Selon l'INSEE, la population de la Corse pourrait être plus nombreuse et plus âgée en 2070

Selon une projection de l'INSEE, plus d’un tiers de la population corse pourrait être âgée de 65 ans et plus en 2070. L'île pourrait compter jusqu'à 371 000 habitants.

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En 2070, la Corse pourrait compter 371 000 habitants et 134 600 personnes âgées d’au moins 65 ans. Soit plus de 56.000 seniors qu’en 2018 où la population globale de l’île était de 338 550 habitants. C’est la projection réalisée par l’Institut national de la statistique des études économiques.

Cette étude sur l’évolution de la population "n’est pas une prévision", précise l’INSEE qui explique :

"Elle repose sur des hypothèses d’évolution de trois composantes : la fécondité, la mortalité et les migrations (flux internes à la France et solde migratoire avec l’étranger). Ces évolutions, semblables quel que soit le territoire, sont appliquées aux comportements observés sur la zone d’intérêt. Le point de départ des projections est la population 2018 issue du recensement de la population."

 

Selon cette projection, dans 50 ans, l’âge moyen de la population insulaire passerait de 44 ans à 52 ans. La Corse et ses 36% de seniors serait alors la région qui en abriterait le plus en France devant la Nouvelle-Aquitaine (34%) et la Bretagne (33%).

"La population vieillirait sensiblement sur tous les territoires du pays, souligne l'INSEE. Cette proportion augmenterait bien plus en Corse (+ 13 points) qu’en moyenne nationale (+ 9 points). Ainsi, l’île sera rapidement confrontée à la nécessité de prendre en charge un nombre croissant de personnes âgées, notamment sur les problématiques de dépendance et de santé." 

Statisticien à l’INSEE de Corse, Antonin Bretel a piloté cette étude rédigée par Isabelle Tourtin-Battini. Tout en expliquant la méthode adoptée, il analyse les données et évoque les éventuelles conséquences que ce vieillissement de la population pourrait engendrer dans l'île.

"Le message principal que l’on a mis en avant, c’est le vieillissement de la population"

France 3 Corse : Selon l’étude que vous avez réalisée, la Corse compterait 371 000 habitants en 2070. Les personnes de plus de 65 ans représenteraient alors 36% de la population insulaire contre 23% en 2018. C’est le résultat de votre projection. Comment l’avez-vous réalisée ?

Antonin Bretel : Nous nous sommes basés sur une tendance mesurée pendant les années antérieures à 2018. On poursuit notre droite et on rajoute plusieurs hypothèses : migration avec l'étranger, naissances, indice de fécondité des femmes, espérance de vie. C’est par ce biais-là que l’on projette la population. Cela ne prend pas du tout en compte des possibles bouleversements économiques, climatiques ou sanitaires comme on l’a vécu ces dernières années. 

Quel est le principal enseignement que vous tirez de cette projection ?

Le message principal que l’on a mis en avant, c’est le vieillissement de la population. Dans l’île, on a un solde naturel (différence entre les naissances et les décès, ndlr) qui est négatif car il y a  plus de décès que de naissances. Ce solde est compensé par des arrivées extérieures, ce qui fait qu'on a une population qui continue à croître. Cependant, si on continue sur la tendance mesurée ces dernières années, le déficit naturel sera tellement important, qu’à un moment donné, la population va même baisser puisqu'il y aura beaucoup plus de décès que de naissances et d'arrivées extérieures.

Cela aura donc une conséquence sur la pyramide des âges : on aura une population en âge d'avoir des enfants qui va baisser au fur et à mesure des années, et une population âgée qui va augmenter. En 2018, on était sur 1,1 senior (une personne de plus de 65 ans) pour un jeune de moins de 20 ans. On sera à 2,4 à l'horizon 2060. 

Il ressort également que la croissance de la population est surtout due aux migrations résidentielles et non au solde naturel. Depuis quand est-ce le cas ?

Depuis 2013, date à laquelle le solde naturel est passé négatif, cette croissance ne se fait que par des arrivées de l’extérieur. C'est justement un des points importants de cette étude : sans ces arrivées de l'extérieur, la population corse vieillirait beaucoup plus vite. En effet, globalement, les deux tiers des arrivées extérieures se font sur des âges actifs, entre 20 et 60 ans. Au niveau national, on mesure un peu le même vieillissement pour presque toutes les régions de France. Cependant, ici en Corse, on le voit un petit peu plus parce qu'on part déjà d'une région avec une population un peu plus vieille. Sans l’apport migratoire, on serait peut-être dans une situation de vieillissement beaucoup plus importante.

