La Collectivité de Corse devient propriétaire d'une parcelle de 3,3 ha, sur l'île de Cavallo. Le projet destiné à ce terrain n'a pas été dévoilé mais le "micro-hôtel" de luxe d'Antony Perrino, porté par un multi-millionnaire d'origine cortenaise, ne verra pas le jour. Enquête de France 3 Corse.
C'est acté. Le chèque a été fait. Deux millions d'euros ont été payés par la Collectivité de Corse à une SCI italienne située à Bonifacio, Cavallo.On ne sait pas quel est le projet public pour cette préemption inédite d'un terrain de 3,3 hectares. En revanche, le projet d'Antony Perrino, candidat recalé à l'achat de la parcelle, est bien tombé à l'eau. Il était prévu d'y construire un "micro-hôtel" de luxe porté par un multi-millionnaire d'origine cortenaise, J.P. Valentini.
Enquête
C'était, avant, la propriété d'une société civile immobilière d'italiens comme il y en a des dizaines sur l'île. Ces 3,3 hectares appartiennent désormais à la Collectivité de Corse. 272 : c'est le numéro de la première parcelle publique de l'ile de Cavallo.Au sud, la parcelle se prolonge de rochers en lentisques. Et puis, au milieu, ce qui était indiqué dans l'acte notarié comme "environ 478 m² de vieilles bergeries" est en fait un restaurant.
Agrandi, rénové cet été sans permis de construire, aujourd'hui encore à l'instruction. Voilà donc la CDC proriétaire d'un restaurant, au moins les murs. Le fonds de commerce appartient, depuis 2017, à une société où sont associés majoritaires Stéphanie Fileppeddu et Antony Perrino, candidat acheteur de la parcelle avant la préemption. Une association public-privé pas vraiment préparée .
"Je ne sais pas quel est l'accord entre la région et Monsieur Perrino. Pour nous, c'est intéressant de continuer avec un retsaurzant car c'est au service de l'île mais on ne sait pas pour l'instant quel est le projet" explique Giuseppe Scibetta, représentant des co-propriétaires, Association Syndicale Ile de Cavallo (ASIC).
Le flou est encore de mise sur le projet de la collectivité. À deux millions, d'euros ça ressemble à une bonne affaire. En tout cas, c'est comme ça que l'avait négocié le promoteur qui la croyait, alors, pour lui. Dans ses bureaux parisiens, Antony Perrino nous explique comment il a obtenu de la SCI des italiens un prix si nettement inférieur au marché.
Travail anéanti et figure de beau joueur, mais son projet, à lui, quel était-il ? S'il a été mis en avant dès cet été dans cette affaire, c'est à cause de la PAFF, une SCI créée en juin 2018.Ce n'est pas une question d'argent, ils me l'ont vendu car ils adhéraient à mon projet. Ils adhéraient au principe qu'on retrouve un lieu festif sur cette île. C'était pour eux une sorte de succession. L'arrivée de la CDC anéanti un peu mon travail mais ca va dans le bon sens du développement.
PAFF pour Perrino Anthony Frédéric Fatien, deux noms mais un actionnaire ultra majoritaire Jean Pierre Valentini : 99% des parts. Cinquante-cinq ans, né à Corte, classé en 2016 parmi les 300 plus grosses fortunes de Suisse, depuis domicilié à Dubaï, le spot de l'optimisation fiscale. "Je me réjouis qu'il y ait des insulaires d el'extrieur qui soit attentif sur ce qui s epasse sur notre île. Ce n'était pas une opération "one shot" pour faire de la plus-value mais une opération pour du développement à moyen terme et à long terme dans de l'hôtellerie haut-de-gamme", ajoute Antony Perrino.
Super haut de gamme même ! En tous cas, dans ses investissements immobiliers. Voici - ci-dessous - une des maisons de Jean-Pierre Valentini, 20 millions de francs suisses au bord du lac de Genève, repérée par « l'hebdo » comme "une des plus impressionnante parmi les demeures des traders pétroliers ".
Car Jean-Pierre Valentini jusqu'en 2016 était directeur général Afrique de la multinationale pétrolière Trafigura, impliquée en Côte d'Ivoire dans l'immense scandale du trafic de déchets en Probo Koala en 2006. Trafigura a toujours nié sa responsabilité.
À la mairie de Bonifacio, comme à la collectivité d'ailleurs, la puissance financière de cet investisseur ne semble pas connue. Et l'adjoint à l'urbanisme ne comprend pas l'attrait pour cette fameuse parcelle.
"Je ne pense pas que sur ces 3 hectares là on puisse imaginer une constructibilité énorme. Alors que sur Marina di Cavallo on avait un endroit qui est urbanisé" souligne Patrick Tafani, 1er adjoint au maire de Bonifacio.
Marina di Cavallo, c'est la parcelle explosée par le resistenza en 1992, achetée 5 millions d'euro par Anthony Perrino en attente de réhabilitation. C'est aussi le nom d'une de ses sociétés qui en a acheté une douzaine d'autres dans l'île. Une seule a été réhabilitée, mise en vente à 13,5 millions d'euros.
Un portefeuille de projets qui s'étend aussi sur le reste de la commune de Bonifacio où plusieurs de ses entreprises sont actives depuis une dizaine d'années.
De quoi absorber, sans doute, la préemption publique sur une de ses dernières affaires.