilles Simeoni avait répondu à l’élue de droite en précisant que "la loi laisse encore 5 ans à la Collectivité de Corse, pour parfaire un projet d’aménagement sur cette parcelle".
Et de développer : "Mon objectif est de faire de Cavallo une île partie prenante de l’ensemble du territoire de la Corse sur laquelle on accède librement et sur laquelle notamment on fait aller des classes dans le cadre de projets pédagogiques pour que l’on voie d’un côté ce que cela a été pendant 30 ans, quand il n’y a pas de règles, et de l’autre, ce que c’est quand il y a des règles qui placent au cœur l’intérêt général, la biodiversité, la protection de l’environnement. Ça nous a coûté cher : 2 millions d’euros. Mais je pense que ce que l’on peut en retirer en termes politiques, économiques, symboliques et sociétaux, cela valait la mise de départ."
10 millions d'euros de travaux
Au-delà des obstacles juridiques, les limites des collectivités publiques sont surtout financières.
Concernant le port de Cavallo, la commune de Bonifacio a déjà estimé les travaux de réhabilitation à 10 millions d’euros. Cependant, la location des anneaux pourrait permettre d’absorber ces investissements.
Du côté de la Collectivité de Corse - qui tente de trouver des ressources afin de compenser les sommes déboursées pour ces acquisitions de terrains -, l’idée serait de mettre en place une fiscalité plus importante sur ces opérations considérées comme spéculatives. Mais, là aussi, son obtention se fera au prix d’une bataille politique.
Avec cette annonce du maire de Bonifacio, la volonté des pouvoirs publics semble clairement affichée concernant Cavallo. Même si le retour au droit commun sur ce petit bout de Corse devrait prendre encore beaucoup de temps...