Dans 50 ans, l’île devrait voir sa population vieillir malgré un solde migratoire positif (+0,72) et donc l’arrivée de personnes en âge actif. Cela peut paraître paradoxal…

C'est l’une des hypothèses de l'étude : on garde ce même taux de croissance par l'immigration et on se projette en se basant sur les tendances récentes qui doivent rester stables. Mais le fait est que d’ici 50 ans, la population va monter en âge. Au bout d’un moment, la mortalité va être telle - parce que les gens seront vieux – que la croissance ne va même plus compenser les arrivées de personnes en âge actif. D’après cette projection qui, je le rappelle, n’est pas une prévision, la population de l’île va enclencher une baisse à partir de 2060. On va même perdre des habitants entre 2060 et 2070.

La Corse perdrait également son leadership en termes de dynamisme démographique, passant derrière l’Occitanie et les Pays de la Loire…

Oui. Pendant ces 20 dernières années, nous étions plus ou moins la région métropolitaine avec la plus forte croissance de population. Elle était notamment tirée par les arrivées du continent et de l’étranger. Là, sur la dernière décennie, on se rend compte que la tendance était un peu au ralentissement. On avait quand même une croissance importante mais quand on regarde les 7 dernières années, on est sur 1% de croissance annuelle moyenne, alors que sur la période antérieure on était sur 1,4%. On est donc sur un ralentissement de cette croissance.  En continuant dans la même perspective, cette croissance ne sera même plus en capacité de compenser la mortalité liée à la vieillesse de la population.

Quelles pourraient être les conséquences de cette projection ?

À l’INSEE, nous ne nous positionnons pas en termes de négativité ou de positivité. On ne sait pas si une population vieille, c'est négatif. Néanmoins, on voit bien les questions qui sont en jeu : l’accompagnement des personnes âgées, notamment sur tout ce qui concerne l'appareil de soins et les services à la personne. On voit bien qu’on est sur des besoins qui seront encore différents à l'horizon 2070 si la population vieillit telle qu’on le projette aujourd’hui. Ce qui pourrait peut-être contrebalancer cela, ce serait une attractivité notamment de l'emploi. Cela pourrait par exemple permettre une arrivée d’actifs et de personnes en âge de travailler, et donc limiter le vieillissement. Après, on ne peut pas du tout prévoir ce qui va se passer, notamment les incertitudes en termes d'écologie et d'environnement. Ce serait oser de dire ce qui va réellement se passer, surtout dans une période d'incertitude comme on la connaît depuis 2 ans…

Ces projections sont-elles différentes entre les zones urbaines et rurales ?

Sur ces projections-là, on ne peut pas descendre sur des niveaux aussi fins. On va avoir des projections au niveau du département, mais on n'en aura pas en-dessous. Pour faire ces publications, il nous faut un minimum de 50.000 habitants pour projeter une population. En-dessous, c’est trop fragile. Sur l'île, globalement, on voit bien qu’en dehors d’Ajaccio et Bastia et de leurs périphéries, il reste environ 50.000 habitants ; c'est donc compliqué d'avoir de l'Infra-régional et infra-départemental. Néanmoins, chaque année, les publications sur la population de l’île et le découpage territorial nous permettent de situer les dynamiques les plus fortes. Elles sont dans les périphéries des villes qui gagnent le plus d’habitants. Le sud de Bastia et la périphérie d’Ajaccio, avec les vallées de la Gravona, du Prunelli et la rive sud sont les territoires les plus dynamiques.

Ce genre d’étude où l’on prend en compte les évolutions de tendances mesurées avec le recensement de la population sur le territoire n’est pas nouveau. La dernière projection que vous aviez réalisée avait pour horizon 2040. Que disait-elle ?

Elle ne disait pas exactement la même chose. On était sur une augmentation qui était plus importante à l'horizon 2040 que celle qu'on mesure aujourd'hui à l'horizon 2070. Notamment parce qu'on a eu un ralentissement de la croissance migratoire et le passage au solde naturel qui est négatif. Lors du dernier exercice, on avait projeté une population encore plus importante. Là, on revient un peu sur cette projection-là en prenant en compte l’État civil des dernières années ainsi que les croissances liées aux migrations.

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